Dans son mémoire à la Commission Bouchard-Taylor, le groupe Présence musulmane pose un diagnostic sur la société québécoise: détresse identitaire, émotivité exacerbée, confusion, refoulement d’enjeux latents, xénophobie record, égocentrisme, altération de la raison, complot médiatico-politique – et prescrit une thérapie massive et des restrictions à la liberté de la presse. Le groupe dénonce aussi l’arrogance du féminisme républicain ethnocentrique.
Nous reproduisons le mémoire présenté à la Commission Bouchard-Taylor par le groupe Présence musulmane.
Le mémoire est ici :
UNE CRISE IDENTITAIRE?
Plusieurs observateurs décrivent ce qui se passe au Québec depuis le début des évènements entourant les accommodements raisonnables (AR), comme étant une crise identitaire. En effet, cette problématique, mais surtout sa médiatisation artificiellement amplifiée, a pu déterrer certains malaises latents pour en faire une « crise » d’envergure, bien que celle-ci se manifeste davantage sous un angle émotif. Plusieurs incidents ou propos tenus par nos concitoyens nous prouvent quotidiennement que la rationalité a cédé devant l’émotivité; certains politiciens ont su alors en profiter pour faire de la question identitaire québécoise un catalyseur pour la mise en oeuvre de leur agenda politique.
AU-DELÀ DES ACCOMMODEMENTS RAISONNABLES
Sans tomber dans le piège du mélodrame, force est de constater que les réactions surréalistes entourant l’affaire des AR ne sont en fait que les symptômes visibles d’une détresse identitaire. Si cette dernière est réelle, elle ne date certainement pas des vitres givrées du YMCA ou encore du jugement de la Cour suprême concernant l’affaire du kirpan, bien que celle-ci ait cristallisé l’opinion publique.
En fait, la situation actuelle au Québec est le résultat d’un refoulement de vieux enjeux latents non réglés, parmi lesquels on trouve la souveraineté versus le fédéralisme et la disparité entre Montréal et les régions. D’autres facteurs sont également en cause dans la situation actuelle. Il est évident qu’il existe un contexte mondial d’entretien de la peur de l’Autre, surtout après les attentats du 11 septembre, et son instrumentalisation pour légitimer certaines stratégies politiques. De plus, nous traînons au Québec un passé religieux non assumé, refoulé. Certains éprouvent même dans une certaine mesure une honte quant à la période appelée « la grande noirceur ». La religion a été évacuée si drastiquement qu’elle a laissé un grand vide. Aussi, la génération des « baby boomers », au pouvoir aujourd’hui tant dans le monde politique, médiatique qu’économique, a vécu dans un Québec davantage monolithique blanc, francophone et catholique; elle peut donc avoir tendance à éprouver un plus grand sentiment d’inconfort face aux vagues visibles d’immigration qu’ont connues les années 80 et 90.
La « crise » actuelle semble amenuiser chez certains citoyens, personnalités politiques de gauche comme de droite et chez une bonne partie de l’intelligentsia vocable québécoise, leurs attributs humains les plus précieux : la raison, la capacité de dialoguer, l’autocritique constructive, l’éthique et la civilité. Or, pour atténuer cette peur et cette appréhension de l’Autre, on est prêt à tout accepter quitte à s’amputer de nos propres acquis humanistes. En effet, certains souhaitent une révision et une modification de la Charte des droits et libertés de la personne du Québec (CDLPQ), pour la soumettre aux désirs de « la majorité », qui serait la seule vraie gardienne de la démocratie, quand bien même que cela vienne mettre en péril la cohésion de cette même société que l’on veut tous protéger.
LA CONSTRUCTION IDÉOLOGIQUE D’UN NOUVEAU BOUC ÉMISSAIRE
Devant toute l’armada médiatique déployée dans le traitement des AR, on ne peut s’empêcher d’avoir en filigrane la commission Stasi et de noter des parallèles entre l’affaire québécoise des AR et l’affaire franco-française du foulard à l’école. L’analogie la plus frappante est sans aucun doute l’acharnement médiatique sur la religion musulmane et ses expressions extérieures telles que la prière ou encore l’éthique vestimentaire musulmane. Les citoyens québécois de foi musulmane « visibles » deviennent alors des citoyens intégristes et non intégrables, par l’essence même de leurs valeurs islamiques « misogynes » et « anti-démocratiques » qu’ils voudraient « imposer » à l’ensemble de la société. Ce type de discours, tenu à travers l’Histoire envers d’autres groupes, reflète clairement une attitude raciste, tel que propose M. Lester par cette définition : « c’est une des caractéristiques du discours raciste que de diaboliser le groupe qu’on accable tout en se donnant à soi-même toutes les vertus, de prétendre représenter l’universalisme pendant que le groupe cible des propos haineux est décrié comme mesquin, et ses revendications, sans valeur, anti-démocratiques et intolérantes. »
Le sociologue français Saïd Bouamama s’est penché sur cette question. Il avance que :
Le processus de production d’un bouc émissaire n’a rien de nouveau et découle plutôt d’un fonctionnement systémique désignant des populations spécifiques, du fait à la fois des imaginaires hérités de l’histoire et de la place fragilisée de ces populations dans la société. À la source de ce processus, que nous appellerons d’« ethnicisation », se trouvent les inégalités réelles vécues par les populations issues des ex-colonies. Celles-ci occupent une place dominée sur un marché du travail tendanciellement segmenté ethniquement. Cette place assignée paraît naturelle et non scandaleuse du fait des représentations « coloniales » qui imprègnent profondément l’imaginaire collectif. Les discriminations sociales entérinent à leur tour et entretiennent la discrimination économique sur le marché du travail. Nous sommes ainsi en présence d’une frontière (entre un « nous » et un « eux ») produite/reproduite par les inégalités réelles. Cette frontière sert de grille de lecture des difficultés rencontrées à la fois par le groupe majoritaire et par le groupe minoritaire.
En d’autres mots, l’islamophobie est d’abord « un passage par la parole qui s’en prend au musulman en tant que tel. Non pas à l’islam ou aux musulmans tel qu’il est est/qu’ils sont, mais tel qu’il est/qu’ils sont reconstruit(s) sur un mode fantasmatique ». L’idée alors d’une menace à la démocratie et à la sacro-sainte laïcité est renforcée par l’existence d’une « cinquième colonne » islamiste avec une composante internationale.
Il faut cependant rappeler que, contrairement à la France, le Québec n’a pas d’antécédent colonialiste en terre d’islam, ce qui implique que son rapport à celui-ci n’est pas influencé par cet héritage historique. Il est par contre important de relever que cette montée xénophobe, qui atteint présentement des records inquiétants, permet l’instrumentalisation politicienne du « fait islamique » sous le couvert du référent « laïcité », qui est mobilisé ici pour masquer la réalité des clivages sociaux et des intérêts en jeu, tels que l’exclusion socioprofessionnelle des citoyens qualifiés et dont le marché du travail a grandement besoin.
PLACE À LA RÉFLEXION
Dans le but de dépassionner le débat, il serait opportun d’aller au-delà des émotions et d’émettre quelques pistes de réflexion. La première question serait de savoir si le problème actuel est principalement unidirectionnel; proviendrait-il uniquement de l’Autre ou pourrait-il également être partagé par nous-mêmes en tant qu’individu et collectivité. Aussi, si les signes extérieurs d’une foi différente nous interpellent autant, est-ce seulement par pur souci d’égalité des genres?
Bien que notre société ait accompli des progrès importants dans ce dossier, la question est loin d’être parfaitement réglée. Pourtant, personne avant cette « crise » des AR, n’était monté aux barricades pour revendiquer un amendement quelconque à la Charte afin de s’assurer que le droit à l’égalité des sexes ait préséance sur l’un ou l’autre des autres droits protégés. Bien que le combat de l’équité salariale ne soit pas encore gagné, aucune modification à la Charte n’a été réclamée avant ce jour, du moins publiquement. Par ailleurs, il existe une certaine perception populaire qu’une expression religieuse, telle que la prière ou le foulard par exemple, reflète une confiance et une fierté chez le citoyen de confession musulmane à l’égard de sa propre identité, histoire et patrimoine. Cette perception d’assurance identitaire chez l’Autre vient ébranler la confiance fragilisée en notre identité et notre peur de perdre nos acquis. Or, il n’y aura pas de meilleur vivre ensemble sans connaissance mutuelle; il n’y aura pas de connaissance mutuelle sans dialogue, et il ne peut y avoir de dialogue sans un fort sentiment d’identité, une connaissance profonde de soi-même, de sa communauté propre et de sa nation. En fait, le respect de soi, de ses origines et de son histoire, constituent la base nécessaire et la condition sine qua non du dialogue authentique, de l’accès à l’univers de sens de l’Autre et de la cohésion sociale; et ceci vaut pour les Québécois de toutes origines et croyances confondues.
UNE CRISE MÉDIATIQUE
Il y a deux catégories de télévision : La télévision intelligente qui fait des citoyens difficiles à gouverner et la télévision imbécile qui fait des citoyens faciles à gouverner. (Jean Guéhenno)
Au-delà de la crise identitaire construite par les récents évènements, il n’est certainement pas exagéré de parler d’une crise médiatique mondiale. Longtemps considérés comme la voix des sans-voix, les médias sont devenus des oligopoles plutôt soucieux des cotes d’écoute et de la satisfaction de leurs actionnaires; le Québec n’échappe pas à la règle. En effet, dans l’affaire des AR, les médias ont présenté une opinion plutôt que des faits; le tout à travers une grille de lecture sensationnaliste de l’information, quand elle n’était pas complètement manipulée à des fins démagogiques. La désinformation concernant certains groupes cibles et tout spécifiquement les arabo-musulmans ne laisse aucune place à la remise en question des préjugés qui est sensée être le fondement même du métier de journaliste et par extension du quatrième pouvoir que devrait exercer les médias. Les lignes ouvertes sont devenues le défouloir privilégié des xénophobes et racistes tout azimut et même le journalisme dit d’enquête distorse la réalité et porte atteinte grave
à la déontologie journalistique, sans que personne ne semble s’en émouvoir. D’ailleurs à cet égard, nous avons des journalistes d’analyse en voie de disparition et des journalistes d’opinion, du type « je-sais-tout-sur-tout » à profusion. Cependant, quand on s’indigne du traitement de l’information concernant les groupes cibles, on se scandalise de l’atteinte à la liberté d’expression.
Toutefois, la question qui se pose est : « La liberté d’expression est-elle encore une condition fondamentale d’exercice de la démocratie ou est-elle devenue le cheval de Troie de la spectacularisation d’un monde dans lequel nous serions de simples spectateurs? » Ainsi, l’hiver passé, lors de la période préélectorale, on assistait à un tsunami médiatique sur les AR. Le sondage Léger-Marketing, mené pour le compte du groupe Quebecor (Réseau TVA, Journal de Montréal et de la station 98,5 FM) a permis la propulsion de Mario Dumont et de l’ADQ. S’agirait-il ici d’une simple coïncidence? Là où il n’y aurait pas de hasard, y aurait-t-il plutôt des connivences médiatico-politiques? Dans ce registre, le Québec n’aura rien inventé, nous n’avons qu’à nous souvenir du cas Berlusconi en Italie.
LES ACCOMMODEMENTS RAISONNABLES SELON LA LOI
En vertu des diverses dispositions législatives existantes (CDLPQ, Charte canadienne des droits et libertés, Pacte international relatif aux droits civils et politiques et Déclaration universelle des droits de l’Homme), la liberté de religion et la liberté de conscience sont des droits fondamentaux qui incluent la liberté de croire, de manifester et de professer sa religion ou ses croyances. À partir de cela, il s’avérait nécessaire d’instaurer la norme juridique d’accommodement raisonnable à l’échelle nationale et ce, depuis 1985. Cette norme est basée sur le principe qu’une règle d’apparence neutre appliquée de façon similaire à tous les individus pourrait provoquer une discrimination ou un préjudice à un individu et nuirait ainsi au principe d’équité.
Cette règle a été évidemment accompagnée de balises claires; son application est valable seulement si elle ne cause pas de contrainte excessive à l’autre partie; le caractère excessif de la contrainte peut être analysé à la lumière de plusieurs facteurs, notamment le coût et la sécurité. Pour que l’accommodement soit retenu, il faudrait également qu’il soit justifié et qu’il ne brime pas les droits d’autrui. Le demandeur a donc le fardeau de prouver l’atteinte à sa liberté de religion et la nuisance, plus qu’insignifiante, à sa capacité de se conformer à la pratique en question. Le fardeau de la preuve incombant à la partie requérante est donc élevé en lui-même et l’accommodement n’a lieu que s’il est rencontré. Ainsi, les balises définies semblent être largement suffisantes à notre sens. Il est à noter également que la majorité des cas médiatisés sont des ajustements concertés, qui relèvent plutôt d’ententes entre citoyens. Plusieurs situations de la vie quotidienne impliquent davantage ces dernières pratiques et ne font l’objet ni de traitement judiciaire ni médiatique. Ceci démontre clairement la volonté qu’ont plusieurs citoyens à atteindre une meilleure cohésion sociale et à partager dans le respect les mêmes espaces publics.
LE QUÉBEC ET LA DIVERSITÉ RELIGIEUSE
VALEURS QUÉBÉCOISES OU VALEURS COMMUNES?
Toute société ou nation privilégie un ensemble de valeurs, dont plusieurs font partie du lot des valeurs universelles reconnues à travers la planète. Une même valeur pourrait cependant être interprétée différemment d’un peuple à un autre ou d’une époque à une autre, dépendamment de la culture locale et du contexte temporel. Il est important alors de reconnaître son caractère dynamique afin de pouvoir affirmer l’existence de valeurs dites québécoises, par exemple. Quand on parle de solidarité comme valeur québécoise, ce n’est certainement pas dans l’esprit d’en avoir l’exclusivité. Cependant, ce qui donne à ce principe moral et social une teinte québécoise, c’est plutôt la manière avec laquelle il est opéré dans la société. Ce constat permet également de comprendre une autre source de confusion, à savoir la différence entre les valeurs et les traditions. Cette confusion a été souvent ressentie lors des récents débats; en invoquant le désir de protéger une valeur, plusieurs citoyens se réfèrent à une tradition, qui dans certains cas, est plutôt une interprétation pratique de la première. Il existe une différence fondamentale entre les valeurs, qui pourraient être partagées par plusieurs individus, et les traditions qui sont propres à chaque système social ou idéologique. Par exemple, si on considère la fraternité comme valeur importante, chaque personne la vivra en respectant ses autres principes auxquelles elle adhère.
LE CHOC DES PERCEPTIONS : ÉGALITÉ DES GENRES
Ces constatations nous éclaircissent sur un problème majeur qui sévit dans notre société présentement, et qui est celui du choc des perceptions. Il y a une tendance parmi les peuples à ne pas reconnaître le caractère personnalisé et ethnique de chaque valeur, et la considérer plutôt comme étant absente chez l’Autre, dès lors que son application est différente. À ce propos, nous aimerions souligner l’exemple de l’égalité homme-femme. Bien que les musulmans répètent que l’islam reconnaît pleinement l’égalité des genres, les perceptions populaires persistent au sujet du foulard (hidjab) comme symbole d’infériorité des femmes musulmanes. Mais qu’en est-il vraiment?
L’émancipation de la femme se définirait-elle par la longueur ou la couleur du vêtement qu’elle décide de porter? N’est-ce pas là une certaine volonté d’imposer à ces femmes le sens du vêtement qu’elles choisissent de porter? L’égalité entre les femmes et les hommes en est une qui doit mettre l’accent sur la valeur de leur être, et non celle de leur paraître. Elle doit être basée sur les opportunités qu’ils ont tous les deux pour se réaliser pleinement au sein de la société.
L’émancipation de la femme peut donc être accomplie à travers diverses voies; il est essentiel alors pour nous, en Occident, de reconnaître cela. Le problème est que souvent on ne reconnaît qu’Un modèle de la modernité et de l’émancipation des femmes, et qui est un modèle occidental particulier. La modernité ne peut donc être atteinte que par le rejet du sacré, et l’émancipation de la femme que par sa libération du cadre religieux. Il est important de pouvoir, au Québec par exemple, se décentrer de sa position et de ses références historiques, pour essayer de comprendre l’Autre, selon ses propres références historiques et sociales, et lui permettre de réaliser un même objectif, mais par des moyens différents.
La cause est commune, mais les cadres de référence peuvent être différents. Une femme émancipée est une femme capable de parler pour elle-même et de participer pleinement à un projet de société. Il s’agit alors de respecter le choix de ces femmes de continuer à suivre une certaine éthique vestimentaire déterminée par leur foi, mais
qui désirent tout autant évoluer au niveau social, politique, intellectuel, académique et sportif; c’est tout simplement, le respect de la différence. Lors des nombreux débats sur la place de la religion dans l’espace public, il y a un important acharnement vis-à-vis du foulard; ceci bloque la pensée et ne permet pas de voir, au-delà de cet aspect extérieur, la vraie participation de la femme musulmane dans les divers champs sociaux. Malheureusement, nous constatons que cet acharnement à propos de l’apparence de la femme musulmane a d’une part une composante historique et d’autre part une composante sociale. Pour la première, il est important de noter que lors de la colonisation européenne dans les divers pays musulmans (Maroc et Égypte, par exemple), les mêmes dirigeants occidentaux qui luttaient pour « dévoiler » les femmes musulmanes, s’opposaient au droit de vote des femmes occidentales dans les pays en Europe. Ce « fantasme » occidental continue aujourd’hui en mettant l’accent davantage sur l’interdiction du foulard plutôt que sur l’accès des citoyennes musulmanes à diverses opportunités professionnelles.
Quant à la composante sociale, il est évident que nous vivons dans un contexte qui connaît une grande obsession de l’image corporelle. Cette obsession est alors transposée dans l’imaginaire populaire vers les femmes musulmanes, à qui on refuse le droit d’afficher une différence, même si celle-ci n’entrave pas leur accomplissement en tant que citoyenne active et leur participation au projet social commun. Il est aussi important de rappeler qu’il existe une valeur d’égalité qui englobe l’égalité des genres, une valeur fondamentale, mais combien oubliée de nos jours; il s’agit de l’égalité entre les humains, peu importe leur genre, leur couleur, leurs croyances ou leur origine ethnique. Au nom de cette égalité, il est alors antidémocratique d’appeler à limiter l’accès à des citoyennes, pour qui la spiritualité occupe une place importante dans leur quotidien, aux différentes opportunités sociales ou espaces publics.
UNE CONSTITUTION QUÉBÉCOISE : SOLUTION EFFICACE OU STRATÉGIE ÉLECTORALISTE?
À partir du problème des perceptions, on comprend que même l’idée d’inclure dans une éventuelle constitution au Québec les valeurs dites québécoises, ne résoudra pas l’incompréhension vis-à-vis de l’Autre que connaît notre société. Cette proposition est davantage une stratégie politique qui vise à rallier quelques partisans supplémentaires aux rangs de certains partis. Il serait encore plus intéressant d’encourager tous les citoyens à s’ouvrir au dialogue constructif et à exercer leur esprit critique, plutôt que de se doter d’une constitution qui donnerait l’impression que le Québec serait pour toujours protégé contre des « invasions idéologiques étrangères ». De plus, il n’est pas aisé de déterminer clairement les valeurs appartenant à une société donnée. Celles mentionnées dans le document de consultation comme étant des valeurs fondamentales sont davantage les valeurs auxquelles notre société croit, mais leur application ici n’est pas parfaite. L’égalité homme-femme par exemple, est une valeur très chère, mais elle est loin d’être complètement atteinte dans notre société. La laïcité est également une valeur de plus en plus souhaitée; toutefois, son application est sujette à plusieurs interprétations, et on note que les citoyens ne sont pas tous prêts à abandonner certaines traditions ou acquis issus principalement de la tradition catholique.
IDENTITÉ VERSUS CULTURE
Le concept de valeurs communes nous amène également à nous questionner sur la place que peut occuper chaque individu à l’intérieur d’une collectivité. Si on considère que l’identité est l’ensemble des valeurs et des pratiques qui font cohérence chez l’individu et que la culture est l’ensemble des valeurs et des pratiques qui font cohérence dans la collectivité, on constate qu’il est important de réfléchir sur la place que doit occuper chaque individu dans une collectivité. En effet, l’identité de chacun ne peut être complètement inscrite dans la culture collective, car cela réduirait l’autonomie individuelle et empêcherait chacun de garder une distance critique face à la collectivité. Dans un système social donné, ceci est important à reconnaître afin de permettre une plus grande diversité.
ATTITUDE MINORITAIRE
En abordant le chapitre de l’identité, on note une importante fragilité, au sein de notre société, quant à la menace que plusieurs perçoivent comme provenant d’un Autre apparemment différent. Selon plusieurs, ceci est expliqué par la situation minoritaire qui caractérise le Québec, terre à majorité francophone, au sein de l’univers anglo-saxon de l’Amérique du Nord.
Cependant, il est important en tant que société, que nous réfléchissions sur les effets néfastes que cette attitude minoritaire pourrait avoir à court et à long terme. Adopter constamment une telle attitude mène irrémédiablement à un discours teint de victimisation et à un repli identitaire. En maintenant un discours constant sur la situation minoritaire du Québec, on légitime toute action ou tout propos qui viserait à se protéger contre d’éventuelles ingérences culturelles extérieures, ou perçues comme telles. Cette situation finit par créer une paranoïa sociale importante et toute différence, serait-elle uniquement apparente, est alors perçue comme un danger pour la culture collective.De plus, on note que le discours minoritaire fait place à un discours de majorité aussitôt qu’on aborde le sujet des « minorités » présentes au Québec. Cette « majorité » exige de détenir le pouvoir de décision auquel les « minorités » doivent se plier. Elle prône parfois une assimilation qu’elle refuse, elle-même, de subir en tant que minorité. Il est vrai que la population québécoise francophone est statistiquement minoritaire en Amérique du Nord; mais à partir du moment où nous prenons conscience de nos valeurs distinctes et de notre culture, il est nécessaire de réfléchir aux moyens par lesquels nous allons contribuer à l’épanouissement global avec cette culture, à travers des échanges et des dialogues constructifs. Cependant, « notre » culture doit en être une qui ne craint pas de s’enrichir des différents éléments qui composent la collectivité
HIÉRARCHISATION DES DROITS
C’est à partir de ce principe de respect de la diversité intérieure à la société, qu’on doit réfléchir à la question de la hiérarchisation des droits que certains prônent. L’histoire a connu un lot de crimes contre l’humanité et de catastrophes humaines qui ont conduit à élaborer la Charte universelle des droits de l’Homme, par laquelle les droits individuels se retrouvaient désormais protégés. Les états démocratiques se sont également munis de chartes des droits de la personne, inspirée de la première. Nous sommes présentement devant une situation où plusieurs citoyens questionnent la pertinence de la liberté religieuse et la place qu’elle occupe dans la Charte québécoise des droits et libertés. Il est important de rappeler que le discours populaire est plutôt hostile envers certaines religions en particulier, l’islam, la religion sikh et dans certains cas, le judaïsme orthodoxe. Cependant, comme il en a été fait mention ci-dessus, la liberté de conscience et de religion est reconnue, non seulement par la Charte québécoise, mais également par les chartes tant universelle que canadienne. Elle implique la liberté de croire et de manifester sa conscience ou sa religion dans le privé comme dans le public; ceci garantit alors une égalité entre tous les individus appartenant à la même société. Par ailleurs, dans chaque état démocratique, existent des lois civiles et criminelles dont le but est, entre autres, de protéger les individus de toute agression morale ou physique. Il est alors évident qu’aucune pratique religieuse ou culturelle destinée à nuire expressément à autrui ne peut être tolérée. En terme d’hiérarchisation, le droit à la vie est un des droits les plus fondamentaux, et plus particulièrement, le droit à la vie en toute dignité sans atteinte à son honneur ni à sa réputation.
Ceci dit, lorsque le concept de hiérarchisation des droits et libertés est abordé lors du présent débat, c’est souvent pour opposer la liberté religieuse à l’égalité des genres. À ce propos, nous avons déjà exposé notre point de vue sur le problème relié aux perceptions populaires quant à la question du foulard qui, selon plusieurs, est un symbole d’inégalité entre les hommes et les femmes.
QUELLE LAÏCITÉ POUR LE QUÉBEC?
La liberté de conscience et de religion est garantie même par la laïcité; celle-ci étant avant tout la neutralité de l’État par rapport aux affaires religieuses, la séparation du pouvoir politique du cadre religieux et la non-ingérence des institutions religieuses dans les décisions étatiques. Un État ne peut donc privilégier aucune religion ou croyance par rapport à une autre. Cependant, il faut éviter de tomber dans le piège du « laïcisme » ou de la laïcité radicale, qui sous couvert de neutralité, voudrait abolir toute expression religieuse de l’espace public. Plusieurs problèmes se posent avec ce courant radical.
Premièrement, empêcher tout signe religieux de l’espace public, au niveau des individus, implique une vision très ethnocentrique de la religion. À partir de ce principe, on privilégie toutes les religions ou les croyances dont la pratique n’implique aucune visibilité extérieure. De cette manière, on discrimine alors à l’égard de toutes les autres religions dont l’une ou l’autre des pratiques nécessite une forme de manifestation extérieure, pour une raison quelconque.
Deuxièmement, il y a une différence à noter entre le concept de l’État et celui de la société; le premier étant composé d’institutions et la seconde, d’individus. La laïcité peut être appliquée au niveau des institutions, donc de l’État, mais ne peut être imposée au niveau individuel, donc de la société; ceci irait à l’encontre de la démocratie et des droits individuels, tel que discuté auparavant. Bien que ce soit des individus qui travaillent au sein des institutions étatiques, on ne peut présumer qu’un individu agira ou décidera nécessairement selon son appartenance religieuse, si celle-ci est visible. Ceci reviendrait à associer toute la dimension de la foi à l’image de la personne et prétendre que ceux n’ayant pas d’expression extérieure de leur foi sont par définition moralement neutres. Interdire les « signes » religieux dans les institutions publiques refléterait une certaine attitude égocentrique et individualiste : « parce que je veux croire que tu es comme moi, je préfère effacer ta différence pour continuer à penser que tu es à mon image. » De plus, en réclamant que la religion devrait se limiter à la sphère privée, la liberté religieuse perd tout son sens. La liberté religieuse serait-elle la liberté de pratiquer à sa guise dans sa propre demeure? A-t-on besoin d’appeler cela une liberté? Accepterons-nous une liberté d’expression qui ne serait pratiquée qu’au sein de nos foyers? Où se situerait alors la dimension de liberté? Aussi, il n’est pas toujours évident de définir ce qu’est l’espace privé et l’espace public.
On peut bien considérer que chaque individu possède un certain espace privé au sein même de la sphère publique; c’est ce qu’on peut appeler communément « sa bulle ».
LA RELIGION AU-DELÀ DES PRATIQUES CULTUELLES
Par ailleurs, il faut reconnaître que la religion n’est pas uniquement une série de pratiques cultuelles; elle compte également un ensemble de valeurs et de pratiques éthiques qui permettent à chacune et chacun d’atteindre un équilibre et une paix intérieure et vivre en harmonie avec autrui et avec la nature. L’islam, par exemple, est d’abord une foi, une spiritualité et une éthique de vie. Quand dans le privé, notre foi nous enseigne le pardon et la générosité, c’est pour pouvoir l’appliquer dans la sphère publique. Quand dans le privé, notre spiritualité nous apprend à équilibrer entre les besoins de notre corps et ceux de notre âme, à travers la prière par exemple, c’est pour pouvoir l’intégrer à notre mode de vie. Au-delà de ces valeurs, les pratiques cultuelles en islam ont toutes une dimension verticale et une autre horizontale. La première implique la relation de l’être avec son Créateur afin de retrouver cette paix et quiétude intérieure. La seconde implique la relation de l’individu avec sa société pour réussir un vivre ensemble harmonieux.
L’INTÉGRATION DE L’AUTRE
Depuis le début du phénomène des AR, il est souvent fait mention des immigrants pour désigner l’Autre par excellence, le symbole premier de la source des bouleversements que vit la société québécoise actuellement. Le discours tenu sur le besoin des immigrants de s’adapter aux mœurs québécoises et l’insolence que ceux-ci manifesteraient à vouloir que la société d’accueil s’accommode de leurs différences, nous amène à nous demander : quand un individu cesse-t-il d’être immigrant et devient un citoyen à part entière? Il est important, selon nous, de se poser cette question car elle est au coeur même du débat qui sévit actuellement, à savoir, à qui appartient l’identité québécoise et qui a le droit de participer à sa définition? Ce privilège est-il uniquement réservé aux personnes qui nous ressemblent, à celles qui pensent et agissent comme nous et qui partagent entièrement notre vision du monde? Y aurait-il uniquement une ou deux façons acceptables d’être Québécois? C’est l’impression que donne les propos tenus lors du débat actuel, et il nous apparaît, que de parler d’intégration dans de telles conditions est quelque peu malhonnête. Nous employons le terme malhonnête car bien que le document de consultation de la Commission affirme que le Québec a privilégié le modèle de l’interculturalisme depuis les dernières décennies, le message véhiculé de plus en plus aux citoyens issus de l’immigration est davantage un appel à leur assimilation par laquelle ils accèderont à leur pleine reconnaissance par la société.
La question du foulard est un bon exemple car il nous serait difficile de trouver, à l’heure actuelle, des membres de la société à qui l’on demande plus de justifier leurs choix de vie que les citoyennes musulmanes qui choisissent de porter le foulard. Nous n’allons certainement pas tenter dans ce document d’élaborer une justification pour ou contre le port du foulard islamique car le but n’est nullement de convaincre qu’il s’agit là d’une « bonne » pratique. Nous voulons simplement soulever l’attitude du deux poids deux mesures qui existe face à la question de l’intégration. En d’autres termes, bien qu’il existe de nombreux exemples de comportements ou d’habits dans notre société qui pourraient être perçues comme des manifestations possibles d’une soumission quelconque (qu’elle soit à la mode, à l’hypersexualisation ou reliées à d’autres croyances, par exemple), rarement sommes-nous, comme avec le foulard, portés à remettre en question la validité, voire le mérite, de la citoyenneté de la personne. Une forme d’habillement nous est-elle plus acceptable qu’une autre simplement parce qu’elle nous est familière?
L’INTÉGRATION, UNE EXCLUSIVITÉ DE L’ÉTRANGER?
Le concept d’intégration mérite une réflexion approfondie. Nous parlons souvent d’intégration en évoquant des immigrants ou des citoyens perçus comme tel. Cependant, il serait intéressant d’étudier davantage nos critères à partir desquels on qualifie une intégration comme étant réussie. Premièrement, ce phénomène ne devrait aucunement être abordé en relation à l’immigration ou aux « minorités ethniques » dans la société. Le concept d’intégration devrait davantage être associé à la participation à un projet social commun, au souci que chaque citoyen a par rapport à l’avancement de sa société et sa réussite tant sur le plan politique, économique, que culturel ou social. À l’ère de l’individualisme que connaissent nos sociétés occidentales, pouvons-nous réellement affirmer que tous les citoyens québécois sont pleinement intégrés? Une intégration ne devrait-elle pas refléter une réelle participation à la société au-delà des intérêts individuels de tout un chacun?
Si l’intégration reste une réalité qui s’impose tant que le Canada continue d’accueillir des immigrants, il n’en est en revanche plus question lorsque la deuxième et la troisième générations de musulmans et de musulmanes ainsi que des centaines de convertis se réclament encore de l’islam et tiennent à leur identité religieuse comme une des composantes de leur identité de fait multiple. Y aurait-il un monde après l’intégration? Si ce vocable ne convient plus pour les musulmans nés au Québec, il n’est pas moins impropre pour tous ceux qui ont compris que la citoyenneté véritable tient dans l’engagement actif en faveur du développement social et du progrès des mentalités vers un vivre ensemble débarrassé des suspicions et des appréhensions entretenues. La « participation » – en tant qu’individus musulmans – pour le bien du plus grand nombre, que ce soit à travers le politique, le social, l’économique ou le culturel; telle est l’exigence citoyenne qu’il faut désormais défendre pour sortir des ornières de l’aliénation forcée où le discours dominant semble la confiner. L’étranger ne serait pas seulement celui qui vient d’ailleurs, mais également celui qu’on ne connaît pas ou qu’on ne veut pas connaître, même si on le côtoie depuis des années… (Basalamah, Salah. Pour un « nous » concitoyen. Février 2007).
OBSTACLES À L’INTÉGRATION
Parmi les facteurs qui freinent l’intégration des nouveaux arrivants ou des citoyens de diverses origines à la société québécoise, il y a l’accès à l’emploi. Le taux de chômage chez les citoyens de foi musulmane âgés entre 25 et 44 ans atteint 25%, comparativement à 8% dans le reste de la population; et ce malgré un taux de diplômation universitaire de 37%. Ce problème constitue donc un obstacle majeur, puisque l’emploi offre, outre l’augmentation du pouvoir économique de l’individu et de sa famille, l’opportunité de socialiser avec des citoyens de diverses origines dans les milieux de travail, d’apprendre davantage sur les normes sociales et le mode de vie local et d’échanger afin de démystifier certaines idées préconçues de part et d’autre.
Par ailleurs, la connaissance de la langue nationale, à savoir le français au Québec, est sans doute le véhicule principal qui permet à un individu d’exister de façon citoyenne dans l’espace public. À ce titre, les citoyens québécois de foi musulmane, originaires majoritairement du Maghreb, éprouvent moins de difficulté que d’autres; mais tout n’est pas complètement acquis. Une minorité issue principalement d’autres catégories d’immigration (regroupement familiale, par exemple) pourrait en effet démontrer un certain désintérêt ou même des difficultés à l’apprentissage du français. Des efforts doivent alors être fournis et soutenus par les membres des différentes communautés ethniques afin de vanter les mérites de la connaissance de la langue locale et d’encourager son apprentissage par les membres de leur famille.
LA DIVERSITÉ À LA QUÉBÉCOISE
S’il est vrai que la société québécoise se réclame de la diversité en son sein, il n’est pas aussi clair si elle le fait jusqu’à vouloir en être transformée. Voilà où réside la véritable épine, car il n’est pas réaliste de penser que la société d’accueil, en l’occurrence la société québécoise, puisse rester la même tout en accueillant en son sein des gens de cultures et de moeurs différentes. L’adaptation ne peut être que réciproque si nous voulons une cohésion sociale qui soit authentique et durable.
Cette adaptation commence avec l’acceptation par les uns et les autres (peu importe leur appartenance ethnique ou leur confession) de dépasser leurs propres repères et d’aller à la rencontre sincère de l’Autre afin d’arriver à identifier les compatibilités et les différences et s’en enrichir. Ce processus ne peut commencer à son tour que si nous acceptons le principe que la culture de la société est un phénomène en constante mutation, qui peut et doit changer afin d’évoluer et que ce changement ne signifie pas l’abandon de ce qui nous définit, mais plutôt l’élargissement de cette définition.
QUEL NOUS POUR L’AVENIR DU QUÉBEC?
Si l’on souhaite vraiment se rapprocher, mieux se comprendre et s’accorder sur les conditions de ce vivre ensemble que toutes les parties appellent de leurs voeux, il est nécessaire que l’on prenne conscience, de part et d’autre, que le seul espace de convergence possible demeure celui de la concitoyenneté. Autrement dit, la conscience véritable que le « nous particulariste » que l’on ne cesse d’entendre de tous bords n’est en réalité qu’un seul, un « nous commun », large et inclusif de tous les Québécois et Québécoises quelles que soient leurs appartenances religieuses ou non. L’éthique
concitoyenne est en effet celle qui nous permet à chacun de dépasser nos ghettos intellectuels respectifs, de trouver l’expression d’un universel commun et d’oeuvrer aujourd’hui pour le Québec de nos enfants. (Basalamah, Salah)
CONCLUSION
Dans une société plurielle comme la nôtre, les avantages résultant des accommodements raisonnables, sont innombrables; pour n’en citer que quelques uns : un meilleur vivre ensemble, une plus grande harmonie sociale, une intégration plus aisée, le respect des droits humains et le bien-être de tous. Selon une approche morale se référant au déontologisme, le bien-être de la majorité pourrait être sauvegardé en accommodant certains, à qui une règle de droit nuirait en raison de leur différence. Cette théorie morale a comme avantages le souci du respect d’autrui, de sa dignité et son autonomie peu importe les conséquences. Cette théorie aide à ouvrir des espaces de dialogue et de débats où tous les acteurs, égaux devant la loi, ont droit au respect de leur dignité et de leur raison. Les acteurs en cause devront de part et d’autre respecter la liberté de chacun et s’entendre sur les limites de ce qui est acceptable d’un côté comme de l’autre.
RECOMMANDATIONS
1. Le gouvernement doit investir massivement et de manière continue dans la médiatisation de la richesse de la diversité culturelle et de l’apport des immigrants au Québec.
2. Le gouvernement doit encourager et appuyer de manière plus significative des initiatives qui font la promotion d’un meilleur vivre ensemble et une meilleure connaissance mutuelle entre les citoyens.
3. Le gouvernement doit s’assurer de supprimer les barrières à l’emploi des nouveaux arrivants ou des citoyens d’origines diverses, de reconnaître leur formation et expérience et s’assurer de leur permettre l’accès à l’emploi au cours d’un délai raisonnable.
4. Le gouvernement doit investir davantage dans les programmes communautaires qui visent à faciliter l’intégration des nouveaux arrivants à la société d’accueil et ce, à travers des initiatives tels que les services de francisation ou de jumelage entre citoyens, par exemple.
5. La fonction publique québécoise doit appliquer sa propre loi de l’équité en matière d’emploi et refléter en son sein, la diversité de la population.
6. À court et à moyen termes, le gouvernement doit sanctionner plus sévèrement les entreprises qui n’appliquent pas la loi sur l’équité en matière d’emploi. En parallèle et dans une vision à long terme, il doit investir dans le travail d’éducation populaire et de sensibilisation tant sur la connaissance non stéréotypée et non réductrice des diverses cultures et religions qui peuplent le Québec, que sur ce qui fonde le système démocratique québécois et canadien.
7. La commission doit encourager l’ensemble des citoyens à sortir de la frilosité du 11 septembre et des multiples « solitudes », pour d’une part, écouter pour comprendre, et d’autre part, expliquer pour se faire comprendre dans un rapport d’égal à égal et dans un effort sincère d’ouverture vers l’Autre, du particulier vers l’universel.
8. Les différentes instances et associations des différentes communautés ethniques et religieuses du Québec doivent encourager les initiatives de participation citoyenne dans la construction d’une société meilleure, à même leur perspective spirituelle, qui promeut la justice sociale, l’égalité de tous les êtres humains, la dignité, la solidarité, la liberté, et ce pour tous les citoyens.
9. Nous devons dénoncer l’arrogance intellectuelle d’un certain féminisme républicain ethnocentrique qui infantilise et assujettit les femmes de confession musulmane et interprète pour elles le sens qu’elles donnent à leur vêtement, à leur rapport à leur corps et à leur rapport à leur spiritualité.
10. Nous devons préserver les accommodements raisonnables et la CDLPQ; ces acquis sont les garants d’une cohésion sociale et une égalité entre tous les citoyens, peu importe l’origine ethnique, le sexe, la religion, les croyances, l’orientation sexuelle, dans une société plurielle comme le Québec.
11. Nous devons continuer à construire une laïcité respectant la neutralité de l’État face aux différentes religions qui composent le tissu social québécois. Aussi, nous ne pouvons adhérer à l’idée que l’espace public puisse devenir l’exclusivité des restrictions de tendances laïcistes. Celui-ci étant aujourd’hui l’espace que les individus fréquentent la grande majorité de leur temps, il ne peut devenir de ce fait un espace où les consciences se censurent au gré des caprices des uns et des autres; il doit être un espace où se rencontrent et interagissent les différentes composantes de la société en toute convivialité.
12. Nous devons revoir les codes de déontologie journalistique et donner le moyen au citoyen de sanctionner et corriger les dérapages médiatiques et ce, à travers une instance impartiale, indépendante, crédible, efficace et objective et dans laquelle on retrouverait aussi des chercheurs universitaires (anthropologie, sociologie, médias, politique, etc.).
13. Nous devons encourager le recrutement des québécois de toutes origines par les divers médias pour ainsi augmenter leur participation sur les écrans de télévision, les salles de nouvelles et de rédaction.
14. Nous devons impliquer les citoyens québécois de toutes origines dans les débats médiatisés à propos des questions autres que celles reliées spécifiquement à leur appartenance ethnique ou religieuse.
15. Nous devons revoir la fonction des ombudsmans puisque celle-ci est souvent utilisée par les groupes médiatiques pour dorer leur image publique et renforcer artificiellement leur crédibilité.
16. Nous devons renforcer le droit et la liberté du citoyen à avoir accès à une information de qualité car l’Observatoire international des médias considère que la liberté absolue des médias, réclamée par les patrons des grands groupes de communication mondiaux, ne saurait s’exercer aux dépens de la liberté de tous les citoyens.