Dans son dernier livre, Pierre-André Taguieff cite le sociologue et politiste Robert Putnam de l’Université Havard qui, dans un article retentissant, conclut que le « capital social », soit « les réseaux qui relient entre eux les membres d’une société et les normes de réciprocité et de confiance qui en découlent », tend à décliner lorsque s’accroît la diversité ethnique et culturelle.
National Post: Clash de cultures dans un couloir, par Matthew Coutts
Lorsque la propriétaire du bloc appartement où j’habite à Toronto m’a informé qu’un voisin outré avait déposé une plainte contre moi pour une interaction apparemment inappropriée avec son épouse dans le couloir de l’immeuble, j’ai passé en revue dans ma tête les innombrables conversations que j’avais eues avec d’autres locataires, et aucune ne m’apparaissait être une source possible de grief. Il s’est avéré que ce n’est pas une interaction salace qui est à l’origine de la plainte, mais rien de plus qu’une expression de bon voisinage aussitôt oubliée, un bref « bonjour » à une voisine croisée en m’en allant travailler.
Pourtant, a précisé ma propriétaire, aux yeux du mari, qui a déjà été médecin quelque part au Moyen-Orient, j’avais commis un grave affront en transgressant un tabou culturel. L’incident a été le début d’une fâcheuse querelle marquée par des avertissements de ne pas répéter mon impair, et un face-à-face au ton criard avec des allusions à ma mort imminente.
Je m’attends que la querelle se poursuive, car nous semblons être coincés dans une impasse.
Son éducation musulmane lui a appris qu’il a le droit d’exiger que je ne m’adresse pas directement à son épouse, alors que par mon éducation dans les Prairies, j’ai intégré un sens du devoir de favoriser la cohésion avec mes voisins par des marques de civilité.
Ma propriétaire, qui a traité la plainte avec une inquiétude nerveuse, n’a pas contribué à dissiper les tensions. Elle m’a enjoint de me conformer à la demande du mari, parce qu’il « pourrait être dangereux ». Elle m’a demandé de littéralement tourner le dos au couple lorsque je les croise, de ne jamais établir de contact visuel avec eux, et, en aucune circonstance, de retenir l’ascenseur pour eux.
La vie entre voisins est devenue de plus en plus compliquée avec le multiculturalisme. On marche sur des œufs même avec une salutation des plus affable, ou un geste de bon Samaritain. Mais en tentant de s’adapter à un patchwork de cultures souvent conflictuelles, la civilité serait-elle devenue la victime collatérale du devoir d’accommodement?