L’article complet est disponible sur le site du SlateAfrique.com (25 novembre 2011)
Du coup, le ( Mouvement de la Société pour la Paix ) MSP est vu comme l’un des acteurs du triptyque politique qui soutient Bouteflika depuis une décennie (le FLN ex-parti unique, le RND parti barrage contre les islamistes crée durant les années 90 et le MSP parti des islamistes sans armes et sans grandes ambitions avouées). Les islamistes étaient donc devenus assimilés, aliénés, soumis et convaincus. Du moins jusqu’aux élections de la constituante tunisienne et la fuite de Ben Ali. Du coup, le rêve d’un Etat islamiste est de retour, en douce, en murmure, dans les rêves mais au bout des lèvres des Algériens semi-barbus.
Trois jours d’amitié
Le Samedi 19 novembre, Rachid Ghannouchi, le leader islamiste tunisien arrive en Algérie sur invitation discrète de la Présidence. (Il) n’est ni un chef d’Etat, ni un ministre, ni un officiel, mais sera accueilli comme tel, pour une vraie visite d’Etat de trois jours. (La visite) s’explique par le voisinage, l’histoire, la nécessité mais aussi par les souvenirs : Ghannouchi était l’un des rares proches de Bouteflika à l’époque où Bouteflika traversait le désert à pied, sans statut, en exil et dans l’anonymat de ses nostalgies et bien avant de revenir en Président. C’est ce qui explique le mot «visite d’amitié» qui a servi d’explication quasi-officielle. Du coup, la visite devient des retrouvailles dont l’intensité étonna la presse algérienne qui n’a pas su interpréter cette «chaleur» entre les deux hommes.
Ghannouchi n’oublie pas ses frères algériens
Les islamistes du MSP* seront cependant sur l’agenda de Rachid Ghannouchi et pour une longue réunion de plusieurs heures, en milieu de semaine, au siège du parti, à Alger. Selon les comptes rendus de la presse, il s’agit d’une véritable séance d’échanges de conseils et de vues, d’expérience et de driving et de mentoring. Une union du Maghreb islamiste en vue en attendant les prochaines législatives marocaines qui donne là aussi les islamistes comme favoris? Possible. Selon les journaux,
les islamistes algériens ont surtout expliqué au leader d’Ennahda qu’il faut aller doucement, ne pas s’accaparer les gros portefeuilles dans le gouvernement, faire la différence entre un ministre et un militant du parti, ne pas heurter, ne pas brusquer, ne pas hâter et ne pas trop dire. Dans le registre, le MPS a une longue expérience de parti obéissant: depuis la défaite du FIS, les islamistes algériens savent courber l’échine quand il le faut et passer les deals les plus inattendus pour survivre dans les marges. Cela s’appelle de l’«entrisme» pour les détracteurs et un «soutien critique» pour les sympathisants.
Le «Tu ne feras point… » des islamistes algériens
En Algérie, le MSP* ne dénonce jamais le gouvernement, ni la Présidence et encore moins le DRS (département du renseignement et de la sécurité), alias «les gens de la décision» comme les appelle le leader du MSP, Bouguerra Soltani. Le MSP ne démissionne pas pour protester, ne diffuse pas des communiqués de condamnation et n’oblige pas ses ministres (Deux, El-Hachemi Djaâboub et Amar Ghoul, ministre des Travaux public, le second ministre du Commerce), ne manifeste pas et juge le printemps arabe de loin et avec le bout des lèvres. Le MSP participe à toutes les élections et se tait sur les grandes questions. A Rachid Ghannouchi, les conseils ont été donc brefs, clairs et bien résumé lors de cette fameuse rencontre:
«Il ne faut pas se précipiter dans la prise de décisions, ne pas chambouler la vie de tous les jours des Tunisiens et ne pas déstabiliser tout ce qui existe actuellement en Tunisie» aurait précisé les leaders islamistes algériens à l’enfant gâté de la révolution tunisienne.
«Il faut travailler à la stabilité du pays, aller doucement dans la gestion et impliquer l’ensemble des forces politiques en présence et ne pas marginaliser les gens pour leur appartenance idéologique».
En, trois, «il faut rechercher le consensus et ne pas accaparer tous les ministères importants du gouvernement».
En un mot: attendre. Longuement, des années s’il le faut et ne jamais trop s’impliquer et s’afficher, seul.
A son tour, Ghannouchi aurait fait passer le message de sa visite et le rêve de sa vie: on peut réussir à avoir le pouvoir en étant islamiste. De quoi rappeler aux islamistes algériens leur rêve de jeunesse. Eux qui ne pensaient plus aller plus loin, sur le chemin de la république musulmane, que deux ou trois ministères chaque décennie, quelques centaines de bars fermés, un chrétien ou deux arrêté et quelques lois proches de la charia, comme acquis.
*- Avant de s’identifier comme le Mouvement de la Société pour la Paix (MSP), la section des Frères Musulmans en Algérie était connue comme le Mouvement pour une société islamique (Harakat Moudjtamaa As-Silm en arabe – acronyme Hamas).
Références supplémentaires
Point de Bascule : Un autre représentant des Frères Musulmans s’en prend à la députée Monique Richard
Point de Bascule : En marge des remarques de Fatima Houda-Pepin sur la menace islamiste en Libye et en Tunisie
Point de Bascule : Le projet de conquête islamique