Loi irlandaise anti-blasphème: des athées ont mis le gouvernement au défi de les poursuivre
Par ROBERT MACKEY
Le New York Times, le 4 janvier 2010
Traduction: Point de Bascule
Vendredi dernier, quelque 30 minutes après l’entrée en vigueur en Irlande, d’une nouvelle loi faisant du blasphème un crime passible d’une amende de 35 mille dollars, des athées irlandais ont mis le gouvernement au défi de les poursuivre en publiant 25 déclarations blasphématoires sur un site Web irlandais (cliquez [ici])
Comme l’a expliqué le journal The Lede en juillet dernier, lorsque la loi a été signée par la présidente de l’Irlande, Mary McAleese, la police n’avait, avant l’adoption de cette loi, aucun moyen légal de poursuivre les blasphémateurs même si la Constitution irlandaise considère le blasphème comme un acte criminel.
Selon le Code criminel irlandais mis à jour, le blasphémateur, passible d’une amende, est celui qui «publie ou profère des propos grossiers ou insultants envers n’importe quelle religion: des propos susceptibles de provoquer la colère d’un nombre important de croyants de cette religion, et…..qui a l’intention, par la publication ou l’expression de tels propos de provoquer ce genre d’indignation.»
Sur le site Web mentionné plus haut, Michael Nugent, écrivain et cofondateur de Athées irlandais, affirme que son groupe a tout essayé pour violer la nouvelle loi parce qu’il l’a juge «idiote et dangereuse».
Monsieur Nugent soutient que: «La nouvelle loi est idiote parce que des lois religieuses médiévales n’ont pas leur place dans une république laïque moderne dont les lois doivent viser à protéger les citoyens et non pas les idées. Et elle est dangereuse parce qu’elle incite les croyants à réagir avec indignation à la moindre critique et qu’en outre des États islamiques, guidés par Pakistan veulent faire valoir le précédent de loi irlandaise pour inciter l’ONU à adopter une loi semblable.»
Comme la loi irlandaise stipule que le blasphémateur doit avoir l’intention de provoquer l’indignation, on peut douter que l’initiative de Athées irlandais tombe sous le coup de la loi. En effet, les 25 déclarations publiées sur le site Web sont plutôt inoffensives (Jésus ou Mark Twain) et donc peu susceptibles d’inciter des croyants à protester dans les rues de Dublin.
Ce qui fait paraître l’initiative de Athées irlandais plutôt gentille, c’est que le jour même où les déclarations ont paru sur le Web, un musulman a tenté de tuer le caricaturiste danois qui a offensé des millions de musulmans avec un dessin montrant le prophète Mahomet avec une bombe dans son turban. On peut penser ce que l’on veut du journal danois Jyllands-Posten qui a fait paraître intentionnellement douze caricatures se moquant des musulmans et de leurs croyances. Ce qui est certain, c’est que le journal a montré comment causer le genre d’indignation défini par la loi irlandaise.
Si le groupe Athées irlandais avait vraiment voulu violer la nouvelle loi irlandaise, il aurait suffi de re-publier les caricatures comme l’a fait le blogueur Andrew Sullivan la semaine dernière en réaction à la tentative d’assassinat du caricaturiste danois. Certains observateurs irlandais, constatant que les dignitaires chrétiens n’ont exercé aucune pression pour faire interdire le blasphème, ont laissé entendre que le gouvernement a voulu dissuader les éditeurs d’imiter le quotidien danois. David Quinn, ex-rédacteur d’un journal catholique en Irlande a fait observer que la nouvelle loi irlandaise a été adoptée non pas pour apaiser la majorité chrétienne, mais «parce que Dublin craint que n’éclate une controverse semblable à celle du Danemark – que certains journaux soient tentés de publier quelque chose qui provoque l’indignation de musulmans – et que cela ait des conséquences sur les relations commerciales entre l’Irlande et le monde musulman.»
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