http://www.journaldemontreal.com/2016/10/17/secret-detat
Lise Ravary : «Il existe deux sortes de radicalisation islamiste : la version ‘coupeurs de têtes’ et la version ‘bourrage de crâne’. [L]es avancées de l’islam par la persuasion, et non pas par les bombes, m’inquiètent plus encore.»
Auteure : Lise Ravary
Référence : Journal de Montréal, 17 octobre 2016
Titre original : Secret d’État / Archive.Today
Je suis stupéfaite par la décision du ministère des Affaires internationales de tenir secrète la liste des participants à la conférence de l’UNESCO sur la radicalisation qui aura lieu du 30 octobre au 1er novembre à Québec.
Une conférence internationale co-organisée par des Québécois, tenue en sol québécois et payée en grande partie par des impôts québécois, et on ne peut pas savoir qui y participera ? «À l’heure actuelle, compte tenu de la sensibilité des sujets abordés dans le cadre de la conférence et pour des questions de sécurité, nous ne pouvons pas dévoiler la liste des participants», a dit le porte-parole du ministère à mon collègue Taïeb Moalla du Journal de Québec.
Facile d’être trompé
Je n’en crois pas un mot. Je pense plutôt qu’on veut empêcher que des journalistes trop curieux et des organismes spécialisés comme Point de bascule aillent fouiller le passé et les affiliations des participants. Il est quasi impossible qu’une telle conférence ne soit pas infiltrée. C’est si facile d’être berné, comme en témoigne cette anecdote, mettant en cause le représentant-expert du Québec à la conférence.
Herman Deparice-Okomba, qui dirige aussi le Centre contre la radicalisation menant à la violence de Montréal, s’est rendu en Tunisie le mois dernier pour parler de radicalisation avec une quinzaine d’imams, rencontre organisée par le Center for the Study of Islam and Democracy (CSID).
Savait-il que «le CSID est un écran de fumée pour quelques-uns des plus détestables membres du lobby waahabite (ndlr l’islam façon saoudienne) en Amérique?» Ce n’est pas moi qui l’affirme, mais le professeur Salim Mansur, directeur canadien du Centre pour le pluralisme musulman. Une sommité sur l’islamisme, dont le courage lui a valu deux fatwas appelant à l’assassiner.
Censure envisagée?
Revenons à notre mouton. Depuis l’abandon du projet de loi 59 sur les discours haineux, qui aurait surtout servi à museler les critiques de l’islam, le gouvernement cherche-t-il un autre moyen d’endiguer les propos jugés islamophobes dans les médias ? On pourrait le croire : un des ateliers s’intitule Discours haineux, propagande extrémiste, liberté d’expression et médias.
Cet atelier sera consacré à la problématique des discours haineux, à leur traitement médiatique et à leur régulation sur internet et dans les médias.
On ne parle pas ici de discours haineux islamistes, mais de chroniques comme celle-ci, dites islamophobes par les Adil Charkaoui de ce monde.
Au-delà de la violence
Il existe deux sortes de radicalisation islamiste : la version «coupeurs de têtes» et la version «bourrage de crâne.» Cette conférence traitera de la version violente (mais pas seulement islamiste, précise-t-on). Elle existe et nous avons des lois pour protéger la population. Il faudrait seulement les appliquer et ne pas s’écraser devant des lobbys.
Mais les avancées de l’islam par la persuasion, et non pas par les bombes, m’inquiètent plus encore.
Rappelons ces paroles de la superstar de l’islamisme dit soft, Tariq Ramadan, lors d’un congrès islamiste à Dallas en 2011 : «Nous devons faire attention de ne pas nous laisser coloniser par quelque chose qui émane de la société consumériste. C’est nous, avec notre compréhension de l’Islam, nos principes, qui devons positivement coloniser les États-Unis d’Amérique».
J’aurais bien aimé pouvoir vous dire si ce genre de colonisateurs-censeurs prendra la parole à la conférence Québec-Unesco. Mais c’est secret d’État.
Lectures complémentaires
Hashtag de la conférence Québec-UNESCO sur l’internet et la radicalisation : #confqcunesco
Nadia El-Mabrouk (Le Devoir – 26 août 2016) : Rapport sur la radicalisation: déconnecté et imprégné de rectitude politique / WebArchive – Archive.Today
Le rapport a été produit par le Centre de prévention de la radicalisation menant à la violence (CPRMV) dirigé par Herman Deparice-Okomba.
«Les conclusions du rapport sont en total décalage avec l’enquête de terrain. Alors que l’on souligne les dérives liées à un excès de religiosité, alors que les dérogations accordées pour des lieux de prière n’ont fait qu’envenimer la situation, voilà que le rapport préconise ‘l’accommodation de la pratique confessionnelle’, décrite comme un ‘besoin réel’.
Alors que l’élément de radicalisation principal soulevé par le rapport est la présence d’agents de radicalisation, la conclusion préconise de faire appel aux imams, décrits comme des ‘théologiens de grande valeur’, qui doivent servir de ‘guides spirituels avertis auprès des individus vulnérables’. […] Comment le CPRMV va-t-il établir les critères d’un ‘vrai islam’?»
Point de Bascule : FICHE UNESCO
Point de Bascule (8 février 2016) : L’UNESCO s’associe au Gouvernement du Québec pour une conférence sur la ‘radicalisation par internet’
Point de Bascule (12 octobre 2016) : #confqcunesco – Le Gouvernement du Québec refuse d’identifier les participants à une conférence sur la ‘radicalisation par internet’ qu’il organise avec l’UNESCO