Nous présentons une revue partielle de la presse écrite sur la question du voile dans la fonction publique. La question a fait irruption de façon inopinée la semaine dernière à la suite de l’annonce par la Fédération des femmes du Québec
Les symboles jamais anodins, Louise Beaudoin, députée de Rosemont et porte-parole de l’opposition officielle en matière de Relations internationales et de Francophonie, La Presse, 21 mai 2009.
Mme Lysiane Gagnon, dans votre chronique de samedi, vous donniez votre appui à la Fédération des femmes du Québec qui s’est prononcée contre l’interdiction du port du foulard par les agents de l’État dans les secteurs public et parapublic. Pour vous, le symbole semble anodin.
C’est votre droit le plus absolu d’exprimer cette opinion, même si votre prise de position me navre en tant que femme solidaire des autres femmes spoliées ou assujetties par la politique, les traditions ou les religions ailleurs dans le monde.
Pour moi, en tout cas, les symboles ne sont jamais anodins.
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La laïcité et l’égalité entre les hommes et les femmes sont les principes mis à mal dans le cas qui nous occupe. Or ils font partie des dénominateurs communs de la nation québécoise moderne et j’entends avec Pauline Marois et tous mes collègues les défendre chaque fois que des promoteurs de la nouvelle religion du multiculturalisme argumenteront que les particularismes priment la laïcité de l’État et que l’égalité homme femme est une notion que l’on doit relativiser ou carrément mettre sous le tapis pour des motifs culturels, religieux ou autres.
Croix et bannière, par Denise Bombardier, Le Devoir, 16 mai 2009
Le dérapage de féministes radicales devant les revendications de groupes islamiques n’est pas nouveau au Canada. Pour mémoire, le rapport qui recommandait l’instauration en Ontario de tribunaux islamiques en matière de divorce, de mariage et de succession, la charia, en d’autres mots, était l’oeuvre de Marion Boyd, ancienne ministre de la Condition féminine et ancienne procureure générale dans le gouvernement de Bob Rae.
À croire que certaines militantes de la cause des femmes se voilent la figure quand il s’agit de porter un jugement sur des pratiques qui concernent exclusivement l’islam (les Églises chrétiennes, elles, subissent systématiquement leur vindicte), par peur de discriminer ces femmes. Or ces militantes, qui sont aussi si empressées souvent d’accabler les hommes, scandalisent la majorité des femmes qu’elles ont la prétention de représenter.
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Que des femmes qui exigent de porter le voile, signe non équivoque de soumission, se prétendent féministes est au mieux une illusion et au pire une imposture nourrie d’arrière-pensées. Michèle Asselin, présidente de la FFQ, répète qu’elle ne veut pas écarter ces femmes, ériger un mur entre elles et nous. Mais s’interroge-t-elle sur le choix de ces femmes d’ériger elles-mêmes cette barrière en forme de voile, signe non seulement de différence, mais d’offense à ce que nous sommes devenues au prix de luttes où le rejet et le mépris devaient être surmontés au quotidien?
…Ces femmes voilées qui revendiquent de l’être sous prétexte de religion sont des combattantes qui ont compris deux traits marquants de notre culture: la culpabilité et la tolérance molle. Elles en usent donc sans vergogne.
…Mais toute conviction ou croyance affichée comporte sa part d’inconvénients. Les catholiques québécois qui se déclarent pratiquants sont la risée de plusieurs, et ce, depuis des décennies, dans les médias entre autres. Il faut donc avoir le courage de ses convictions. Les femmes musulmanes sont discriminées au Québec, assure la présidente de la FFQ. Demandez à celles qui s’opposent à l’avortement et qui militent dans l’Église comment elles se sentent, a-t-on envie de dire à Mme Asselin.
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Enfin, allons-nous cesser de nous raconter des histoires et de placer sur le même pied la croix et le voile? De parler comme l’a fait la présidente de la FFQ cette semaine de la présence de l’intégrisme catholique en nos murs, qu’elle semble mettre dos à dos avec l’intégrisme musulman? Où sont donc les hordes chrétiennes qui, au nom du Christ, gazent des écoles de filles pour les éloigner de ces lieux incontournables d’affranchissement social, comme cela s’est encore passé cette semaine en Afghanistan et depuis quelque temps dans le nord du Pakistan? La présidente de la FFQ affirmait mercredi son opposition à la récitation de la prière dans les hôtels de ville, mais elle accepte que des femmes voilées enseignent aux enfants… le principe de l’égalité entre les sexes, peut-être!
L’État voilé?, par Christian Rioux, Le Devoir, 15 mai 2009
Récemment à Montréal, j’ai été frappé par le nombre femmes voilées qu’on y voit. J’arrivais pourtant de Paris, qui est l’une des premières villes musulmanes d’Europe. La France abrite en effet la plus grande communauté musulmane du continent européen. Comment expliquer qu’au grand marché de la Place des Fêtes, dans un arrondissement populaire de Paris, on ne voit pas plus de femmes voilées qu’au marché Jean-Talon de Montréal?
L’an dernier, j’avais constaté la même chose aux Pays-Bas. Dix ans plus tôt, j’y avais à peine remarqué quelques femmes voilées. Aujourd’hui, elles sont partout. Avec pour conséquence que le pays vit une crise profonde et qu’il est aux prises avec une extrême droite parmi les plus radicales en Europe.
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Il est stupéfiant de constater à quel point la Fédération des femmes du Québec, qui vient de se prononcer pour le port du voile par les employés de l’État, refuse de se poser ces questions. Obnubilée par la seule religion des droits, érigés en absolu, la FFQ va jusqu’à renier ses propres convictions féministes en refusant même d’admettre que le voile islamique est un symbole d’oppression des femmes. Il n’y a pas le moindre mot là-dessus dans le communiqué qu’elle a émis le 9 mai dernier!
Ce faisant, la FFQ défend la vision d’une société multiculturelle de type néerlandais ou britannique, où la laïcité de l’État et l’égalité entre les hommes et les femmes doivent s’effacer devant l’expression des particularismes religieux. L’expérience montre pourtant que cette façon d’agir encourage au contraire l’expression de ces particularismes.
Faudra-t-il attendre de ressembler aux Pays-Bas pour le comprendre?
Un débat qui transcende les cultures, par Richard Martineau, Journal de Montréal, 21 mai 2009
Le débat du voile n’est pas un débat entre les «Québécois tricotés serrés» et les «musulmans», comme le laisse entendre la journaliste de La Presse. C’est un débat qui divise les musulmans eux-mêmes !
Régulièrement, des musulmans m’écrivent et m’abordent dans la rue pour me dire qu’ils sont d’accord avec mon point de vue.
Sont-ils xénophobes ? Racistes ? Refermés sur eux-mêmes ?
Pourquoi certains journalistes tiennent-ils absolument à transformer un débat qui divise TOUTES les communautés ethniques du Québec en conflit entre «Nous» et «Eux» ? Pourquoi cette polarisation artificielle et mensongère ?
Pour faire mal paraître les Québécois de souche qui sont contre le multiculturalisme béat ? Pour dire que les Québécois qui n’adhèrent pas aveuglément au modèle trudeauiste sont racistes et xénophobes ?
UNE SIMPLIFICATION DANGEREUSE
Réduire le débat du voile (qui fait rage partout à travers le monde) à un conflit entre les Québécois tricotés serrés et les immigrants est non seulement faux, c’est dangereux.
Ça alimente le stéréotype du Québécois xénophobe.
Comme si TOUS les immigrants étaient pour le port du voile ! Comme si TOUS les membres des communautés ethniques étaient ouverts, tolérants ! Comme si le racisme et la xénophobie n’avaient qu’une couleur, ne priaient qu’un dieu et ne parlaient qu’une langue !
Aujourd’hui, un collectif de citoyens et de citoyennes concernés par la nécessité de doter le Québec d’une Charte de la laïcité, convie les journalistes à une conférence de presse.
Parmi les personnes qui participeront à la conférence, on note la présence de Djemillah Benhabib (auteure d’origine algérienne), Fatma Djebbar (travailleuse communautaire d’origine algérienne), Yolande Geadah (essayiste d’origine égyptienne) et Hafida Oussedik (architecte d’origine algérienne).
On est loin des traditionnels «Tremblay» !
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D’ailleurs, le temps est venu pour les arabes et les musulmans qui sont contre le port du voile de briser le silence.
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Je ne sais pas ce qui se passe à La Presse, ces temps-ci, mais on a l’impression qu’ils voient des racistes partout…
Les pavés de l’enfer, Joseph Facal, 14 mai 2009
La FFQ pense aider les femmes musulmanes à s’extirper de la pression que les intégristes font peser sur elles. Mais c’est exactement le résultat contraire qu’elle provoque. Le mari intégriste pourra désormais dire à sa femme : «fais comme je dis, épouse, tu vois bien qu’il n’y a plus de problème». Bravo la FFQ.
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On torpille ainsi le courageux combat des femmes musulmanes qui disent non, puisqu’on renforce la pression que les intégristes pourront faire peser sur elles. Plus le port du foulard sera encouragé, plus elles se feront dire : «pourquoi ne suis-tu pas l’exemple de Taslima qui, elle, sait se conduire ?». Bravo la FFQ.
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La FFQ dit craindre que l’interdiction du foulard ne «ghettoïse» davantage ces femmes. Elle ne comprend rien à la logique de l’intégrisme. Pensant que son ouverture sera vue comme un compromis acceptable, elle ne voit pas que chaque gain met la table pour la prochaine revendication intégriste. Après, ce seront les lieux de prière, les menus particuliers, les congés religieux, etc. Bravo la FFQ.
La FFQ dit prôner l’intégration aux valeurs de notre société, mais recommande que les personnes qui incarnent concrètement l’État, suprême gardien de ces valeurs, puissent porter des symboles qui sont la négation même de celles-ci ! Bravo la FFQ.
Monumentale erreur de jugement. Immense déception. Profonde indignité. Bravo la FFQ.
Publié dans le Journal de Montréal et le Journal de Québec
Le petit bazar, Joseph Facal, 18 mai 2009
Dans un mauvais thriller, le scénario est rempli d’invraisemblances et on voit venir la fin dès le début.
C’est exactement ce qui s’est passé dans cette affaire du port des signes religieux dans la fonction publique. Chacun a joué le rôle qui lui était assigné pour essayer de nous convaincre qu’il est acceptable qu’une fonctionnaire travaillant pour un État supposément laïc porte un voile islamique.
Dès qu’il est question d’identité, les libéraux n’ont à la bouche que clichés et bons sentiments pour justifier leur refus de défendre le sentiment majoritaire au Québec. J’ai longtemps pensé que c’était par lâcheté. J’avais tort : j’ai finalement compris qu’ils adhèrent pleinement à la religion du multiculturalisme à la canadienne. Mais comme ils savent que cette pilule ne passe pas au Québec, ils doivent inventer d’autres justifications.…
Le clergé multiculturaliste, lui, s’est chargé d’expliquer aux attardés que nous sommes qu’il fallait certes se soucier d’intégration, mais qu’il fallait respecter la «vitesse de cheminement» de chacun. On veut nous faire croire qu’en ouvrant la fonction publique au port du voile islamique, ces femmes, parce qu’elles se sentiront dorénavant «acceptées», en viendront peu à peu à abandonner ces pratiques.
C’est ce qu’on appelle poliment rire du monde. Dans la conception islamique intégriste, la distinction entre Église et État, entre autorités religieuses et autorités civiles, n’existe pas. La croyance religieuse englobe TOUS les aspects de la vie quotidienne. Un État qui permet à une fonctionnaire de porter le voile, c’est donc, dans les faits, un État qui bafoue lui-même le principe qu’il prétend défendre de la séparation entre la religion et l’État.Plusieurs femmes musulmanes nous ont expliqué en long et en large la signification précise du voile islamique : soumission et mise à l’écart. On ne peut évidemment pas interdire à quelqu’un de s’habiller comme il le veut, mais lui ouvrir les portes de la fonction publique, c’est donner au message dont le voile est porteur le sceau d’approbation de l’État. On accélérera ainsi sa diffusion plutôt que le contraire.
Mais il y a longtemps que nos «experts-en-gestion-de-la-diversité-culturelle» ne sont plus troublés par la déconnexion entre eux et le peuple. Au contraire, ils y voient la confirmation de l’urgence qu’il y a à guérir le peuple de sa «xénophobie», en culpabilisant les adultes et en rééduquant les enfants dès la petite école.
En matière d’identité, le Québec est devenu un petit bazar de confusion, de culpabilité et d’hypocrisie. Rien de nouveau, je vous l’ai dit.
Publié dans Journal de Montréal et Journal de Québec