L’Arabie saoudite est sortie de sa réserve traditionnelle en tonnant, jeudi 10 février, « contre l’ingérence de certains pays étrangers ». Pour la dynastie saoudienne, les Etats-Unis alimentent la contestation par ces prises de position pressantes. Qu’un pays affaiblisse ainsi son allié leur paraît inconcevable et incompréhensible, surtout dans un contexte régional où tout ce qui pénalise l’axe des pays arabes présentés comme « modérés »(c’est-à-dire proches des Occidentaux) renforce le voisin iranien déjà débarrassé de l’endiguement assuré par l’Irak à la suite de l’invasion américaine de 2003.
Le ministre saoudien des affaires étrangères, le prince Saoud Al-Fayçal, s’est déclaré « choqué », jeudi 10 février, à Rabat, au Maroc, par les « ingérences de certains pays dans les affaires intérieures de l’Egypte ».
« Nous pensons que – les Egyptiens – peuvent résoudre leurs problèmes par eux-mêmes et nous sommes choqués de voir que certains pays devancent même les souhaits du peuple égyptien » , a assuré le chef de la diplomatie saoudienne, faisant une allusion transparente aux Etats-Unis.
Selon le Times de Londres le monarque saoudien aurait fait état de son « irritation » dans une précédente conversation téléphonique avec M. Obama le 29 janvier menaçant de financer le régime égyptien si les Etats-Unis retiraient leur aide au pays.
Le roi a également averti Washington de ne pas humilier le président Moubarak, au pouvoir depuis près de 30 ans, estimant qu’il devrait être autorisé à superviser la transition dans le pays, a ajouté le Times citant une source haut placée à Ryad confirmée par deux autres sources.
Le roi d’Arabie saoudite, Abdallah, se trouve actuellement en convalescence au Maroc à la suite d’opérations chirurgicales subies en décembre 2010 aux Etats-Unis. La convalescence du roi saoudien a mis en évidence la fragilité d’une dynastie confrontée à la perspective de successions répétées compte tenu de l’âge avancé duroi(86 ans), de celui du prince héritier, Sultan (83 ans), et du suivant dans l’ordre de succession, le prince Nayef (77 ans).
Le roi Abdallah avait récemment manifesté sa solidarité avec le président égyptien Hosni Moubarak
L’Arabie saoudite est riche, membre du G20, influente sur le marché pétrolier, mais elle compte aussi une population jeune, nombreuse et, de notoriété publique, très mal préparée par un système éducatif peu performant à jouer un rôle dans l’économie du pays, en dépit de la volonté de réforme affichée par le roi.
Déjà déçus de l’impuissance américaine dans la gestion du dossier israélo-palestinien, rendus perplexes par les ouvertures faites par Washington à l’attention de Téhéran, qui alimentent leur hantise d’un renversement d’alliances, ces régimes (pays du Golfe) peuvent désormais douter de la solidité de leurs liens avec les Etats-Unis à l’épreuve de ces revendications pour plus de démocratie.
Sources:
Le Monde, La grande peur des sunnites: être lâchés par les États-Unis, 12 février 2011
Le Point.fr, L’Arabie saoudite dénonce les ingérences de « certains pays » en Égypte, AFP 10 février 2011