Quelques extraits d’un article de Ulysse Bergeron à ne pas manquer dans le dernier numéro de la revue Commerce.
Les entreprises et les syndicats auront beaucoup de pression pour accommoder la charia mur à mur…
Lecture complémentaire: La finance islamique, ou combien pour l’âme de la démocratie ?
Les nouveaux maîtres du monde arrivent au Canada, par Ulysse Bergeron, revue Commerce, février 2009
Guy Laliberté a vendu 20 % de son entreprise à un fonds souverain. À l’heure où ces fonds investissent en Occident, doit-on les craindre ou leur tendre la main ?
Le Cirque du Soleil reçoit tellement d’offres d’achat qu’il ne les étudie même plus. «Chaque fois, notre réponse est la même : le Cirque n’est pas à vendre !» dit son PDG, Daniel Lamarre. Toutefois, en 2006, l’organisation a fait une entorse à cette règle. Elle a prêté une oreille attentive à une offre venue de très loin. «Contrairement aux autres, le sultan Ahmed Bin Sulayem, de Dubaï, ne nous a pas proposé de nous acheter. Il a plutôt opté pour un partenariat stratégique», explique Daniel Lamarre. … C’est ainsi qu’un premier fonds souverain, Dubai World, fait son entrée au Québec en s’offrant rien de moins que le cinquième de l’entreprise la plus appréciée des Québécois.
Pacte avec le diable ? Aucunement, répond calmement Daniel Lamarre. «C’est plutôt une occasion d’affaires qui nous permet de prendre place à la table de grands acteurs». … «Ils ont les moyens financiers, les contacts et les infrastructures nécessaires pour développer les projets les plus grandioses.
L’annonce de ce partenariat n’a pas suscité de levée de boucliers au Québec, comme cela a été le cas lors de certains investissements de fonds souverains ailleurs dans le monde. C’est normal, soutiennent tous les spécialistes interviewés : dans l’opinion publique, le Cirque du Soleil oeuvre dans un secteur détaché des questions liées à la sécurité nationale. On ne peut en dire autant du secteur des ressources naturelles, qui pourrait bien être la principale porte d’entrée de ces fonds au Canada. La réglementation canadienne dans le secteur bancaire limitant à 10 % les investissements étrangers, ce qui risque de les intéresser le plus, ce sont les ressources naturelles, estime Vincent Delisle, stratège aux marchés des capitaux Scotia.
«L’enjeu véritable est lié aux ressources naturelles qui, doit-on le rappeler, jouent un rôle de premier plan dans l’économie canadienne», note Yvan Allaire, président du conseil de l’Institut sur la gouvernance d’organisations privées et publiques. En effet, la production des ressources naturelles équivaut à un peu moins du quart du PIB et représente 65 % de toutes les exportations canadiennes de biens.
Comment expliquer l’appréhension ressentie à l’égard des fonds souverains ? Elle découle principalement de l’absence de transparence. Leur statut étatique leur permet de se soustraire aux exigences légales de transparence financière. Par là-même, il est difficile, voire impossible dans certains cas, d’obtenir des informations officielles. … C’est ce qui s’est passé aux États-Unis en 2006 lorsque Dubai World, par l’intermédiaire de sa filiale DP Port, est devenu gestionnaire de six ports américains. Les pressions politiques venant aussi bien de démocrates que de républicains ont finalement poussé DP Port à se départir de ses activités portuaires ! Il y a quelques mois, le Dubai International Capital n’a pas mené à terme deux ententes en sol américain, craignant de faire face à une opposition politique.
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Cependant, malgré les doutes qui planent encore sur ces fonds, l’instabilité financière mondiale change la perception à leur endroit. La soif de liquidités des acteurs financiers a balayé la méfiance qu’on éprouvait à leur égard. En partie, du moins… «Faut-il accepter que les communistes ou les terroristes deviennent propriétaires des banques ? N’importe qui ferait l’affaire, parce que nous sommes prêts à tout». Cette citation de Jim Cramer, le coloré analyste financier de la chaîne américaine CNBC, résume bien la complexité de la relation entre certains fonds souverains et le monde capitaliste.
Prédateurs ou sauveurs ? En ce moment, la réponse importe peu, car la conjoncture rend leur présence indispensable.