TEHERAN, 13 jan 2008 (AFP) – Un réalisateur qui partage les idées du président conservateur de l’Iran a produit ce qu’il dit être le premier film donnant une vision islamique de Jésus-Christ, dans le but de montrer le «terrain commun» entre les musulmans et les Chrétiens.
Nader Talebzadeh voit son film, « Jésus, l’Esprit de Dieu », comme une réponse à des productions occidentales comme le blockbuster « La Passion du Christ » de Mel Gibson produit en 2004 qu’il a salué comme admirable mais tout simplement « erroné. »
« Le film de Gibson est un très bon film. Je veux dire que c’est un film bien conçu, mais l’histoire est erronée – ce n’était pas comme ça », dit-il, faisant référence à deux différences essentielles: l’islam considère Jésus comme un prophète, et non le fils de Dieu, et ne croit pas qu’il a été crucifié.
Talebzadeh dit qu’il est même allé au manoir de Gibson à Malibu en Californie pour lui montrer son film. «Mais c’était dimanche et la sécurité à la porte a reçu le film et la brochure et a promis de le livrer », bien que l’Iranien n’a jamais eu de réponse.
Même en Iran, « Jésus, l’Esprit de Dieu » a eu une faible réception, jouant devant un public modeste dans cinq cinémas de Téhéran pendant le mois sacré du Ramadan en octobre.
Le film, financé par la radiodiffusion nationale, est disparu des panneaux d’affichage mais est loin d’être mort, étant sur le point d’être recyclé dans une importante série de 20 épisodes qui sera diffusée sur la télévision nationale cette année.
Talebzadeh insiste qu’il vise à aplanir les différences entre le christianisme et l’islam, en dépit de la divergence flagrante de la doctrine chrétienne sur les dernières heures du Christ sur terre.
« Il est fascinant pour les chrétiens de savoir que l’islam accorde une telle dévotion à Jésus, et a beaucoup de connaissances à son sujet », a dit Talebzadeh à l’AFP.
«En faisant ce film, j’ai voulu faire un pont entre le christianisme et l’islam pour ouvrir la porte au dialogue car il y a beaucoup de points communs entre l’islam et le christianisme», a-t-il dit.
Le directeur tient aussi à souligner les liens entre Jésus et l’une des plus importantes figures de l’islam chiite, l’imam Mahdi, qui aurait disparu il y a 12 siècles mais dont le « retour » sur terre a été un élément essentiel de la présidence d’Ahmadinejad.
Talebzadeh s’est fait un nom dans la réalisation de documentaires sur la guerre 1980-1988 de l’Iran contre l’Irak, un genre important dans le cinéma post-révolutionnaire du pays.
Mais ces thèmes lourds, et son dernier film sur Jésus, sont en concurrence avec des thrillers locaux et des histoires d’amour à l’eau de rose qui continuent d’attirer le plus grand public dans la République islamique.
L’essentiel de « Jésus, l’Esprit de Dieu », qui a remporté un prix lors de l’édition 2007 du Festival du film sur les religions en Italie, suit fidèlement le récit traditionnel de Jésus comme il est relaté dans les évangiles du Nouveau Testament, un récit reproduit dans le Coran et accepté par musulmans.
Mais dans le film de Talebzadeh, Dieu sauve Jésus – dépeint comme un homme au teint clair avec des cheveux longs et une barbe – de la crucifixion et l’emmène tout droit au paradis.
« Il est franchement dit dans le Coran que la personne qui a été crucifiée n’est pas Jésus mais Judas, l’un des 12 Apôtres, et celui que la Bible décrit comme ayant trahi Jésus aux Romains », dit-il. Dans son film, c’est Judas qui est crucifié.
L’islam considère Jésus comme l’un des cinq grands prophètes – les autres étant Noé, Abraham et Moïse – envoyés sur terre pour annoncer la venue de Mahomet, le dernier prophète qui propagea la religion de l’islam. L’islam respecte les adeptes de Jésus comme « peuple du livre ».
L’Iran a des dizaines de milliers de ses propres chrétiens qui se voient garantir la liberté religieuse en vertu de la Constitution – principalement des Arméniens, même si leur nombre a fortement diminué depuis la Révolution islamique de 1979.
Chaque Noël, Ahmadinejad et d’autres fonctionnaires ne perdent pas de temps à envoyer aux dirigeants chrétiens, y compris le Pape, des voeux de ce qu’ils décrivent comme « la naissance de bon augure de Jésus Christ (PBUH). »
Dans son message de cette année, Ahmadinejad a dit que « la paix, l’amitié et la justice seront atteints lorsque les enseignements de Jésus-Christ (PBUH) seront réalisés dans le monde. »
Les musulmans chiites, majoritaires en Iran, pensent que Jésus accompagnera l’imam Mahdi quand il réappaîtra dans une future apocalypse pour sauver le monde.
Talebzadeh a dit que la version télé de son film examinera de plus près les liens entre Jésus et le Mahdi – dont Ahmadinejad a assuré que son gouvernement, qui est arrivé au pouvoir en 2005, travaille à hâter le retour.
Les chiites croient que la réapparition du Mahdi inaugurera une nouvelle ère de paix et d’harmonie.
« Nous, musulmans, prions pour le retour de l’imam Mahdi, et Jésus fait partie du retour et de la fin des temps », a déclaré Talebzadeh.
« Devons-nous, en tant qu’artistes, rester passifs jusqu’à ce moment-là? Ne devons-nous pas faire un effort? »