L’accusation qu’Israël utilise une force disproportionnée refait surface chaque fois qu’il a à défendre ses citoyens contre des agressions par des organisations terroristes. Dore Gold, du Jerusalem Center for Public Affairs, analyse la notion de proportionnalité sous l’angle du droit international et comme enjeu stratégique.
Sur ce thème, voir aussi dans notre section vidéo: Expert légal sur la notion d’attaque “disproportionnée”.
La légalité des actions d’Israël est systématiquement scrutée à la loupe par des experts du droit humanitaire international. Aucun autre pays démocratique dans le monde n’est soumis à un tel niveau d’examen. Par contre, les crimes du Hamas, une entité terroriste connue pour faire usage de boucliers humains, ne sont généralement pas dénoncés. Hier, l’organisme NGO Monitor a d’ailleurs réclamé la démission des dirigeants de puissantes ONG, soit Amnistie, Human Rights Watch et B’tselem (basé en Israël), soulignant leur responsabilité morale directe dans la mort de civils tant palestiniens qu’israéliens en raison de leur mutisme sur ces crimes.
Plus près de chez nous, on observe le mutisme des groupes islamistes et de nos commissions des «droits humains» face aux appels répétés au meurtre des Juifs proférés dans les rues de Montréal et de Toronto lors des manifestations contre l’action militaire d’Israël dans la bande de Gaza. Ils doivent être trop occupés à scruter des écrits inoffensifs comme ceux de Maclean’s et de Mark Steyn. La liberté d’expression des manifestants scandant des slogans haineux et génocidaires bénéficiait, elle, d’une protection policière.
Traduction de: Did Israel Use “Disproportionate Force” in Gaza?, par Dore Gold, Jerusalem Center for Public Affairs, le 28 décembre 2008
Israël jouit présentement d’un faible degré de compréhension dans les milieux diplomatiques et les médias pour avoir lancé une opération militaire de grande envergure contre le Hamas le 27 décembre. Il y a cependant des voix importantes au niveau international pour dénoncer l’utilisation, par Israël, d’une force disproportionnée dans sa lutte contre le Hamas.
Des agglomérations peuplées ciblées par des tirs de roquettes
Il y a de bonnes raisons expliquant le silence initial des critiques d’Israël. Après tout, des centres d’agglomérations du sud d’Israël ont été la cible de plus de 4000 roquettes et de milliers d’obus de mortier lancés par le Hamas et d’autres organisations depuis 2001. La majorité de ces attaques ont été menées après le retrait complet d’Israël de la bande de Gaza en août 2005. Les attaques à la roquette ont augmenté de 500 pour cent de 2005 à 2006 (passant de 179 à 946).
En outre, le Hamas a récemment élargi le rayon de ses capacités de frappe grâce à de nouvelles roquettes fournies par l’Iran. Le Hamas a utilisé une roquette Grad/Katyusha d’une portée de 20,4 kilomètres pour la première fois le 28 mars 2006, mettant la ville israélienne d’Ashkelon à portée de ses roquettes. Cette modification a fait passer de 200.000 à un demi-million le nombre de civils Israéliens menacés par les roquettes. En outre, le 21 décembre 2008, Yuval Diskin, chef de l’Agence israélienne de sécurité, a informé le gouvernement israélien que le Hamas avait acquis des roquettes pouvant atteindre Ashdod, Kiryat Gat, et même la périphérie de Beersheba. En fait, la première frappe de Grad/Katyusha sur Ashdod a eu lieu le 28 décembre. Il n’y a pas eu de cessez-le-feu officiel entre Israël et le Hamas, mais seulement une tahadiya (pause) informelle de six mois au cours de laquelle 215 roquettes ont été lancées sur Israël. Le 21 décembre, le Hamas a annoncé de manière unilatérale que la tahadiya avait pris fin.
Les critiques
Le 27 décembre 2008, le porte-parole du Secrétaire général de l’ONU Ban Ki-moon a publié une déclaration indiquant que le Secrétaire général, « tout en reconnaissant les soucis de sécurité d’Israël concernant les tirs continus de roquettes en provenance de Gaza », réitérait «l’obligation d’Israël de se conformer au droit humanitaire international et aux normes régissant les droits de l’homme ». La déclaration mentionne spécifiquement qu’il « condamne l’usage excessif de la force qui cause des morts et des blessés parmi les civils » [italiques ajoutés].
Le lendemain, Navi Pillay, Haut Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme, a « fermement condamné l’usage disproportionné de la force par Israël. » Le Président français Nicolas Sarkozy, qui détient la présidence tournante de l’Union européenne (ndlr: il a été remplacé le 1er janvier), a également condamné « l’usage disproportionné de la force » par Israël, tout en demandant au Hamas de mettre fin à ses attaques à la roquette sur Israël. Le Brésil a également joint ce chœur, critiquant la « riposte disproportionnée » d’Israël. Sans aucun doute, une puissante impression a été créée par les grands titres des médias occidentaux qui décrivent des frappes aériennes israéliennes massives dans la bande de Gaza, sans avancer aucune explication sur leur cause.
La proportionnalité et le droit international: la protection des civils innocents
L’accusation qu’Israël utilise une force disproportionnée refait surface chaque fois qu’il a à défendre ses citoyens contre des organisations terroristes non-étatiques et leurs attaques à la roquette. Du point de vue strictement juridique, les actions militaires d’Israël en cours dans la bande de Gaza sont assises sur des bases solides. Selon le droit international, Israël n’est pas tenu de calibrer son usage de la force en fonction de la dimension et de la portée des armes utilisées contre lui (on ne s’attend pas qu’Israël se mette à fabriquer des roquettes Kassam puis à les renvoyer sur la bande de Gaza).
Pour les experts juridiques internationaux, l’expression «usage disproportionné de la force » a un sens très précis. Comme la Présidente de la Cour internationale de Justice (CIJ) de La Haye, Rosalyn Higgins, l’a noté, la proportionnalité « ne peut pas se mesurer à l’aune d’un préjudice antérieur spécifique. Elle doit être en rapport avec l’objectif légitime plus large de mettre fin à l’agression.» En d’autres mots, si un État, par exemple Israël, fait face à une agression, alors la proportionnalité s’apprécie en déterminant si Israël a eu recours à la force dans le but spécifique de mettre fin à l’agression armée contre lui. Par conséquent, la force devient excessive si elle est employée à une autre fin, comme causer des pertes inutiles aux civils. Le facteur crucial servant à déterminer le caractère excessif de la force utilisée est l’intention du commandant militaire à l’égard des pertes civiles incidentes.
Qu’en est-il des données sur le nombre de victimes civiles? Certaines agences de presse internationales ont souligné que la grande majorité de ceux qui ont été tués dans la première phase de l’opération de Gaza étaient des agents du Hamas. Ibrahim Barzak et Amy Teibel ont écrit pour l’Associated Press le 28 décembre que la plupart des 230 Palestiniens qui auraient été tués étaient des «forces de sécurité », et des responsables palestiniens ont déclaré qu’«il y avait au moins 15 civils parmi les morts. » Il est certainement beaucoup trop tôt pour évaluer les pertes palestiniennes, mais même si elles augmentent, les chiffres rapportés révèlent qu’il n’y avait pas d’intention d’infliger des pertes collatérales disproportionnées chez les civils.
Au cours de la Seconde guerre au Liban, le professeur Michael Newton de l’Université Vanderbilt a eu des échanges avec William Safire du New York Times sur la question de la proportionnalité et du droit international. Le Council on Foreign Relations avait cité le test de proportionnalité proposé par Newton: «Si quelqu’un vous donne un coup de poing sur le nez, vous ne mettez pas le feu à sa maison». Newton servait comme expert en droit pénal international à Bagdad et a cherché à corriger l’impression donnée par sa citation. Il a précisé qu’aucun commandant militaire responsable ne cible délibérément des objectifs civils, et admis que telle était la pratique israélienne.
Un principe crucial du droit international veut que dans la mesure où l’on a tenté de « minimiser les dommages civils, un raid qui cause d’importants dommages -, mais qui vise une cible ayant une très grande valeur militaire – serait licite. » Les nombres comptent moins que le but du recours à la force. Israël a fait valoir qu’elle prend précisément pour cibles les installations servant le régime du Hamas, en vue de contrecarrer les efforts déterminés de cette organisation de poursuivre ses agressions à la roquette contre Israël. Sont ciblés le siège du Hamas, les bases d’entraînement, les dépôts d’armes, le commandement et le contrôle des réseaux, et les tunnels de contrebande d’armes. De cette manière, Israël se conforme à la norme juridique internationale de proportionnalité.
Par ailleurs, il y aurait disproportion si l’armée cherchait à attaquer une cible dont la valeur est minime en comparaison des énormes risques de pertes civiles collatérales. Ce point a été souligné le 9 février 2006 par Luis Moreno-Ocampo, Procureur en chef de la Cour pénale internationale, dans le cadre de l’analyse de la guerre en Irak. Il a expliqué que le droit international humanitaire et le Statut de Rome de la Cour pénale internationale « permettent aux belligérants de lancer des attaques non excessives [italiques ajoutés] contre des objectifs militaires, même en sachant qu’elles causeront incidemment des pertes en vies humaines dans la population civile et des blessures aux personnes civiles. » Une attaque devient un crime de guerre lorsqu’elle est dirigée contre des civils (ce qui est précisément ce que fait le Hamas), ou lorsque «les pertes incidentes chez les civils seraient manifestement excessives par rapport à l’avantage militaire attendu. » En fait, les experts juridiques d’Israël, jusqu’à la chaîne de commandement de l’armée, procèdent à ces calculs avant toute opération militaire de ce type.
La proportionnalité comme enjeu stratégique
Au-delà de la question du droit international, l’accusation qu’Israël utilise une force disproportionnée dans la bande de Gaza, en raison des rapports sur le nombre des victimes palestiniennes, doit être soumise à un examen critique. Les Israéliens se sont souvent dits entre eux au cours des sept dernières années que lorsque des roquettes du Hamas frapperont directement une école bondée, tuant de nombreux enfants, alors Israël réagira.
Ce scénario soulève la question de savoir si la doctrine de la proportionnalité exige qu’Israël attende que cette horreur se produise, ou si Israël peut agir sur la base de la capacité de destruction de l’arsenal que le Hamas possède déjà, des déclarations d’intentions hostiles de ses dirigeants, et de son utilisation actuelle des roquettes. Le professeur de droit de Harvard Alan Dershowitz notait ceci il y a deux ans: « La proportionnalité doit être définie par référence à la menace annoncée par un ennemi, et non par les dommages qu’il a causés.» Attendre que les roquettes du Hamas tombent sur une école israélienne, a-t-il noté avec justesse, mettrait Israël dans la position de permettre à « ses ennemis de jouer à la roulette russe avec ses enfants. »
La réalité fondamentale est que dans la lutte contre le terrorisme, aucun État n’est prêt à jouer à la roulette russe. Après que les États-Unis aient été attaqués le 11/9, une coalition occidentale a été formée pour renverser le régime des Talibans en Afghanistan. Personne n’a comparé le nombre des victimes afghanes en 2001 au nombre des victimes des attaques d’Al-Qaïda. Compte tenu qu’Al-Qaïda cherchait des armes non-conventionnelles, il était indispensable de mener une campagne visant à le priver du sanctuaire dont il avait bénéficié en Afghanistan, même si cette lutte se poursuit jusqu’à présent.
Y a-t-il proportionnalité contre des forces armées?
Dans des guerres de contre-insurrection, la plupart des armées cherchent à atteindre la victoire militaire en anéantissant autant que possible la capacité militaire de l’adversaire. Il n’y a clairement aucune attente internationale que les pertes militaires en temps de guerre soient symétriques. La plupart des armées cherchent à éliminer autant de forces ennemies que possible tout en minimisant les pertes au sein de leurs propres troupes.
Des pays membres de l’OTAN ont critiqué «l’usage disproportionné de la force par Israël», alors que des armées de l’OTAN affichent avec fierté leur « kill ratio » contre les Talibans en Afghanistan. En outre, une action militaire décisive contre un agresseur a le mérite de renforcer la dissuasion. Attendre d’Israël qu’elle renonce à l’emploi d’une force décisive contre des cibles militaires légitimes dans la bande de Gaza est le condamner à une longue guerre d’usure avec le Hamas.
Toute perte de vie civile est vraiment regrettable. Israël a annulé de nombreuses opérations militaires par souci des victimes civiles. Mais si des pertes civiles se produisent malgré les efforts d’Israël pour les éviter, la responsabilité n’incombe pas à Israël. Comme le philosophe politique Michael Walzer a écrit en 2006: «Quand les militants palestiniens lancent des attaques à la roquette à partir de zones civiles, ils sont eux-mêmes responsables, et personne d’autre, pour la mort des civils causée par les ripostes israéliennes ».
Les critiques internationales d’Israël cherchent possiblement des déclarations équilibrées qui répartissent le blâme pour le conflit actuel entre les deux parties. Elles seraient cependant mieux servies si elles ne se livraient pas à cet exercice artificiel, et distinguaient clairement la partie qui est l’agresseur dans ce conflit, le Hamas, et la partie qui cherche à vaincre l’agression contre des civils, Israël.
Voir aussi:
Manif à Toronto : “Hitler n’a pas fini la job”
Manif à Montréal : appels au meurtre des Juifs