Le Conseil des droits de l’homme tient actuellement sa 9e session à Genève. Rappelons que dans le cadre d’une session parallèle réservée aux ONG ayant un statut consultatif auprès du Conseil économique et social de l’ONU, le canadien Tarek Fatah a prononcé un discours remarqué: L’OCI ne parle pas pour les musulmans, livré pour le compte de la International Humanist and Ethical Union.
Une bataille a été gagnée au Conseil des droits de l’homme, mais la guerre n’est pas finie. Une résolution de l’OCI exigeant la criminalistion du blasphème doit être présentée à l’Assemblée générale de l’ONU qui a été ouverte le 16 septembre à New York.
Le 19 septembre, le Conseil des droits de l’Homme réuni à Genève a été saisi de rapports sur la notion de «diffamation des religions». Les débats sur le «concept sociologique» de «diffamation des religions» (euphémisme pour ce qui est en réalité un délit de «blasphème islamique») opposent des pays (notamment les pays occidentaux) pour qui les droits humains ne visent pas à protéger les idées mais les individus, aux pays de l’Organisation de la conférence islamique, pour qui la diffamation de l’islam est un abus de la liberté d’expression qui doit être puni par la loi. Lisez l’article: Réprimer la liberté d’expression au niveau mondial, par L. Savage, Maclean’s
Le Rapporteur spécial sur les questions de racisme et d’intolérance a déposé un rapport recommandant vivement au Conseil des droits de l’homme de promouvoir un déplacement du concept sociologique de «diffamation des religions» vers la norme juridique de non-incitation à la haine nationale, raciale ou religieuse sur la base des dispositions juridiques énoncées dans les instruments internationaux en matière de droits de l’homme, notamment l’article 20 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques et l’article 4 de la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale.
L’article 20 du Pacte prohibe tout appel à la haine nationale, raciale ou religieuse qui constitue une incitation à la discrimination, à l’hostilité ou à la violence. L’article 4 de la Convention vise la propagande qui s’inspire d’idées ou de théories fondées sur la supériorité d’une race ou d’un groupe de personnes d’une certaine couleur ou d’une certaine origine ethnique, ou qui prétendent justifier ou encourager toute forme de haine et de discrimination raciales. (ndlr: notez qu’une religion n’est ni une race ni une couleur et n’a pas d’origine ethnique).
Le Conseil a également reçu le rapport de la Haut-Commissaire portant sur la lutte contre la diffamation des religions et d’une étude qu’elle a menée sur la législation existante et la jurisprudence relative à la diffamation des religions.
Plusieurs délégations ont souscrit à la proposition du Rapporteur spécial et de la Haut-Commissaire. D’autres ont demandé que commencent les travaux sur un instrument juridique contraignant contre la diffamation des religions ou, à tout le moins, contre la discrimination religieuse.
Voici des extraits de certaines interventions lors du débat sur ces propositions:
MME TEHMINA JANJUA (Pakistan, au nom de l’Organisation de la Conférence islamique) : L’Organisation de la Conférence islamique espère que les travaux que mèneront le Haut-Commissariat aux droits de l’homme et le Rapporteur spécial sur les formes contemporaines de racisme renforceront l’importance de mettre au point des normes internationales pour combattre la diffamation des religions.
M. JEAN-BAPTISTE MATTÉI (France au nom de l’Union européenne): L’Union européenne considère que la liberté d’expression et la liberté de religion ou de conviction sont complémentaires. Le droit à la liberté d’expression est un élément essentiel et l’essence même de la manifestation de la liberté de pensée et de conscience. Il est donc fondamental d’établir la distinction entre la critique des religions et l’incitation à la haine religieuse. Seule l’incitation à la haine religieuse devrait être interdite car le respect et la pratique du pluralisme religieux doivent comporter le droit pour chacun de critiquer les valeurs et les convictions, d’en discuter et de les contester.
L’Union européenne salue le fait que les deux rapports (celui du Rapporteur spécial et celui de la Haut-Commissaire) recommandent vivement de promouvoir un déplacement du concept sociologique de «diffamation des religions» vers la norme juridique de non-incitation à la haine raciale, nationale ou religieuse. Les législations en matière de discours haineux sont suffisantes. Il n’est donc pas besoin de normes supplémentaires sur la question. L’Union européenne rappelle clairement qu’elle n’acceptera pas que la notion de «diffamation des religions» soit intégrée dans le cadre relatif aux droits de l’homme. L’Union européenne est convaincue que la notion de «diffamation des religions» n’est pas compatible avec un discours sur les droits de l’homme.
MME NATHALIE RONDEUX (Belgique) : …les droits de l’homme ont pour but de protéger les individus non pas de protéger les religions ou les idées. À la différence des individus, les religions n’ont pas de droits. Afin d’assurer la tolérance et le pluralisme, il faut permettre que les religions puissent faire l’objet de débats et être critiquées. La représentante a souligné l’importance de ne pas faire de distinction entre les différentes discriminations et a rappelé que les personnes sans religion ont également droit à la même protection.
Voir aussi:
L’ONU et l’OCI contre la Liberté d’expression, par le Center for Inquiry
L’enjeu de Durban II : la liberté d’expression, par Mark Dubowitz, Wall Street Journal
ONU – Pour le Conseil des droits de l’Homme, critiquer la charia est islamophobe