Dès qu’on a appris que les meurtres à Kingston de trois adolescentes canadiennes afghanes et de la première épouse de leur père pouvaient être des «crimes d’honneur», certains musulmans ont réagi de façon très prévisible: attitude défensive et déni. Au lieu d’exprimer leur indignation, deux musulmans qui ont appelé durant mon émission radio à CFRB à Toronto m’ont reproché d’avoir soulevé la question et ont laissé entendre que j’avais un plan caché. «Cela n’a rien à voir avec l’Islam.» a affirmé l’un d’eux, malgré le fait que personne à l’émission n’avait mentionné le mot «Islam» avant cet appel et encore moins n’avait accusé la religion de sanctionner les crimes d’honneur.
Ceux qui ont téléphoné n’étaient pas les seuls à exprimer ce point de vue. Le chef de la division canadienne de ISNA, la Société islamique de l’Amérique du Nord, a affirmé à peu près la même chose à la radio de CBC – que cette tragédie n’avait rien à voir avec l’Islam, qui apparemment ne permet pas les crimes d’honneur.
Ces gens ont à la fois tort et raison Il est vrai que le Coran n’approuve pas les crimes d’honneur. Mais nier le fait que de nombreux crimes d’honneur sont commis par des pères, des fils ou des frères musulmans et que les victimes sont des femmes musulmanes, est de la pure malhonnêteté intellectuelle. Au pire, c’est même une tentative de clore le débat.
Quand Aqsa Parvez, une adolescente de Mississauga (Ontario) a été tuée par son père, tout le monde, des mollahs aux soi-disant féministes musulmanes, a affirmé que ce n’était pas un crime d’honneur – même si l’on savait que la jeune fille était brouillée avec sa famille parce qu’elle fréquentait des non-musulmans et qu’elle ne portait pas l’hidjab. Les critiques ont affirmé que parler du meurtre en terme de crime d’honneur n’était que préjugé antimusulman. Foutaise!
Comme je l’ai dit, il est vrai que le Coran n’approuve pas de tels meurtres, mais la charia, ce système juridique élaboré par des hommes auquel on attribue faussement un statut divin, autorise le meurtre des femmes qui ont des relations hors mariage ou qui commettent l’adultère. C’est précisément pour cette raison que tant de musulmans progressistes et libéraux sont opposés au recours à la charia au Canada.
Il n’y a pas de doute que l’Islam, dans son expression contemporaine, est obsédé par la sexualité des femmes, et considère qu’il s’agit là d’un problème fondamental. L’hidjab, le niqab, la burka et la polygamie sont tous des manifestations de cette obsession.
Les mollahs et les imams des mosquées peuvent nier qu’ils contribuent à ce que les musulmanes demeurent des citoyennes de seconde classe dans leur communauté, mais la place qu’ils réservent aux femmes dans la maison de Dieu, la mosquée, témoigne de leur conviction réelle. À Toronto, il n’y a qu’une seule mosquée qui permet aux femmes de s’asseoir à la première rangée. Dans toutes les autres, elles doivent s’asseoir à l’arrière ou derrière un rideau, ou alors on les refoule dans les sous-sols ou sur les balcons, parce qu’on ne les considère pas comme nos mères, nos filles ou nos soeurs, mais comme des allumeuses qui peuvent les éveiller les passions chez les hommes.
Les crimes d’honneur ont lieu parce que certains musulmans sont convaincus par leurs mollahs que l’honneur de la famille et de la religion dépend de la virginité de leurs filles et de leurs soeurs. La plupart des mollahs admettent que la charia autorise qu’on fouette publiquement une femme qui a des relations sexuelles sans être mariée ou qu’elle soit lapidée par un État ou un tribunal islamiques. Ces islamistes ne se rendent-ils pas compte qu’une telle interprétation peut être considérée par des hommes comme une autorisation d’appliquer la loi eux-mêmes? On ne guérira pas le cancer des crimes d’honneur, tant que les clercs et imams musulmans n’abandonneront pas sérieusement l’idée que les femmes sont la possession des hommes.
Ce genre de mentalité fait problème partout dans monde. Par exemple, en octobre 2006, un imam australien d’origine libanaise, le plus important religieux de ce continent, a provoqué l’indignation générale en décrivant la femme vêtue de façon immodeste (selon lui) comme “de la viande offerte ” qui invite à des agressions sexuelles. Le cheik Taj Al-din Hilali, le soi-disant mufti d’Australie, a condamné les femmes qui «ondulent les hanches de manière suggestive», qui se maquillent ou qui ne portent pas l’hidjab.
Jusqu’en 2007, seuls des hommes avaient traduit le Coran et l’avaient interprété, parce que l’idée que des femmes traduisent le livre saint offense les islamistes. Pensez, par exemple, à la réaction qu’a suscitée il y a deux ans la première traduction du Coran par une femme -celle de Laleh Bakhtiar
Mohammad Ashaf, de la section canadienne de ISNA, La Société islamique de l’Amérique du Nord (ISNA), celui là même qui a affirmé cette semaine à la CBC qu’il n’y avait pas de prescriptions en Islam au sujet des crimes d’honneur – a déclaré au Toronto Star qu’il ne permettrait pas que la traduction de Laleh Bakhtiar soit vendue dans la librairie de l’ISNA. “Notre librairie ne vendrait pas cette traduction… J’envisage de l’interdire….Cette traduction favorable aux femmes ne sera pas conforme au texte et n’ira pas très loin.”
Qu’a donc fait Laleh Bakhtiar pour mériter qu’on interdise la vente de sa traduction? Sa faute aux yeux des islamistes est de ne pas croire que le Coran approuve la violence conjugale, comme ils le prétendent.
Si on interdit la traduction du Coran par une femme dans une librairie islamique, que va-t-on trouver? Dans une librairie de Toronto, le titre d’un livre de poche saute aux yeux des passants: les femmes qui méritent l’enfer. Ce livre, qui est facilement disponible dans les librairies et les mosquées britanniques, énumère les types de femmes qui risquent la damnation éternelle. Parmi elles:
- la rouspéteuse…celle qui se plaint constamment de son mari
- la femme qui se maquille
- la femme qui imite les hommes en se faisant tatouer, couper les cheveux courts ou qui change son allure naturelle
Tant que les chefs religieux musulmans ne prendront pas des mesures ou les moyens pour mettre fin à la séparation des sexes et la misogynie, on ne pourra pas les prendre au sérieux quand ils affirment que les «crimes d’honneur» ne sont pas permis en Islam. Ils ne peuvent pas jouer sur les deux tableaux: soutenir que la femme est source de péché et qu’elle mérite la mort lorsqu’elle a des relations sexuelles hors mariage et soutenir que les hommes qui exécutent une condamnation à mort violent la loi islamique.
Takek Fatah est fondateur du Congrès Canadien Musulman (MCC).
Tarek Fatah est un journaliste et commentateur torontois bien connu de nos lecteurs. Voir entre autres (ici), (ici), (ici) et (ici).
Il est aussi l’auteur de « Chasing a Mirage: The Tragic Illusion of an Islamic State».
Traduction par Point de Bascule de: To cure honour killings ‘cancer’, Islam is obsessed with women’s sexuality, Tarek Fatah, National Post, July 25 2009
Lire aussi:
ISNA:
- North American Islamic Trust
- Combattre les islamistes et leur idéologie, par Juhdi Jasser, fondateur du American Islamic Forum for Democracy
- Salah Basalamah
Crimes d’honneur:
- Documentaire sur le crime d’honneur en Jordanie
- Crimes «d’honneur», La chronique de Richard Martineau
- CrimeS d’honneur ? Trois personnes arrêtées pour le meurtre de quatre Montréalaises