La décision de la couronne britannique d’anoblir Salman Rushdie soulève la colère au Pakistan. Des manifestations ont eu lieu dans les rues de Lahore, Karachi et Multan. On pouvait voir des manifestants brûler des effigies de la reine Elizabeth II et de Salman Rushdie. Un ministre du gouvernement pakistanais a affirmé que l’honneur fait à Rushdie justifiait les attentats suicides contre la Grande-Bretagne, créant ainsi un froid diplomatique entre Londres et Islamabad.
Le secrétaire de l’intérieur britannique John Reid a affirmé que la Grande-Bretagne persistait dans sa décision d’honorer l’auteur des Versets Sataniques et refusait de s’excuser. John Reid a rappelé que la liberté d’expression d’un auteur était une valeur prioritaire de la société britannique. Peut après les propos de Monsieur Reid, Margaret Beckett, la ministre britannique des Affaires étrangères, s’est dite « extrêmement désolée pour les gens qui ont pris très à cœur cet honneur ».
Nazir Ahmed, le premier Britannique musulman anobli par la reine, a lui aussi dénoncé la décision d’anoblir Rushdie. Il compare Rushdie aux terroristes du 11 septembre. Selon lui, la Grande Bretagne devrait tenir compte « de la sensibilité des gens sur certains sujets. » Il soutient que « l’Occident doit s’interroger : peut-il prôner le dialogue interconfessionnel avec les musulmans et en même temps faire la promotion des Versets sataniques? »
La condamnation des versets sataniques ne fait cependant pas l’unanimité. En Occident, la publication d’ouvrages blasphématoires est acceptable en autant qu’ils n’encouragent pas la discrimination des pratiquants (comme le faisait Mein Kampf d’Hitler). De tels ouvrages sont parfois acclamés comme étant des œuvres marquantes de la littérature et de la philosophie moderne (L’Antéchrist de Nietzsche par exemple).
Les médias pakistanais perçoivent la décision britannique comme un manque d’égard envers les efforts du gouvernement pakistanais contre le terrorisme. Il semble que d’honorer un «provocateur» comme Salman Rushdie va nuire aux efforts internes pour vendre la guerre contre le terrorisme.
Ailleurs dans le monde musulman, on trouve des échos défavorables à la décision britannique.
L’Iran a dénoncé mardi l’honneur rendu à Rushdie. Rappelons que c’est l’ayatollah iranien Khomeini qui avait émis une fatwa de condamnation à mort contre Salman Rushdie après la publication des versets sataniques en 1988.
Les manifestations contre la décision britannique se sont étendues jusqu’en Malaisie où une cinquantaine de membres d’un parti islamique ont manifesté devant la mission diplomatique britannique de Kuala Lumpur.
En Afghanistan, les talibans ont demandé des excuses de la Grande-Bretagne.
C’est samedi dernier qu’a été annoncé officiellement la décision de la reine Elizabeth II d’anoblir Salman Rushdie. L’auteur est considéré comme un des écrivains les plus importants du vingtième siècle.
Sources:
John Reid (Daily Mail – 20 juin 2007): Britain won’t apologise for Rushdie honour
Godeau, Rémi (Le Figaro.fr – 20 juin 2007) : Lord Ahmed: « Son titre doit lui être retiré»
Pour en savoir plus:
-*[?Salman Rushdie]
-*Déclaration de PEN International concernant l’anoblissement de Salman Rushdie