Avec ses boutiques de mode, ses rues tracées au cordeau, ses immeubles reconstruits, Grozny, la capitale tchétchène, a l’air d’une ville ordinaire où il fait bon vivre. Fini les bâtiments en ruine, les rues défoncées, les murs criblés de balles qui, il y a deux ans encore, s’offraient à la vue à chaque pas, donnant à la cité l’allure d’une Stalingrad du XXIe siècle. Pour un peu, il serait possible d’oublier que la ville a été rasée par les bombardements intensifs de l’armée russe à l’hiver 1999-2000.
En fin de journée, une jeunesse insouciante flâne au centre-ville, exhibant sa modernité. Bras dessus, bras dessous, des jeunes filles, jupes longues moulantes et hauts talons, arpentent l’avenue, portables en main, faux sacs Chanel ou Dolce Gabana en bandoulière. Dans les cafés, de jeunes garçons commentent à haute voix les derniers clips vidéo à la mode, diffusés sur les écrans plats.
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Le projet de normalisation passe par une mise en valeur des traditions tchétchènes avec un fort retour à l’islam traditionnel. Au bout de l’avenue Vladimir-Poutine, en plein centre-ville, une immense mosquée a été érigée, “la plus grande d’Europe, capable d’accueillir 10 000 fidèles”, rappelle fièrement un jeune Tchétchène venu y prier. Avec son parc (14 hectares), son institut islamique et son hôtel pour pèlerins, la mosquée fait des envieux dans tout le Caucase. Officiellement, elle est présentée comme le symbole des relations apaisées entre Moscou et la petite République, jadis rebelle.
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En quête de “normalité”, la population voit d’un bon oeil le nouveau projet de moralisation de la société. Désormais, le président l’a décidé, les jeunes filles doivent porter le foulard à l’université. Rien de très contraignant, au pire celles qui ne veulent pas avoir la tête entièrement recouverte peuvent se contenter d’un ruban négligemment noué sur les cheveux. En 2009, les étudiantes passeront au hidjab, une tenue plus couvrante, promise par le président, certain qu'”elles adoreront cela“.
Le rappel des normes de conduite traditionnelles est omniprésent et touche surtout les femmes. A la télévision locale, une émission met en garde contre les tenues vulgaires et les moeurs déplacées. L’idée générale est que certaines filles en prennent un peu trop à leur aise. “Tout cela, c’est la faute du portable. Avec leurs téléphones, les filles peuvent parler librement aux garçons et visionner des vidéos qui ne donnent pas le bon exemple”, croit savoir Naourbek, étudiant à l’université.
Récemment, du 26 au 29 novembre, la découverte, dans les environs de Grozny, des corps de sept jeunes filles assassinées par balles a relancé le thème de l’amoralité des femmes. Selon Viktor Ledenev, un responsable du parquet russe pour la Tchétchénie, les sept victimes, âgées de 25 ans à 30 ans, ont probablement “été victimes de criminels” voyant en elles “des femmes pouvant avoir un mode de vie amoral”.
Depuis, cette explication est dans toutes les bouches ou presque. Si la découverte macabre des corps, abandonnés dans la nature autour de Grozny, a relancé l’inquiétude, l’évocation de “l’amoralité” a suffi à calmer les esprits.
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