«Si tu dis, tu meurs.
Si tu te tais, tu meurs.
Alors dis et meurs!»
[?Tahar Djaout], assassiné par des islamistes le 26 mai 1993
Elle est venue leur dire.
Elle commence par son origine : algérienne. Il le faut bien devant ces journalistes de souche québécoise (ou presque).
Puis, elle plante le décor : Les beaux-arts en Algérie, un module obligatoire de peinture anatomique. On y peint des modèles nus, des hommes, des femmes. « Eh oui, en Algérie, on peint du nu! » répète-t-elle devant une salle amusée.
Ensuite, vient l’anecdote : trois étudiants islamistes refusent de suivre le cours. De facto, ils n’obtiennent pas leur diplôme. Ils se plaignent, bien sûr!
Puis, elle explique l’accommodement : on élimine le module. Les beaux-arts en Algérie se passeront de peinture anatomique.
Et finalement, la chute de son histoire : trois ans plus tard, le directeur des beaux-arts est assassiné par les islamistes.
Djamila Abbar met ainsi le Québec en garde contre ce qu’elle appelle l’internationale islamiste et, par extension, contre tout accommodement avec des fascistes.
Le panel de journalistes venus discuter du rôle des médias dans la polémique des accommodements raisonnables n’est pas ému outre mesure. On se sent loin de l’Algérie au Québec. Pourtant, comme en témoigne Hérouxville, la quasi-victoire des adéquistes et la création de la commission Taylor-Bouchard, les accommodements raisonnables sont au cœur des préoccupations. Les médias sont-ils responsables d’une dérive idéologique au Québec? En fait, ils n’ont peut-être fait que leur devoir en sortant de l’ombre le spectre du choc des civilisations.
Lundi dernier, Josée Boileau du Devoir, Alexandra Szacka de Radio-Canada, Laura-Julie Perrault de La Presse, Pierre Thibeault d’Ici Montréal et Pierre Maisonneuve de Radio Canada se réunissaient pour en débattre dans une causerie intitulée « Accommodements raisonnables : réalité ou exagération médiatique? ».
Lors du débat, on cherche à comprendre la zizanie qui résulte d’une suite d’événements associés à tort ou à raison aux accommodements raisonnables. Comment en est-on venu seulement à parler d’accommodements raisonnables? En 45 ans de métier, Pierre Maisonneuve n’avait jamais abordé ce concept juridique pointilleux. Ce n’est que très récemment qu’il a fait son apparition dans la sphère médiatique, selon lui.
L’affaire des tribunaux islamiques en Ontario semble, pour la majorité des panélistes, avoir lancé la polémique autour des accommodements raisonnables. Josée Boileau rappelle la version québécoise du débat autour des tribunaux islamiques. Suite à un article dans le Devoir annonçant la demande de tribunaux islamiques au Québec, Fatima Houda-Pépin se lance dans une campagne pour étouffer dans l’oeuf le projet des islamistes.
L’affaire des tribunaux islamiques n’est pas un cas d’accommodement raisonnable au sens strictement juridique du terme. Pourtant, suite à cette affaire, tout incident impliquant une demande d’un groupe religieux recevra une grande attention médiatique. Démesurée cette attention? C’est ce que se demandent les panélistes.
L’accommodement raisonnable se défend. Pierre Thibeault rappelle qu’à l’origine, ça se voulait une mesure d’intégration. Il souligne comment il était appliqué à des personnes handicapées cherchant à s’intégrer au marché du travail. Pour sa part, Laura-Julie Perrault maintient que l’accommodement raisonnable sert à « empêcher la tyrannie de la majorité sur la minorité. » Alexandra Szacka déplore aussi que des jugements complexes et détaillés se retrouvent résumés en quelques minutes, que le travail de dentelle des juristes soit réduit à une silhouette grossière dans la hâte de faire la nouvelle.
D’un autre côté, Josée Boileau souligne une certaine incohérence dans le traitement de ce dossier. On traite tous les cas d’accommodements raisonnables pour des motifs religieux de la même manière. Personne au Québec ne croit que les juifs hassidiques soient en train de fomenter un complot pour dominer le monde. Par contre, il est clair à ses yeux qu’il y a un projet islamiste qui va dans ce sens. Si la majorité des musulmans sont modérés, la frange radicale est particulièrement inquiétante car elle a pour projet ultime d’imposer son orthodoxie à la majorité. Il ne faudrait donc pas, selon madame Boileau, mettre dans le même panier tous les groupes minoritaires. L’islamisme impose un regard différent.
Et le débat atteint un point névralgique : le choc des valeurs.
Laura-Julie Perreault s’indigne. Le débat autour de la charia est la preuve de la mauvaise foi des Québécois. Selon elle, la charia est présente dans la législation de huit pays occidentaux incluant la Grande-Bretagne et la France. Cette affirmation surprend Josée Boileau et plusieurs personnes dans l’audience.[a] Madame Perreault insiste sur la montée de la xénophobie et de l’islamophobie au Québec. Elle avance que deux fois plus de femmes musulmanes que de femmes non musulmanes sont au chômage [b].
Josée Boileau reste ferme : « Il ne faut pas être naïf. » Il y a une réalité islamiste. Elle rappelle les mises en garde de Fatima Houda-Pépin. Alexandra Szacka mentionne aussi la question des droits des femmes comme une évidence qu’il y a choc des valeurs. Ce n’est donc pas à leurs yeux qu’une bête montée de l’intolérance au Québec qui fait des accommodements raisonnables un dossier aussi houleux.
Des intervenants de pays du Maghreb viennent témoigner. Ils ne se reconnaissent pas dans les leaders musulmans que les médias leur proposent. Ces leaders défendent une position islamiste. Pierre Thibeault le regrette aussi: « On les cherche nous les démocrates musulmans qui pourraient élever leur voix et ne pas stigmatiser la communauté musulmane à quelques voix qui délirent. » Après le rapport Stasi en France, madame Boileau ne cessait de recevoir des appels de gens qui travaillaient dans des hôpitaux. Il aurait fallu que les médias fassent enquête mais malheureusement, si personne n’accepte de parler, les médias ne peuvent rien faire déplore-t-elle.
Pour madame Szacka « Ce débat entre les modérés et les radicaux n’a pas eu lieu à l’intérieur de la communauté [musulmane] donc ils n’iront pas le faire sur nos ondes. »
Daniel Baril, un militant pour la laïcité, demande pourquoi on persiste à parler d’accommodement raisonnable quand il s’agit de questions religieuses? Il est clair selon lui que c’est l’application du principe au religieux qui crée la controverse.
Le débat se termine sur une note positive pour le travail des médias : il fallait que ça sorte, il fallait en parler, malgré les dérive.
Ce débat clôturait le festival Sépharade de Montréal.
Pour en savoir plus sur les pressions de l’islamisme sur les médias :
La peur d’Yves Boisvert
Des limites à la liberté d’expression
Intimidation de musulmans par les radicaux au Canada
Pour en savoir plus sur Hérouxville:
Le code de conduite d’Hérouxville
- Si on se fie au rapport Boyd, Laura-Julie Perrault erre dans ses affirmations. Voir à ce sujet [La charia en pays non musulmans->53].
- Ces chiffres viennent d’une étude réalisée pour le compte du Conseil canadien des femmes musulmanes [voir le communiqué-> http://www.ccmw.com/Press%20Release/f_Les_femmes_musulmanes_au_Canada.htm]. Elle ne saurait s’appliquer uniquement au cas du Québec.