![](resizer.php?imgfile=img/jpg/Tarek_mugshot.jpg&max_width=476)
«Que trois citoyens musulmans aient été torturés est une grande injustice, mais ils devraient diriger leur colère contre la Syrie et l’Égypte plutôt que le Canada. Si le Canada doit s’excuser, peut-être devrions-nous leur poser certaines questions. Pourquoi El-Maati a-t-il soutenu la faction la plus vicieuse des Moujahidins alors qu’il était en Afghanistan ? En tant que canadien musulman, j’ai besoin que ces hommes me garantissent que ma religion, l’islam, n’a pas été utilisée comme idéologie politique ; que mon pays n’a pas été utilisé comme un parking, et que son passeport n’a pas été profané comme document de complaisance».
Journaliste, animateur et auteur de « Chasing a Mirage: The Tragic Illusion of an Islamic State », Fatah a été récipiendaire en 2007 du Prix de la liberté de la presse décerné par l’Association canadienne des journaux et le Canada National Press Club. Le magazine Maclean’s l’a désigné en 2007 comme étant l’une des 50 personnalités canadiennes les plus reconnues et respectées parmi les journalistes et politiciens commentant l’actualité. Il a été l’un des conférenciers lors de l’événement parrainé par Point de Bascule sous le thème L’islam politique menace nos libertés. Lisez son texte en cliquant ici.
Pour une mise en contexte concernant le rapport Iacobucci, lisez: Canada – La commission Iacobucci publie son rapport final sur les actions des autorités canadiennes à l’égard de 3 citoyens maltraités en Égypte ou en Syrie
Traduction de: Blame the Torturers, par Tarek Fatah, The Ottawa Citizen, le 25 octobre 2008
La nouvelle que l’ancien juge de la Cour suprême du Canada, Frank Iacobucci, a déterminé que trois musulmans ayant la citoyenneté canadienne avaient été torturés pendant leur incarcération en Syrie et en Égypte n’a pas surpris les communautés musulmanes du Canada.
![](resizer.php?imgfile=img/jpg/blame_the_torturers.jpg&max_width=476)
Le président syrien Bashar al-Assad et le président iranien Mahmoud Ahmadinejad réunis à Téhéran. Que des Canadiens emprisonnés en Syrie aient été torturés ne devrait pas surprendre car c’est l’un des leaders mondiaux dans l’abus des droits humains.
Photo: Raheb Homavandi, Reuters
Quiconque connaît le mode de gouvernance des pays arabes n’aurait jamais douté un seul instant des allégations que Ahmad El-Maati, Muayyed Nureddin et Abdullah Almalki avaient été battus par des gardiens de prison pour extraire des aveux forcés.
La brutalité du système carcéral des pays arabes est légendaire. D’innombrables personnes sont mortes pour le simple crime d’être des opposants aux dirigeants militaires ou royaux. Maintenant que Saddam Hussein n’est plus là, la Syrie et l’Égypte viennent juste après le Soudan et l’Arabie saoudite comme abuseurs de prisonniers politiques. La région est un cimetière de droits humains avec une population tellement engourdie par des décennies d’autoritarisme que même le génocide au Darfour ne parvient pas à mobiliser les gens. Il n’est donc pas surprenant que des Canadiens, dont certains ont des liens présumés avec les guerres des années 1990 en Afghanistan, aient été pris dans l’engrenage sécuritaire d’un État arabe.
Ce qui m’a surpris, ainsi que de nombreux autres Canadiens musulmans, a été la réaction malencontreuse de ces trois hommes et des groupes qui les soutiennent, en particulier la Fédération canado-arabe, le Canadian Council on American-Islamic Relations (CAIR-CAN), et le Canadian Muslim Civil Liberties Association. Si j’avais été torturé – et je l’ai été – mon principal grief serait contre mes tortionnaires et leurs maîtres. Mais El-Maati, Almalki et Nureddin ont tourné leurs armes contre le Canada plutôt que la Syrie et l’Égypte.
Au lieu de demander un dédommagement à Damas et au Caire, ou d’exiger qu’Ottawa dépose une protestation officielle auprès de la Syrie et de l’Égypte, les trois victimes de torture s’en prennent au gouvernement du Canada dont elles exigent maintenant des excuses. Cela, malgré le fait que le juge Iacobucci a dit très clairement que dans les trois cas, les arrestations en Syrie et en Égypte n’ont pas été la conséquence d’une action directe du Canada. Son enquête a conclu que «la détention ou les mauvais traitements ne résultent pas directement d’une action quelconque des autorités canadiennes».
Malgré qu’il ait relevé plusieurs lacunes dans le travail des responsables canadiens, le juge Iacobucci a conclu qu’il n’a «trouvé aucune indication qu’aucun de ces responsables ne cherchait à faire autre chose que s’acquitter consciencieusement des devoirs et responsabilités de son institution». Dans certains cas, il y avait tout au plus une indication que les actions des responsables canadiens avaient vraisemblablement contribué indirectement aux circonstances qui ont mené à la détention et aux mauvais traitements.
Je me serais attendu à ce que les trois hommes et leurs lobbyistes organisent des manifestations devant les ambassades de l’Égypte et de la Syrie, mais à ma connaissance, il n’y en pas eu. En fait, en 2005, un ministre de la Syrie en visite au Canada a été célébré comme un invité d’honneur à un événement organisé à Toronto par des groupes arabes, y compris ceux qui, aujourd’hui, soutiennent ouvertement les trois hommes. Personne n’a protesté lors de l’événement pour exiger la fin de la torture dans les prisons syriennes.
Si nous en tant que Canadiens, sommes requis de présenter des excuses, peut-être serait-il temps que nous posions certaines questions à El-Maati, Almalki et Nureddin, et que nous leur demandions des explications. Pourquoi, par exemple, M. El-Maati a-t-il soutenu la faction la plus vicieuse des Moujahidins alors qu’il était en Afghanistan? Il y a des dizaines de milliers de Canadiens de descendance pakistanaise et afghane dans ce pays. Nous sommes tous au courant du phénomène que l’auteur Ahmed Rashid décrit comme les «Afghans arabes», dont plusieurs étaient des Canadiens. Si les droits de l’homme sont maintenant une source de préoccupation pour ces groupes, alors sont-ils prêts à dénoncer et à rejeter la doctrine du djihad armé qui a infligé des souffrances indicibles aux peuples du Pakistan et de l’Afghanistan?
Jusqu’à présent, les médias ont été très aimables envers ces trois hommes.
Par exemple, M. El-Maati voudrait nous faire croire, par le biais de l’auteur Kerry Pither, que son déménagement en Afghanistan en 1991 résultait de «l’amour des voyages hérité de mes parents», ce qui l’a amené à faire des «voyages de plusieurs mois» en Europe. Il a dit à Ms Pither, qui le rapporte dans son livre Dark Days, que son «amour des voyages et de l’aventure, ainsi que son sens du devoir religieux et humanitaire, l’appelaient à venir en Afghanistan». …« En 1991, j’ai finalement pris la décision d’y aller».
Mais peu de temps après son arrivée, Ahmed El-Maati a joint l’armée de Gulbuddin Hekmatyar, un personnage honni comme le plus vicieux des djihadistes. M. Hekmatyar a arbitrairement tué des civils innocents, il a arraché la peau de prisonniers vivants, et ses soldats ont jeté de l’acide au visage de toute afghane qui osait ne pas porter la burka. En dépit de ces atrocités bien documentées, comme l’écrit Ms Pither, M. El-Maati banalise les crimes de son ancien patron comme n’étant pas « pires que ceux de ses rivaux ».
Qu’il s’agisse d’aventures en Afghanistan ou au Pakistan, ou de la gestion d’une école privée islamique à Toronto qui constitue un terreau fertile à la production d’islamistes, ces actions doivent être dénoncées avant que le Canada n’entreprenne sa prochaine ronde d’excuses.
Ahmad El-Maati, Muayyed Nureddin et Abdullah Almalki ont été victimes de torture, et tant la Syrie que l’Égypte devraient répondre de leurs crimes. Mais ces hommes ne sont pas des héros canadiens qui méritent d’être idolâtrés comme ils le sont par les médias.
En tant que canadien musulman, j’ai besoin que ces trois gentlemen me garantissent que ma religion, l’islam, n’a pas été utilisée comme idéologie politique; que mon pays n’a pas été utilisé comme un parking, et que son passeport n’a pas été profané comme document de complaisance.
Voir aussi:
Canada – Rapport Iacobucci. Le spin irresponsable de Yahoo
Tarek Fatah : L’islam politique menace nos libertés
Canada – Tarek Fatah met en garde contre les manuels scolaires haineux de provenance saoudienne
Honte à vous Jack Layton de présenter la candidature de l’islamiste Laouni, par Tarek Fatah