Le blog Gates of Vienna affiche les résultats d’un sondage mené en Autriche sur les attitudes et les croyances des professeurs qui enseignent l’islam dans les écoles publiques. Son correspondant ESW a compilé des informations tirées de sources en langue allemande.
Les sondés n’étaient pas des citoyens ordinaires, mais les personnes à qui l’État autrichien confie officiellement la tâche d’enseigner l’islam.
Selon ESW, le sondage rendu public il y a deux jours a rendu les musulmans d’Autriche fort nerveux, en particulier ceux qui souscrivent à l’islam officiel.
Mouhanad Khorchide (celui qui a réalisé le sondage) est un scientifique bien connu qui est souvent invité à participer à des débats. Les musulmans ne peuvent donc pas se plaindre d’un sondage fait par un infidèle : il a été réalisé par un des leurs. C’est la principale raison de leur nervosité. Même la gauche politique est angoissée par les résultats.

Traduction (de la version anglaise) d’un article paru mercredi (en allemand) dans le Die Presse:
L’enseignement religieux islamique – Un problème
Un enseignant de religion islamique sur cinq (21.9%) a un problème avec la démocratie. Et il le dit même ouvertement. C’est ce qui ressort d’un sondage écrit mené méticuleusement par le sociologue et chercheur Mouhanad Khorchide.
Le sondage contient aussi d’autres données explosives: 14.7% des sondés n’adhèrent pas à la Constitution autrichienne, 13.9% sont d’avis que les élections ne sont pas compatibles avec l’islam, et 28.4% pensent qu’il n’est pas possible d’être européen et musulman en même temps.

Mais il y a plus. Parmi les enseignants sondés, 18.2% prônent la peine de mort en cas d’apostasie. Et 8.5% ont une opinion favorable de ceux qui ont recours à la violence pour répandre l’islam.
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Anas Shakfeh, le chef de la Communauté islamique en Autriche, conclut que les croyances et attitudes révélées par le sondage sont grandement problématiques. Toutefois, des mesures directes ne peuvent être prises sur la base du rapport parce que les questionnaires étaient anonymes. «Je ne peux pas réagir à une opinion anonyme», a dit Shakfeh. Si un enseignant faisait de telles déclarations, il y aurait des conséquences.
Mais le recrutement des professeurs d’islam est la responsabilité de la Communauté islamique, et non celle de l’État. Cela a abouti à l’embauche d’enseignants qui sont mal formés ou pas formés du tout. 37% de ceux qui enseignent actuellement n’ont pas de formation théologique et 41% ne sont pas formés comme enseignants. Toutes ces données sont consignées dans le rapport.
La Communauté islamique blâme les « reliques » pour ces résultats: lorsque l’enseignement religieux islamique a été introduit pour la première fois en 1982, il n’y avait pas d’enseignants qualifiés en Autriche, de sorte qu’ils devaient être « importés » de la Turquie. Ce n’est qu’en 1998 que l’Académie religieuse islamique (IRPA) a été fondée à Vienne [comme partie de l’Université de Vienne].
Les choses ont quelque peu changé depuis, dit Khorchide. « Les enseignants de deuxième génération s’identifient plus fortement avec l’Autriche. Ils n’ont pas de déficits [tels ceux qui sont documentés dans le rapport] ». D’autre part, ces enseignants plus jeunes ne mettent pas l’emphase sur la réflexion critique. Ils se contentent de transmettre les rituels et les lois. Il reste beaucoup à faire.
Le rapport est intitulé : Mouhanad Khorchide, « L’enseignement religieux islamique, entre l’intégration et des sociétés parallèles – Les attitudes et les croyances des professeurs de religion islamique dans les écoles publiques »
Le sondage comportait les questions suivantes :
1. Je m’oppose à la démocratie car elle ne peut pas être conciliée avec les enseignements de l’Islam.
2. Je crois qu’il n’est pas possible d’être européen et musulman.
3. L’islam interdit de prendre part aux élections (c’est-à-dire de voter).
4. Je m’oppose à la Constitution autrichienne, car elle est en contradiction avec l’islam.
5. L’islam ne permet pas la participation aux activités culturelles autrichiennes (théâtre, art, etc.)
6. Je m’oppose à la Convention sur les droits de l’homme car elle n’est pas compatible avec les enseignements de l’islam.
Réactions politiques
Voici quelques-unes des premières réactions politiques, telles que résumées par ESW à partir de ORF:
Tant le ministre de l’Éducation que le maire de Vienne demandent qu’il y ait des suites. Fait intéressant, le ministre et le maire sont tous deux membres de partis socialistes.
Le maire Michael Häupl a dit: «Le fait qu’un cinquième des professeurs de religion islamique s’oppose à la démocratie m’empêche de dormir. S’il y avait une étude comme celle-là sur les enseignants de souche, je m’évanouirais. » Il avertit que toute modification dans la façon dont les enseignants sont formés aura un impact sur les professeurs qui enseignent le christianisme. En effet, la loi sur l’éducation religieuse de 1949 stipule que les groupes religieux sont en charge de l’éducation religieuse. L’État agit uniquement comme superviseur.
La ministre Claudia Schmieda a déclaré dans une interview sur la télévision autrichienne que le résultat du sondage exige que des actions soient prises et qu’elle demandera à rencontrer Anas Shakfeh.
Tous les autres partis politiques autrichiens ont réagi au sondage controversé bien avant les socialistes. Sirvan Ekici (ÖVP, parti conservateur), en charge des questions d’intégration, veut que la Communauté islamique veille à ce que les enseignants respectent les lois et les valeurs autrichiennes.
Les socialistes exigent que «la Communauté islamique fournisse des explications détaillées. Il faut s’assurer que rien ne soit enseigné qui va à l’encontre des valeurs démocratiques. Il n’y a pas de place pour les tendances fondamentalistes. »
Le Parti de la liberté (FPÖ) et le BZÖ, issus du parti de Jörg Haider, sont d’accord que les mosquées et les écoles doivent être étroitement surveillées. Cela devrait être fait par l’Agence fédérale pour la protection de l’État et la lutte contre le terrorisme, puisque la Communauté islamique n’a pas la volonté ou la capacité de le faire.
Même le Parti Vert est troublé par les résultats du sondage. « Ceux qui s’opposent aux droits de l’homme ou qui demandent la peine de mort pour apostasie ne sont pas aptes à enseigner dans les écoles autrichiennes», déclare Harald Walser, qui met également en garde contre des sociétés parallèles.
Qui est Mouhanad Khorchide?
Originaire du Liban, Khorchide, 37 ans, se voit comme un musulman libéral qui ne considère pas le Coran comme la parole littérale de dieu et qui applique des méthodes scientifiques lorsqu’il forme des professeurs ou travaille comme imam.
Ce qui rend sa thèse de doctorat exceptionnelle est son approche unique sur les questions qui touchent l’islam, l’école et l’intégration. Les dirigeants de la Communauté islamique ont vu son potentiel et en 2007, ils l’ont autorisé à distribuer ses questionnaires à une conférence des professeurs de religion islamique. 210 professeurs (sur 330) ont complété le questionnaire. Les experts disent que les résultats sont particulièrement représentatifs de Vienne et de la basse Autriche (deux états dans l’est du pays). Les professeurs les plus qualifiés et les mieux formés enseignent dans ces deux états.
Selon le rapport, les réponses fournies par un quart des professeurs aux questions sur la démocratie, l’état de droit et l’intégration correspondent exactement à ce que disent les populistes de droite et à ce que craignent les libéraux. Plus le professeur est âgé, plus il rejette l’état de droit et les principes démocratiques. Fait particulièrement déconcertant: 44% des professeurs croient que les élèves doivent avant tout apprendre à se sentir supérieurs.
Un enseignant sur trois n’a pas la citoyenneté autrichienne. Les enseignants sont des immigrants de première génération originaires de la Turquie, de la Syrie, du Liban et de l’Égypte qui n’ont pas été exposés aux valeurs et aux libertés démocratiques dans leur pays d’origine. Comment peuvent-ils transmettre ces valeurs à leurs élèves?
La Communauté islamique est représentée par Anas Shakfeh. Il en a été président pendant 10 ans et travaille comme enseignant. Les autorités autrichiennes l’ont en grande estime sur les questions d’intégration. Il a reçu des récompenses prestigieuses pour ses efforts. Il dirige l’agence de l’éducation islamique et a enseigné pendant 20 ans sans avoir reçu une formation formelle. Il travaille aussi pour l’ambassade d’Arabie saoudite à Vienne.
Informations additionnelles tirées de ORF:
L’enseignement religieux islamique est dispensé dans les écoles publiques d’Autriche depuis 27 ans. Il y a 350 professeurs pour 32.000 élèves. Khorchide ajoute qu’il n’y a jamais eu d’évaluation scientifique des cours de religion islamique. Avant la fondation de l’Institut islamique IRPA en 1998, les enseignants étaient recrutés parmi la population arabe d’Autriche. Certains d’entre eux sont des radicaux et ils enseignent toujours.