Le réveil de la majorité
Chronique de Joseph Facal
Le Journal de Montréal et le blogue de Joseph Facal
Le 26 mai 2010
Dans son excellente chronique du lundi 24 mai, mon collègue Daniel Audet semblait s’étonner, voire déplorer qu’une majorité de Québécois tienne, selon un récent sondage, au maintien du crucifix dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
Il y a d’excellents arguments pour le maintien, le retrait ou le déplacement de celui-ci. Mon billet ne porte pas là-dessus. Je veux seulement faire ressortir que les Québécois sont loin d’être le seul peuple dont la baisse de la pratique religieuse s’accompagne d’un désir de maintenir bien en vue les symboles patrimoniaux d’origine chrétienne.
En novembre et décembre 2009, la Fondation BBVA a interrogé 21000 répondants de douze pays de l’Union européenne. Rendu public au début mai, le sondage a fait grand bruit en Europe en raison de la taille de son échantillon. Pour le consulter, allez sur Google et tapez «Fondation BBVA et religion».
Majorité
Dans tous ces pays, sans exception, une majorité se dit favorable à des lois qui limiteront le port des vêtements associés à la religion musulmane. Évidemment, les proportions varient selon le type de vêtement et le pays. On note aussi une plus grande ouverture à l’endroit des symboles associés aux religions sikhe et juive. Enfin, sans exception aucune, les majorités sont favorables au maintien des symboles d’origine chrétienne dans les lieux publics, comme les crucifix dans les salles de classe.
Un peu partout, la classe politique prend acte du réveil de ces majorités de moins en moins silencieuses. Après la France et la Belgique, les autorités d’autres pays européens entreprennent d’agir, pour des motifs plus ou moins nobles selon les cas.
Histoire
Le cas italien est intéressant. Un jugement de 2009 «invitait» le gouvernement italien à retirer tous les symboles religieux des salles de classe, ce qui, dans les faits, revenait à demander de retirer le crucifix. Le 30 juin prochain, Rome plaidera devant le Tribunal sur les droits humains de Strasbourg que le crucifix est un symbole historique et culturel, en même temps que religieux, et qu’à ce titre, il doit demeurer en place.
Il faut dire que le droit actuel montre cruellement ses limites. Si on choisit de considérer un vêtement comme un symbole religieux, on peut le permettre au nom de la liberté religieuse, mais on peut aussi décider de l’encadrer plus ou moins sévèrement au nom de la laïcité de l’État ou de la sécurité. Si on le considère comme un simple choix vestimentaire, on peut laisser aux autorités locales le soin de le réglementer, ce qui entraînera des différences d’un endroit à l’autre.
Synthèse
Dans aucun pays, la séparation entre l’État et la religion n’est d’ailleurs tranchée au couteau. Aux États-Unis, les billets de banque portent la mention «In God we trust». En Grande-Bretagne, la reine est aussi, formellement, le chef de l’Église anglicane.
Toutes les sociétés occidentales tâtonnent en ce moment. Il n’y a pas de réponse unique et transposable d’un pays à l’autre. Mais il est frappant de voir qu’un peu partout, quand les peuples sont confrontés malgré eux à ces questions, ils redécouvrent leur attachement à leurs racines historiques et semblent vouloir que leurs élus sachent conjuguer le présent et le passé.
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Par Marc Lebuis au nom de l’équipe de Point de Bascule
Publié dans Le Devoir le 15 février 2010