Rappelons qu’en 2001, la Cour européenne des droits de l’Homme a rejeté la plainte d’une enseignante suisse contre les autorités scolaires qui lui avaient interdit le port du foulard dans l’exercice de ses activités et responsabilités professionnelles. Selon la cour, le port du foulard constituait « un modèle ostensible d’identification imposé par l’enseignante aux élèves, de surcroît dans un système scolaire public et laïc». Un «signe extérieur fort tel que le foulard» pourrait avoir «un impact … sur la liberté de conscience et de religion d’enfants en bas âge.» … «En mettant en balance le droit de l’instituteur de manifester sa religion et la protection de l’élève à travers la sauvegarde de la paix religieuse», la Cour a estimé que «dans les circonstances données et vu surtout le bas âge des enfants dont la requérante avait la charge en tant que représentante de l’Etat, les autorités genevoises n’ont pas outrepassé leur marge d’appréciation et que donc la mesure qu’elles ont prise n’était pas déraisonnable».
La dénonciation de Human Rights Watch est entièrement centrée sur le droit des enseignantes musulmanes de manifester leurs croyances religieuses, et passe complètement sous silence le droit des enfants de ne pas être exposés au prosélytisme religieux en classe.
HRW dénonce l’interdiction du hidjab pour les enseignantes en Allemagne
BERLIN – L’interdiction faite aux enseignantes musulmanes, dans la moitié des Länder allemands, de porter le foulard islamique devant leurs élèves, constitue une grave discrimination envers les femmes et envers l’islam, dénonce Human Rights Watch (HRW) dans un rapport paru jeudi.
Ce type de législation “constitue une discrimination en matière de sexe et de religion, et viole les droits fondamentaux de ces femmes”, affirme ce rapport réalisé notamment à partir d’une cinquantaine d’entretiens avec des avocats, des élus, des chercheurs, des associations ou des militants politiques, ainsi qu’avec 34 femmes musulmanes concernées par le problème.
“Les lois en Allemagne ciblent clairement le foulard et obligent les femmes qui le portent à choisir entre leur emploi et leurs convictions religieuses”, déplore encore l’organisation de défense des droits de l’Homme.
Huit Länder (Etats régionaux) sur 16 se sont dotés depuis cinq ans de législations interdisant, au nom de la neutralité des pouvoirs publics, le port du foulard islamique aux enseignants et aux fonctionnaires, une question très sensible en Allemagne où vivent plus de trois millions de musulmans et la plus grande communauté turque hors de Turquie.
La plupart des Länder ont cependant explicitement prévu de continuer à tolérer les signes religieux chrétiens ou juifs.
Dénonçant des lois “injustes, illégitimes et inacceptables dans une société démocratique”, HRW appelle les Etats régionaux concernés à les abroger.
Selon l’organisation, l’interdiction de porter le “hidjab”, sous peine de perdre son emploi, est tout aussi criticable que l’obligation faite aux femmes, dans “des pays comme l’Afghanistan, l’Arabie Saoudite et l’Iran”, de porter des vêtements religieux.
Cette règle, observe HRW, n’a rien d’un “concept abstrait” et a “des conséquences importantes sur la vie” des musulmanes concernées. Plusieurs des femmes interrogées par l’organisation témoignent ainsi de l'”humiliation” qu’elles ont subie le jour où elles ont dû se résoudre à ôter leur couvre-chef.
“Je me suis soudainement sentie comme une étrangère en Allemagne, je ne pourrai jamais l’oublier”, a ainsi témoigné une professeur de l’Ouest du pays, allemande “de souche” convertie à l’islam. “Quand j’y repense, J’en ai la nausée. On se sent humilié”, raconte une autre.
Le rapport s’inscrit en faux contre l’idée, souvent avancée par les opposants au foulard, selon laquelle proscrire le hidjab fait avancer l’émancipation des femmes. Au contraire, affirme HRW: celles qui renoncent à leur emploi pour pouvoir garder leur voile perdent leur indépendance financière, ce qui contribue “à une détérioriation de leur position sociale”.
“Tant que nous faisions le ménage dans les écoles, personne ne considérait le foulard comme un problème”, a dit à HRW une des femmes interviewées.