Tariq Ramadan et les Frères musulmans
Par Tarek Fatah
Point de Bascule, le 15 avril 2010
Traduction de Tariq Ramadan and the Muslim Brotherhood par Point de Bascule
English version click [HERE]
Tariq Ramadan, le chouchou de l’establishment islamiste, est de retour à Montréal. Cette fois,l’érudit de l’islam qui dissimule sa vision islamiste sous le niqab du double langage, va lever le voile qui lui a permis d’éviter un examen sérieux de ses vraies positions.
Jusqu’à présent, Ramadan a su parer habilement aux allégations d’association avec les Frères musulmans, en soulignant que c’est son grand-père, Hassan al-Banna qui a fondé ce mouvement et pas lui; qu’il ne peut être tenu responsable de la philosophie de son grand-père ni de ses actions.
Cette fois, Tariq Ramadan est invité à Montréal par une organisation qui affiche sa filiation avec l’idéologie des Frères musulmans – la Muslim Association of Canada (MAC). MAC affirme sur son site web qu’il: «retrace ses origine jusqu’au renouveau islamique du début du 20e siècle, dont le point culminant a été la fondation des Frères musulmans». Si on a le moindre doute sur le lien de MAC avec les Frères musulmans, on n’a qu’à visiter son site web où l’on peut lire:
« MAC a pour objectif d’implanter l’islam….tel qu’il a été compris par feu Hassan Albanna, le fondateur des Frères musulmans, dans le contexte qui était le sien.»
http://www.macnet.ca/about-mac.php
On peut s’étonner de l’audace de MAC à épouser aussi ouvertement la vision de Hassan al-Banna, au Canada, età promouvoir la vision d’un homme qui fait appel au djihad ou au martyre pour faire avancer ses objectifs. Al-Banna affirme que: «le djihad est une obligation pour chaque musulman» et que mourir martyr pour Allah est préférable à la vie sur terre.
Tariq Ramadan n’a cessé de répéter que ses idées sont très différentes de celles des Frères musulmans. Mais est-ce vrai? L’écrivain socialiste français Yves Coleman ne le croit pas. Dans un article intitulé«40 raisons de croire que Tariq Ramadan n’est qu’un réactionnaire sectaire», Coleman donne de nombreux exemples de double langage. Il note:
«Quand on lui demande ce qu’il pense des idées politiques de son grand-père, Ramadan est incapable de formuler des critiques précises. Il répond: «Hassan al-Banna a résisté à la colonisation et a fondé des écoles, mais il a aussi usé de slogans ambigus, et a structuré une organisation dont les règles et les mécanismes ont quelquefois étouffé la réflexion et l’initiative.» Comprenez-vous vraiment ce que cela veut dire?»
Quelque soient les efforts pour l’acculer au pied du mur, Ramadan, comme une anguille, vous glisse entre les mains. Par exemple, en 1998, Ramadan a écrit la préface d’un livre de fatwas (avis juridiques) de Yusuf al Qaradawi, un islamiste notoire.
Dans ce livre Qaradawi soutient qu’un homme ” a le droit d’interdire à sa femme de rendre visite à une autre femme, s’il croit que cette visite peut causer un tort à sa femme, ses enfants ou sa vie matrimoniale “. Il soutient également: ” qu’une femme ne doit pas prendre l’initiative de parler à un homme qu’elle ne connaît pas.” et qu’une femme «ne devrait pas jouer avec des enfants qui dansent»! L’illustre imam répond à des questions aussi profondes que celles-ci: «une musulmane peut-elle utiliser une carte de crédit?» ou «devrait-elle se couper les cheveux sans l’autorisation de son mari?». Et il affirme que l’avortement est interdit.
Dans sa préface, Ramadan parle de «son profond respec» envers ce théologien réactionnaire partisan du djihad. Quand on l’interroge à ce sujet, sa réponse vague laisse perplexe.
Ramadan dit:
«Je cite un avis de Qaradawi quand je le trouve intéressant. Je l’ai également critiqué et je me suis écarté de certaines de ses positions qui s’expliquent du fait qu’il ne vit pas dans une société occidentale. Il développe des analyses sociales, politiques et géostratégiques qui n’appartiennent qu’à lui et que je ne partage pas toujours.»
En février dernier, le même Qaradawi a lancé un appel aux musulmans canadiens dansle mensuel Al-Ummah de Calgary, les invitant à convertir les non-musulmans, soulignant que cette tâche est des plus difficiles. Le mensuel a publié un message de la «Ligue des disciples d’Al Qaradawi», nouvellement fondée à Doha, capitale du Qatar. Dans ce message, on lit ceci:
« Le scheik Qaradawi a recommandé à ses frères et ses partisans d’organiser une campagne ” Dawa ” (conversion des non-musulmans à l’islam). Il a ajouté que le chemin ” Dawa ” n’est pas jonché que de fleurs, mais est parfois jonché de cadavres et de sang. »
Et bien demain soir, Tariq Ramadan aura l’occasion d’expliquer ses liens avec les Frères musulmans, le scheik Qaradawi et de dire s’il est prêt à se distancier de la doctrine du djihad armé, défendu par son grand-père et par MAC. Peut-être acceptera-t-il de commenter les mots «sang et cadavres» utilisés par Qaradawi.
Ramadan est un représentant de la nouvelle tendance du mouvement islamique mondial qui considère l’Occident comme une terre de djihad culturel et intellectuel. Ce mouvement plus ‘moderne’ cible particulièrement les jeunes qui en ont assez de la vieille garde: les barbus en djellaba, vociférant contre l’Occident, source de tout le mal. La nouvelle stratégie est de miner l’Occident de l’intérieur, comme les parasites et les termites, sans inquiéter les sociétés d’accueil qui ne comprendront ce qui leur arrive que lorsqu’il sera trop tard. Le cas de la Grande-Bretagne en est un bon exemple. Je termine avec ces mots du journaliste français musulman Mohamed Sifaoui que chaque Canadien et Québcois doivent méditer: «Tariq Ramadan est un islamiste. Il fait parti de ceux qui veulent que l’islam politique, version européenne des Frères musulmans, infiltre les institutions, les sociétés, les associations, les partis politiques, les médias, etc. afin de faire pression sur ces mêmes sociétés pour les ‘réformer’ de l’intérieur, les islamiser ou les ré-islamiser, pire, les pervertir pour les amener progressivement à accepter une vision médiévale de l’islam.»
Et en tant que Canadien musulman d’origine pakistanaise, j’ai ce message pour Tariq Ramadan:
Frère Tariq, votre père Said est venu dans mon Pakistan natal en 1948 en tant qu’émissaire des Frères musulmans et il a contribué à faire d’un pays sécularisé un des principaux foyers de l’extrémisme islamique. Je ne laisserai pas le fils de Said Ramadan faire la même chose avec mon pays d’adoption, le Canada, sans me battre. Votre père a causé la ruine du pays qui m’a vu naître. Il ne causera pas la ruine du pays où j’ai l’intention de mourir paisiblement.