La guerre civile a déjà commencé, Jean Rouxel
Dans notre n° 675, j’écrivais que nous ne voulions pas d’intifada chez nous. Et je persiste à penser que ceux qui veulent se battre du côté israélien comme du côté palestinien peuvent le faire sur le terrain, en hommes qui assument les risques de leurs choix, mais qu’ils n’ont aucun titre à transférer leurs haines respectives en France.
Mais, d’un autre point de vue, la guerre civile a déjà commencé en France. Pour la première fois en janvier, l’armée française a reconnu que certains militaires refusaient de partir en Afghanistan pour « raisons confessionnelles ». En clair, il s’agissait d’engagés musulmans qui refusaient de combattre « leurs frères ».
Je comprendrais fort bien qu’un musulman refuse de s’engager dans l’armée, de crainte d’avoir un jour à lever les armes sur un autre musulman. En revanche, une fois engagé, le militaire n’a plus le choix des combats qu’il aura à mener. C’est à la France qu’il a choisi de servir de lui fixer ses missions, non plus à lui.
Ce précédent est gravissime et l’on s’étonne que le gouvernement et l’état-major soient si peu diserts sur le sujet. Car, enfin, que signifie ce refus d’obéissance ? Rien d’autre que ceci : l’appareil d’État est en partie au moins entre les mains de personnes qui n’ont pas l’intention de servir la France, mais leurs idées ou leurs communautés. En d’autres termes, la communauté française n’existe plus vraiment ; elle n’a plus les moyens de demander à ses ressortissants d’oublier pour un moment leurs querelles et de songer au bien commun.
Oui, la guerre civile a bien commencé. Ou plutôt la guerre civile n’a même pas eu lieu, car la France n’est plus une cité réunissant tous ses ressortissants. La France n’est plus qu’une expression géographique où cohabitent (mal) des communautés qui travaillent à leur défense et à leur expansion, mais refusent de travailler à un avenir commun.
Cette nouvelle, en soi catastrophique, arrive en outre au plus mauvais moment. On sait depuis longtemps que les banlieues sont des poudrières. La guerre inter-ethnique n’attend qu’une occasion pour se rallumer. D’autant plus que rien n’a été fait depuis les émeutes de 2005.
La crise économique, avec son cortège de chômage, de faillites, et de baisse du pouvoir d’achat pourrait bien être le détonateur qu’attendent ces poudrières.
Et, le moment venu, est-on assuré que les « minorités visibles » au sein des forces de l’ordre choisiront d’assurer la sécurité ? Ne feront-elles pas plutôt cause commune avec leurs « frères » ?