Dans sa chronique du 18 janvier, Rima Elkouri accuse certains membres de la communauté juive de «terrorisme intellectuel» pour avoir déploré la caution accordée par divers groupes aux manifestations anti-Israël tenues dans les rues de Montréal qui ont donné lieu à des expressions de haine envers les Juifs et de soutien au terrorisme. Helios d’Alexandrie répond à Mme Elkouri.
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Madame,
Dans votre chronique du 18 janvier dernier vous avez écrit ceci: «Le défi, c’est d’être pro-paix et de ne pas nier, quoi qu’il arrive, l’humanité de l’Autre, qu’il soit israélien ou palestinien. En scandant des slogans haineux anti-juifs, une poignée de manifestants ont de toute évidence failli à ce principe vital. Mais en récupérant ces slogans haineux pour discréditer les organisateurs de la manifestation du 10 janvier, certains membres de la communauté juive ont malheureusement eux aussi failli à ce même principe». Si je vous comprends bien, le fait de reprocher aux organisateurs d’avoir toléré des slogans haineux et défilé sous les drapeaux du Hamas et du Hezbollah est un geste de déshumanisation à leur endroit. Autrement dit, crier à tue-tête; «La Palestine est notre pays et les juifs sont nos chiens», «brûle brûle Israël», «Nasrallah O bien aimé, bombarde bombarde Tel Aviv», et reprocher aux organisateurs de laisser faire, c’est du pareil au même.
J’avoue que pour la logique et pour le simple bon sens on a déjà vu mieux!
Les membres du comité Québec-Israël ont-ils raison d’être inquiets devant ces manifestations de haine? Les Québécois de toutes origines devraient-ils s’en inquiéter? Les généreux promoteurs du multiculturalisme et du «vivre ensemble» devraient-ils s’en faire du souci ?
Poser la question c’est y répondre. Pourtant, exception faite du comité Québec-Israël, personne n’a cru bon d’en parler et encore moins de paraître s’en inquiéter; même vous, alors que vous dénoncez ces slogans, vous ne semblez pas du tout inquiète de voir et d’entendre ces jeunes «québécois» les répéter. Pensez-y une minute, ces jeunes sont bien de chez nous, ils sont peut-être même nés au Québec, ils fréquentent les écoles québécoises et jouent peut-être au hockey. Qui leur a appris à répéter ces slogans? Qui leur a enseigné à haïr les Juifs? Ne croyez-vous pas qu’il serait opportun qu’on examine cette question à fond et qu’on fasse tout pour extirper la haine de l’Autre du milieu de notre société?
Pour ce qui est des organisateurs qui se sont dissociés des slogans haineux sans toutefois ordonner au service d’ordre de chasser ceux qui les répétaient et ceux qui portaient les étendards des terroristes, vous conviendrez avec moi qu’ils n’ont fait preuve ni de vigilance ni de fermeté. Pourtant, ils auraient dû se souvenir d’un incident similaire survenu en juillet 2006 alors que nos bons politiciens québécois se sont retrouvés, bien involontairement faut-il le souligner, marchant sous l’étendard du Hezbollah.
Force est de croire que la leçon n’a pas été retenue, puisque les organisateurs et les participants ont été encore une fois «piégés». Imaginons l’inverse, si des manifestants pro-Israël appelaient à l’extermination des Palestiniens, ne croyez-vous pas qu’il serait justifié de demander des comptes aux organisateurs, même si ces derniers se dissociaient des propos haineux? Il est plus facile de se dissocier après coup des manifestations de haine que de tout faire pour que la haine ne prenne pas racine dans l’esprit des gens. Et j’ajouterai ceci: il n’y a pas de fumée sans feu. Les propos violemment haineux à l’égard des Juifs sont un symptôme d’un mal plus profond qui risque un jour de gangréner la société québécoise.
Les membres du comité Québec-Israël ont tout à fait raison de s’inquiéter et de reprocher aux organisateurs de la manifestation la dérive haineuse dans laquelle elle s’est laissée naturellement entraîner. Être organisateur c’est être responsable, c’est à dire imputable avec obligation de rendre des comptes. La société québécoise, et non seulement le comité Québec-Israël, a le droit d’exiger des organisateurs et des participants qu’ils rendent des comptes. Ne pas le faire c’est ouvrir la porte à tous les dérapages.
Je tiens à reproduire le dernier paragraphe de votre chronique, qui mérite d’être commenté:
Il y a quelque chose d’obscène à discuter de tout cela alors que,
depuis trois semaines, 13 Israéliens et 1200 Palestiniens ont été
tués, dont 410 enfants, au nom de ce qu’on essaie de faire passer
pour un simple « devoir de défense ». Quelque chose qui ressemble
à ce que le spécialiste du Proche-Orient Alain Gresh appelle du
« terrorisme intellectuel ». Une manière « d’empêcher tout débat
en apposant un sceau d’infamie sur ses adversaires ».
Vous ne vous demandez pas pourquoi il n’y a pas eu une seule manifestation dénonçant le Hamas qui, depuis 8 ans, tire des missiles contre les municipalités du sud d’Israël en visant intentionnellement les civils, et aucune manifestation pour dénoncer le génocide de 300 000 villageois au Darfour? La réponse est simple, dans un cas comme dans l’autre, on ne peut dénoncer ni Israël ni les États Unis, c’est pourquoi nos intellectuels, nos syndicalistes et certains de nos politiciens n’y trouvent aucun intérêt.
Vous-même ne semblez pas ressentir beaucoup d’empathie à l’égard des Israéliens qui depuis huit ans doivent, de jour comme de nuit, vivre dans un état d’alerte permanent. Et s’ils attachent autant d’importance à la protection de leurs enfants, doit-on le leur reprocher en comparant leurs pertes avec ceux des Palestiniens qui, eux, se retrouvent par négligence ou comme boucliers humains au beau milieu des combats. C’est dommage que vous n’ayez pas expliqué les vraies motivations d’Israël dans cette guerre, puisque vous laissez entendre que «le devoir de défense» n’est qu’un prétexte. Vous auriez dû prendre votre courage à deux mains et convaincre vos lecteurs que huit ans de bombardements incessants avec des missiles dirigés exclusivement contre les civils ne constituent pas une raison suffisante pour intervenir militairement.
Vous faites bien entendu allusion au comité Québec-Israël en évoquant le «terrorisme intellectuel» sensé empêcher tout débat. Avant de jeter l’anathème sur cet organisme, vous devriez commencer par reconnaître qu’avec le battage médiatique qu’a suscité la guerre, le débat rationnel ne pouvait avoir lieu parce que les esprits étaient bien échauffés (ils le sont encore) et non à cause du «terrorisme intellectuel».
Mais pourquoi allez-vous chercher si loin un hypothétique terrorisme intellectuel. Celui dont la revue McClean’s et Mark Steyn ont été la cible aurait dû susciter votre intérêt (et vous inquiéter). Ce terrorisme porte un nom: le djihad juridique, et il s’exerce avec la bénédiction et la collaboration active de la commission canadienne des droits de la personne. Il a pour objet, non des propos haineux mais des faits vérifiables que l’auteur à relatés et que l’éditeur a publiés. Cette attaque vicieuse contre la liberté d’expression aurait dû susciter de votre part une saine réaction. Malheureusement nous avons eu droit au silence, le vôtre et celui d’un nombre impressionnant de vos collègues. Personnellement, je m’interroge sur les causes de ce silence. S’agit-il de votre part d’ignorance, d’indifférence ou simplement d’un manque de courage face au terrorisme intellectuel, le vrai ?
Voir aussi:
La Haine à Montréal. La CSN n’y voit pas de problème
Hezbollah ! Nasrallah ! Djihad ! Intifada ! Les Juifs sont nos chiens !
Manif à Montréal : appels au meurtre des Juifs