Coordonnatrice de la Campagne internationale contre les tribunaux de la charia, Arjomand parle de la mort d’Aqsa Parvez, qui ne serait que la pointe de l’iceberg au Canada, de l’influence de l’islam politique au Canada, de la nature du régime islamique en Iran et de la soif de liberté, de laïcité et de modernité des femmes et des jeunes dans ce pays.
FrontPage Magazine interview Homa Arjomand. Nous publions une traduction de l’entrevue :
Aujourd’hui, l’invitée de Frontpage Interview est Homa Arjomand, coordonnatrice de la Campagne internationale contre les tribunaux de la charia au Canada. Elle a été nommée femme de l’année par La Gazette des Femmes en 2005. En 2006, elle a reçu le prix Toronto Humanist of the Year et le prix du Humanist Association of Canada.
FP: Homa Arjomand, bienvenue à Frontpage Interview.
Arjomand: Merci de me donner cette occasion.
FP: Vous êtes originaire de l’Iran. Pouvez-vous nous en dire un peu plus sur votre parcours et comment vous avez fini par quitter l’Iran?
Arjomand: Je suis née et j’ai grandi en Iran. A 17 ans, j’ai commencé mes activités sociales et politiques avec un groupe d’étudiants en médecine et suis devenue une dissidente contre le régime islamique. J’ai étudié en Angleterre avec le parrainage de la National Iranian Oil Company. Je suis retournée en Iran et j’ai travaillé comme professeur dans plusieurs collèges et universités. Au cours de l’hiver 1989, j’ai fui l’Iran à travers les montagnes parce que ma vie était menacée par le régime islamique. Je vis au Canada depuis 1990 et j’ai organisé et participé à d’innombrables réunions, conférences internationales, tables rondes et forums sur les droits des femmes, des enfants, des gays et des lesbiennes. J’ai fait beaucoup d’entrevues avec les principaux journaux et programmes de télévision en Europe et en Amérique du Nord, me portant à la défense de la laïcité.
Lorsque la loi sur l’arbitrage de l’Ontario a permis aux différends familiaux d’être résolus en vertu de cette loi, en tant que défenseur de la laïcité, j’ai formé à la Campagne internationale contre la charia au Canada pour m’opposer à la charia et aux restrictions que l’islam politique impose aux femmes et aux enfants, et à tous les autres arbitrages fondés sur la loi religieuse.
À Toronto, j’avais un talk-show social sur Rogers Cable, qui traite de questions telles que les droits des enfants, des femmes, des gais et lesbiennes, et la maltraitance des personnes âgées. En ce moment je travaille en tant que conseillère de transition pour femmes victimes de violence domestique.
FP: Parlez-nous de la Campagne internationale contre les tribunaux de la charia au Canada.
Arjomand: Lorsque je vivais en Iran, j’ai vu la montée de l’islam politique et, avec elle, l’application de la charia.
La montée de l’islam politique a fait régresser le mouvement de libération des femmes en Iran et abaissé les normes de cette société en légalisant l’apartheid entre les sexes et l’application en droit de la famille de lois religieuses qui sont ouvertement discriminatoires à l’égard des femmes et des enfants.
Comme la puissance de l’Islam politique a grandi en Iran, j’ai assisté à l’exécution de tous mes camarades militants pour leur travail sur les questions des droits humains et des droits des femmes Iran.
Je sais que la discrimination et les persécutions fondées sur le sexe en matière de mariage, de divorce, de garde d’enfants et ainsi de suite sont des raisons pour lesquelles de nombreuses femmes fuient les sociétés qui sont sous la férule de l’Islam politique et cherchent refuge au Canada et en Occident.
Au cours des 12 dernières années, j’ai travaillé comme conseillère de transition pour femmes violentées au Canada. Beaucoup de mes clientes proviennent de soi-disant «communautés musulmanes. » J’aide ces femmes et ces enfants à fuir des situations familiales abusives et souvent dangereuses et à commencer une nouvelle vie dans un foyer sûr et sécurisé.
Dans mon travail, je vois souvent le traitement inéquitable des femmes et des enfants qui utilisent l’arbitrage religieux. La plupart de ces femmes reçoivent très peu de soutien financier et, souvent, n’ont pas le droit de voir leurs enfants. Parfois, après un divorce, le père va envoyer ses enfants – en particulier les filles – dans son pays d’origine pour être élevés par un membre de la famille, puis les pousser à se marier à un très jeune âge, même si elles sont citoyennes canadiennes.
Le 23 octobre 2003, M. Syed Mumtaz Ali [a] , président de la Société canadienne des musulmans, a annoncé l’ouverture de l’Institut islamique de justice civile. Dans son annonce, M. Ali a dit que pour être un « bon musulman », vous devez utiliser la charia pour les questions de droit familial. Cette déclaration politique était non seulement coercitive, mais aussi une menace directe pour les musulmans pieux qui préfèrent utiliser les lois canadiennes.
La déclaration de M. Ali m’a choquée parce que sa proposition n’avait rien à voir avec les convictions personnelles de quelqu’un, elle était en fait très politique. Il a affirmé que son autorité juridique était fondée sur la loi de l’Ontario. Grâce à mon travail en tant que conseillère en transition, je n’ignore pas que les arbitrages religieux se produisent. Toutefois, j’avais supposé, à tort, qu’ils étaient pratiqués illégalement, à huis clos.
À l’époque, je ne croyais pas que le Canada permettrait l’arbitrage religieux en droit de la famille. Cependant, lorsque j’ai fait une enquête plus approfondie, j’ai découvert que dans la Loi sur l’arbitrage de 1991, article 32 – conflits de lois – permettait effectivement des arbitrages familiaux fondés sur les lois religieuses. Cette découverte m’a attristée et inquiétée, ainsi que d’autres activistes. Pour nous, comme défenseurs expérimentés des droits des femmes et des enfants, la Loi sur l’arbitrage de 1991 a fourni un feu vert permettant à l’islam politique d’élargir sa portée et de renforcer son emprise sur la vie des musulmans vivant au Canada. Nous avons estimé qu’il était de notre devoir d’informer le public canadien de cette menace pour leurs libertés.
Nous avons tous été motivés par une préoccupation commune que l’islam politique essaie de se développer au Canada en favorisant l’utilisation de l’arbitrage familial basé sur la charia. Nous étions certains que l’arrivée des tribunaux de la charia au Canada n’était pas seulement une coïncidence. Elle faisait partie d’un mouvement mondial de l’islam politique.
Notre campagne a débuté à Toronto le 30 octobre 2003 avec une poignée de partisans, et aujourd’hui elle est passée à une coalition de 183 organisations de 14 pays avec plus d’un millier de militants, qui donnent bénévolement de leur temps et de leurs compétences.
FP: Que pensez vous du récent et tragique meurtre d’honneur de Aqsa Parvez?[b]
Arjomand: Aqsa Parvez est évidemment une autre victime de meurtre d’honneur. Elle a été jugée et condamnée à mort par les convictions de sa famille, pour ne pas honorer la culture et les traditions rétrogrades qui sont encouragées et surveillées par les mouvements religieux – en particulier le mouvement islamique mondial.
Le meurtre d’honneur est un châtiment pour les femmes qui agissent d’une manière non confirme à la religion, aux traditions et à la culture qui leur sont imposées. Pour être plus précise, il s’agit d’une punition pour celles qui désirent mener leur propre mode de vie et choisir leur propre partenaire. Les victimes sont des femmes et des jeunes filles qui ont soif de liberté et ne sont pas disposées à faire des compromis pour moins qu’un mode de vie moderne.
La mort de Aqsa Parvez à l’âge de 16 ans est juste une pointe de l’iceberg au Canada, où le respect des cultures et des religions rétrogrades passe avant les droits des femme et des enfants, où les ghettos culturels sont devenus un paradis idéal pour écraser toute velléité des femmes d’être libres [c].
Dans le cas de Aqsa Parvez, une brave fille qui se mettait à l’avant-plan de la lutte pour une vie humaine bien méritée, les groupes islamiques qui favorisent la loi islamique et les écoles islamiques et qui recherchent une plus grand part de pouvoir devraient être tenus les premiers responsables. Ils sont ceux qui poussent pour des communautés fermées et régressives dans le coeur du Canada et ont créé des petits Iran, Afghanistan, Somalie et Pakistan [d]. Ce sont eux qui sont à blâmer pour convaincre les familles et les individus à accepter des règles et règlements barbares, et pour ne pas avoir de pitié pour leurs propres enfants et les membres de leur famille [e].
Cette cruauté envers nos enfants et nos femmes ne doit pas être tolérée et doit être fermement condamnée. Des punitions sévères doivent être envisagées pour ceux qui abusent et maltraitent des enfants ou des femmes sous le soi-disant nom d’action islamique.
FP: Quelle est la nature du régime islamique en Iran?
Arjomand: Le régime islamique d’Iran, par nature, est un régime basé sur l’idéologie islamique. Il est bien connu comme anti-liberté, anti-femmes et anti-laïcité. Ses lois brutales représentent l’anti-modernisme et la lutte contre toutes les valeurs sociales progressistes. Ce régime est fondé sur les principes de la terreur, l’emprisonnement, la torture, l’exécution et la lapidation [f].
FP: Partagez avec nous un peu plus de vos réflexions sur l’islam politique.
Arjomand: L’islam politique comme mouvement est très actif dans la politique et recherche son propre État et sa part de pouvoir. D’autres aspects tels que la culture et les lois servent sa volonté politique et ses besoins politiques. Ce mouvement s’alimente à la masse de ceux qui sont opprimés et isolés. Ce sont ceux qui n’ont plus de patience avec la discrimination et l’oppression, n’ont aucun espoir d’amélioration sociale par les partis au pouvoir et n’ont aucun espoir d’alternatives modernes et progressistes. Ce mouvement apparaît comme anti-occidental, pas nécessairement anti-« gouvernement occidental », mais plutôt anti « normes et valeurs occidentales ». Il est misogyne et va à l’encontre de la modernité. Il est très anti-laïque.
C’est un mouvement qui n’hésitera devant rien pour faire reculer ses opposants et obtenir la reconnaissance par les États de l’Occident. Ceci est parfois fait par le biais de la terreur, en posant des bombes dans les endroits les plus achalandés, rues, cinémas, stations de métro, hôpitaux et écoles. Cela crée une structure de pouvoir parallèle au sein de la société environnante. Ce mouvement fera tout pour pénétrer dans le système juridique, soit en utilisant une mauvaise pièce de législation comme la Loi sur l’arbitrage de l’Ontario ou en prenant la justice entre leurs mains en imposant une structure de relations humaines complètement différentes au sein de la société. Ceci est fait en enlevant la culture civique où les citoyens sont libres et égaux et en la remplaçant par l’éthique définie dans la charia [g].
Ce mouvement n’a pas de véritable plan économique ou social, mais il est conscient que toute forme de démocratie dans des pays tels que l’Iran, l’Irak, le Pakistan et l’Égypte se terminera par un soulèvement laïque de masse laïque et la croissance des mouvements syndicaux. Même en Arabie saoudite, un cheikh ne pourrait survivre plus de quelques jours si la véritable démocratie était autorisée à exister.
PF: Êtes-vous optimiste quant au fait que les Iraniens peuvent renverser le régime?
Arjomand: L’Iran, en tant que société, a été dédiée à la civilisation et à soif de modernisme et de la culture occidentale. La lutte des femmes contre le voile obligatoire, l’attraction des jeunes filles pour obtenir des diplômes universitaires et accéder à l’enseignement supérieur, l’attraction des jeunes pour la culture occidentale, la musique, le cinéma et la mode, la lutte des femmes pour obtenir le droit au divorce et le droit d’avoir la garde de leurs enfants, le droit de voyager et de travailler, présentent tous la force d’un très fort mouvement laïc en Iran.
Il y a une approche qui s’oppose à une démocratie culturelle et intellectuelle en Iran. Les adeptes de cette approche assument en premier lieu que 90% des Iraniens sont musulmans simplement parce qu’ils le sont à la naissance. Ils supposent en outre que les membres de la société en Iran n’ont pas le désir de la liberté politique et des droits civils. Basé sur cette hypothèse, ils concluent que les citoyens iraniens sont des adeptes d’une religion et de traditions rétrogrades. Leur proposition consiste à mettre davantage l’effort sur l’éducation, surtout l’éducation culturelle, et à critiquer la religion d’une manière philosophique. Les adeptes de cette approche ignorent délibérément la base du mouvement en faveur de la laïcité et tentent d’éviter la chute de la religion. Ils ont bien essayé de sauver le régime islamique d’Iran en plantant l’idée que l’islam peut être modéré.
Mais la réalité et les besoins de la société, ainsi que les déplacements des personnes en Iran, ont prouvé quelque chose de différent. Pour survivre, le peuple d’Iran a besoin de parvenir à une vie civile moderne. Il est impossible de demander à des femmes très instruites de nier leurs droits fondamentaux et de demeurer soumises envers les hommes dans leurs foyers. Il est impossible de traiter les femmes comme des citoyens de deuxième classe alors qu’elles sont titulaires d’emplois dans des entreprises industrielles ou des bureaux. À l’ère de l’internet et de la haute technologie, il est impossible de s’attendre à ce que les jeunes ne profitent pas d’une vie colorée et heureuse et qu’ils vivent comme des étudiants de théologie.
La réalité est que le mouvement de la démocratie séculaire a été repoussé par le rôle religieux (islam politique) et les citoyens iraniens en sont bien conscients. C’est pourquoi nous encourageons un mouvement de masse portant l’étendard de la liberté et de la laïcité à renverser ce régime.
Source: Protecting Women and Children from Sharia, par Jamie Glazov, FrontPageMagazine,com, le 31 décembre 2007 http://frontpagemagazine.com
- Le blasphème et l’apostasie démystifiés par un avocat torontois, par Annie Lessard, Point de BASCULE, le 17 novembre 2007 [https://www.pointdebasculecanada.ca/spip.php?article105->https://www.pointdebasculecanada.ca/spip.php?article105]
- La mort tragique d’Aqsa Parvez par Tarek Fatah et Farzana Hassan, Point de BASCULE, le 12 décembre 2007 [https://pointdebasculecanada.ca/spip.php?article133->https://pointdebasculecanada.ca/spip.php?article133]
- On peut marier de force des fillettes de moins de 9 ans, selon des « savants » d’une mosquée de Toronto, Point de BASCULE, le 20 octobre 2007 [https://www.pointdebasculecanada.ca/spip.php?article93->https://www.pointdebasculecanada.ca/spip.php?article93]
- Peace Village près de Toronto – Première enclave musulmane au Canada, Point de BASCULE, le 28 octobre 2007 [https://www.pointdebasculecanada.ca/spip.php?article94->https://www.pointdebasculecanada.ca/spip.php?article94]
- La femme musulmane non voilée risque l’enfer, par Annie Lessard et Marc Lebuis, Point de BASCULE, le 18 décembre 2007 [https://www.pointdebasculecanada.ca/spip.php?article148->https://www.pointdebasculecanada.ca/spip.php?article148]
- Iran- Un haut religieux musulman déclare que les femmes non voilées doivent mourir, Point de BASCULE, le 20 décembre 2007 [https://www.pointdebasculecanada.ca/spip.php?breve169->https://www.pointdebasculecanada.ca/spip.php?breve169]
- Au Canada, des « experts » expliquent à la cour que l’islam justifie la violence contre les femmes, Point de BASCULE, le 18 octobre 2007 [https://www.pointdebasculecanada.ca/spip.php?article91->https://www.pointdebasculecanada.ca/spip.php?article91]