Une médaillée d’or olympique algérienne traquée par les islamistes parce qu’elle ne portait pas le hijab
Auteur: Richard Martineau
Référence : Le Journal de Montréal, 7 octobre 2013, p.6
Titre original : Quand l’État cautionne la stigmatisation
Parce qu’elle tenait à courir en shorts, Hassiba Boulmerka a reçu de nombreuses
menaces de mort
Ceux qui trouvent qu’il n’y a aucun problème à autoriser les enseignantes à porter le voile islamique devraient lire l’histoire d’Hassiba Boulmerka.
Médaillée d’or aux Jeux de Barcelone en 1992, cette athlète algérienne spécialisée dans la course de demi-fond (800 m et 1500 m) a décidé de courir sans porter le voile.
À cause de cela, et parce qu’elle tenait aussi à courir en short, Hassiba Boulmerka a reçu de nombreuses menaces de mort. Tellement qu’elle a dû arrêter de s’entraîner dans son pays.
«Ce n’était plus possible, c’était devenu trop dangereux, j’ai dû me réfugier à Cuba», a-t-elle expliqué à un journaliste anglais.
Les fondamentalistes lui jetaient des pierres quand ils la voyaient courir sur les pistes d’entraînement!
SOUS ESCORTE POLICIÈRE
Condamnée par plusieurs imams qui considéraient qu’elle blasphémait, Hassiba Boulmerka a participé aux Jeux de Barcelone sous escorte policière.
«Il y avait des flics partout: dans le vestiaire, dans le stade, ils m’accompagnaient même quand j’allais aux toilettes!»
Et après ça, on nous dit que le voile n’est qu’un simple bout de tissu!
En acceptant le voile partout, même dans les institutions qui devraient être neutres, on le banalise et on lance le message que, finalement, ce n’est qu’un symbole de piété, de spiritualité, pour ne pas dire une coquetterie identitaire ou un accessoire de mode, comme un piercing…
Quand la FIFA a décidé d’autoriser les footballeuses à porter le voile, en 2012, plusieurs féministes ont exprimé leur colère.
«Sous prétexte de compatir à la situation des femmes de certains pays qui ne pouvaient pas participer aux compétitions sportives parce qu’on interdisait le port du voile, on satisfait aux exigences des régimes islamistes qui veulent perpétuer à travers le sport la stigmatisation du corps des femmes, a écrit Annie Sugier, de la Ligue du droit international des femmes.
«De plus, on met en danger les femmes des pays musulmans qui tentent de résister au diktat du port du voile…»
LES PROFS, DES MODÈLES
Pour Annie Sugier, qui a publié un essai sur le voile et le sport (Femmes voilées aux Jeux olympiques), «faire entrer le hidjab dans le stade olympique c’est claironner que les musulmanes qui ne le porteraient pas sont de mauvaises musulmanes puisqu’elles ont désormais le choix de le faire.»
C’est ça, le problème, avec le fait de permettre aux enseignantes de porter le voile.
Une jeune fille ne veut pas porter le hijab? Elle ne veut pas céder aux pressions de sa famille? Le père peut toujours lui dire: «Tu t’énerves pour rien, le voile n’est pas si pire, regarde, il y a même des enseignantes qui le portent à ton école!»
Un prof, ce n’est pas un simple employé de l’État, comme un commis de bureau de la SAAQ. C’est un modèle, une personne digne d’être imitée, un citoyen qui incarne les valeurs qu’une société donnée veut transmettre à ses enfants.
Or, quand l’État permet aux enseignantes de porter le voile islamique, il le cautionne, il dit aux jeunes que c’est une façon comme une autre se s’habiller…
Est-ce vraiment le message que nous voulons envoyer à nos enfants?
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