Les propos du professeur Christian Giordano sur le pluralisme juridique ont provoqué des réactions outrées. La CFR (ndlr: commission fédérale contre le racisme) a pris officiellement position vendredi pour tenter de calmer le jeu
Tout est parti d’un article du professeur d’anthropologie sociale Christian Giordano dans Tangram, bulletin de la Commission fédérale contre le racisme (CFR). Dans le numéro de décembre consacré à la «société multiculturelle», le professeur de l’Université de Fribourg plaide pour un pluralisme juridique. Oui, une juridiction spéciale pour les musulmans pourrait être envisagée, a-t-il laissé entendre par la suite dans plusieurs médias. Une manière de dire que la charia pourrait être partiellement appliquée en Suisse.
Coup de tonnerre! La thèse a immédiatement provoqué des réactions outrées. Gênée par l’ampleur de la polémique et le fait qu’un de ses membres, un représentant d’organisations musulmanes, se soit exprimé en faveur de la thèse, la CFR a décidé de prendre officiellement position vendredi. D’autant plus que les partisans de l’initiative anti-minarets, qui s’inquiètent de «l’islamisation rampante en Suisse», se frottent les mains, l’idée de Christian Giordano apportant de l’eau à leur moulin.
…La CFR n’est en fait pas d’accord avec la thèse de Christian Giordano, mais respecte le fait qu’une minorité en son sein puisse avoir une opinion différente.
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Germes de ghettoïsation
…l’idée trouve très peu de défenseurs. «Nous vivons dans un Etat de droit laïc, que tous ceux qui habitent dans notre pays sont censés respecter. Introduire des juridictions particulières fondées sur les règles religieuses, quelle soit la religion concernée, est pour moi inacceptable!», commente la conseillère nationale libérale Martine Brunschwig Graf (GE).
Hasni Abidi est tout autant perplexe. Pour le directeur du Centre d’études et de recherche sur le monde arabe et méditerranéen (Cermam), un tel scénario risquerait d’«entraver un processus d’intégration et de laïcisation, conditions indispensables à la paix confessionnelle et sociale».
Pour lui, la proposition «porte les germes de la ghettoïsation et de l’exclusion de la présence musulmane. «Elle prétend résoudre des conflits mais va plutôt en provoquer davantage.» La charia est par ailleurs tout sauf une loi à la carte applicable selon les besoins, précise Hasni Abidi.
Par sa prise de position, la CFR tente de calmer le jeu. Walter Wobmann (UDC/SO), un des coauteurs de l’initiative anti-minarets, a lui profité de la polémique pour exiger à nouveau la suppression de l’instance fédérale.
Voir aussi:
Homa Arjomand – Protéger les femmes et les enfants de la charia
Daniel Weinstock favorable à la charia. Mohamed P. Hilout le remet à sa place