Le procès très médiatisé des Shafia au Canada pourrait servir d’élément déclencheur pour remettre en question la politique de multiculturalisme (PdeB : «Toutes les cultures se valent») mise en place par le premier ministre Trudeau en 1971 et consacrée par différents programmes du gouvernement canadien.
Original English version HERE
L’auteure de l’article, Phyllis Chesler, vit aux États-Unis. Elle a écrit treize livres dont Woman’s Inhumanity to Woman (L’inhumanité de la femme envers la femme) et The New Anti-Semitism” (Le nouvel antisémitisme). Elle peut être contactée via son propre site internet à http://www.phyllis-chesler.com/.
Point de Bascule a traduit l’article en français.
FoxNews.com (29 janvier 2011): Will guilty verdict in Canadian ‘honor killing’ trial be a turning point for justice? (Le verdict de culpabilité rendu dans un procès pour crime d’honneur au Canada constituera-t-il un point tournant pour la justice?)
Le 29 janvier, après un procès qui dura dix semaines, le jury composé de sept femmes et cinq hommes délibéra durant quinze heures avant de déclarer les Shafia coupables de meurtres prémédités. Les trois Canadiens d’origine afghane avaient été accusés d’avoir tué quatre femmes de cette famille polygame.
Ils ont été condamnés à vingt-cinq ans de prison ferme sans possibilité de libération conditionnelle.
Mohammed Shafia (58 ans), Tooba Yahya (42 ans – l’épouse #2) et Hamed leur fils de 21 ans ont été déclarés coupables des meurtres de Rona Mohammed Amir (50 ans – l’épouse #1) et des trois filles de Tooba Yahya : Zainab (19 ans), Sahar (17 ans) et Geeti (13 ans) tuées parce qu’elles refusaient de porter le hijab, qu’elles s’habillaient à l’occidentale, qu’elles portaient parfois des vêtements «sexy», qu’elles osaient avoir des copains et que, dans les mots du père, elles «déshonoraient» et «trahissaient» à la fois «leur famille et l’islam».
Le 30 juin 2009, quand les corps des jeunes filles et de la femme ont été découverts dans la Nissan de la famille qui avait abouti dans le canal Rideau (Kingston), les accusés pleurèrent de façon incontrôlée et démontrèrent une peine exagérée.
Après le massacre cependant, la police a découvert des enregistrements de Mohammed Shafia qui déclarait en privé que ses filles «avaient été cruelles envers lui. (…) Dieu maudit leur génération. C’était des salopes et des enfants pourris. Elles peuvent bien aller en enfer avec leurs chums. (…) Que le diable chie sur leur tombe».
Sur écoute électronique, Mohammed a déclaré que si c’était à recommencer, il le referait. Son apitoiement sur lui-même et son côté moralisateur sont caractéristiques des hommes qui commettent de tels meurtres.
Le premier crime d’honneur aux États-Unis se déroula en 1989 à St-Louis (Missouri). Zein Isa, un terroriste du groupe palestinien Abu Nidal, et son épouse poignardèrent Palestina (Tina – 16 ans) treize fois pendant qu’elle leur criait de cesser.
Le FBI avait mis Isa sous écoute électronique car il le soupçonnait de planifier des attentats terroristes. Dans cette affaire, le jury a donc eu accès à l’audio du meurtre.
Le père Zein était sans remords. Il se considérait comme la victime. Il plaida s’être défendu après avoir été attaqué par Tina.
Les crimes de Palestina comprenaient d’avoir un ami (pas même un chum) qui était afro-américain, d’avoir refusé de voyager avec son père (le terroriste) pour lui servir de couverture et d’avoir supplié ses professeurs et le conseiller de l’école de l’aider à échapper à la violence et aux autres punitions dont elle était victime à la maison.
Malheureusement, le travailleur social qui visita la famille de Palestina s’entendit avec Zein Isa qu’un père doit être ferme à l’égard d’une fille rebelle.
En plus de son infertilité, le crime de Rona Amir (l’épouse #1 de Shafia), était d’appuyer les trois filles de Tooba Yahya dans leur désir de s’intégrer à la société canadienne.
Comme Palestina, la plus jeune des trois sœurs Shafia (Geeti) avait demandé à ses professeurs de l’aider dans ses démarches pour être placée en famille d’accueil.
Une tension incessante régnait chez les Shafia : le père demandait à ses filles de se comporter comme si elles vivaient en Afghanistan (ou dans un pays musulman) et pas au Canada, la violence physique et les pressions psychologiques étaient monnaie courante, les deux épouses rivalisaient dans la maison et il y avait le frère qui devait espionner ses sœurs.
De tels comportements sont tout à fait courants chez certains immigrants qui vivent en Occident mais dont le cœur et l’esprit demeurent en Orient.
J’ai commenté sur ces patterns dans deux études publiées par le Middle East Quarterly en 2009 et 2010.
La violence familiale et même l’assassinat de femmes (dans des contextes non-musulmans) en Occident ne se comparent pas aux crimes d’honneur.
Ainsi, les Occidentaux tuent rarement leurs jeunes filles. Les familles occidentales («de souche») ne se concertent pas pour organiser de tels assassinats. Bien que les Sikhs et les Hindous (surtout en Inde) perpètrent des crimes d’honneur, il demeure qu’à 91% en Occident, de tels crimes sont le fait de musulmans qui tuent d’autres musulmans.
Le procès très médiatisé des Shafia au Canada pourrait servir d’élément déclencheur pour remettre en question la politique de multiculturalisme (PdeB : «Toutes les cultures se valent») mise en place par le premier ministre Trudeau en 1971 et consacrée par différents programmes du gouvernement canadien.
Selon le professeur et auteur Salim Mansur, un Canadien musulman, de telles politiques sont racistes. Elles confinent les immigrants à leur «groupe» et les découragent de devenir des «individus» et des «citoyens» de démocraties libérales.
Bien que certains aient demandé que des lois spéciales pour le crime d’honneur soient promulguées, il est important de souligner que les Shafia ont été jugés et condamnés en vertu des lois canadiennes existantes. Ils n’ont pas été jugés pour avoir commis des meurtres approuvés dans leur communauté mais pour avoir planifié et exécuté de sang-froid des meurtres en sol canadien.
Le père d’Aqsa Parvez, Mohammed, et son frère Waqas ont également été condamnés en vertu de lois canadiennes existantes après l’avoir tuée à Mississauga (Ontario) parce qu’elle refusait de porter le hijab et les autres vêtements traditionnels.
La mère d’Aqsa, qui n’eut pas à subir de procès avait, à l’époque, convaincu sa fille de sortir du refuge pour femmes battues où elle vivait et de revenir à la maison familiale où son père l’attendait.
Dans le cas des Shafia, les éléments de preuve étaient fort nombreux et une décision unanime a été rendue. Après la décision, le juge Robert Maranger déclara qu’il était «difficile d’imaginer un acte qui soit plus haineux que ce crime honteux commis de sang-froid (en raison) d’un concept d’honneur répugnant (“sick notion about honor”) qui n’a aucune place dans cette société».
Après la décision, le ministre canadien de la Justice, Rob Nicholson, qualifia le crime d’honneur de «pratique barbare et inacceptable au Canada». «Notre gouvernement est résolu à protéger les femmes et les autres groupes vulnérables de toute forme de violence possible, et à imputer aux coupables la responsabilité de leurs actes», ajouta le ministre. (Également sur CBC News)
L’avocat de la défense, David Crowe, a promis d’en appeler de la décision.
Les accusés continuent d’affirmer leur innocence.
J’espère que les experts et les organisations musulmanes au Canada et en Amérique du Nord vont saluer cette décision qui témoigne de l’importance qu’accorde le système de justice canadien à ces trois jeunes filles et à cette femme assassinées.
Références supplémentaires
Michèle Ouimet (La Presse – 28 janvier 2012) : Procès Shafia: la soeur de Tooba Yahya se confie
Point de Bascule (26 juillet 2009) : Documentaire sur le crime d’honneur en Jordanie (Dans une vidéo, un jeune garçon déclare que son père a eu raison d’assassiner sa mère)
Point de Bascule (12 octobre 2011) : Procès des Shafia : Rappel sur les crimes d’honneur
Point de Bascule (24 janvier 2012) : Rapport Petermann : Une synthèse belge sur le crime d’honneur
Point de Bascule (9 décembre 2011) : Charia et crimes d’honneur : Point de Bascule répond à Sikander Ziad Hashmi