http://www.tvanouvelles.ca/2011/09/27/mahmoud-el-tomi-bientot-libre / Archive.Today
MISE À JOUR AJOUTÉE LE 1ER DÉCEMBRE 2016
Le lendemain de la publication de notre article, La Presse a publié les extraits d’un témoignage d’une des filles de Mahmoud El Tomi qu’il a tenté d’assassiner en 1996. Elle avait neuf ans à l’époque. Nora (nom fictif) s’est présentée devant la Commission des libérations conditionnelles pour s’opposer à la remise en liberté de son père. Elle a présenté ses meurtres et la tentative de meurtre dont elle a elle-même été victime comme des ‘crimes d’honneur’.
Daniel Renaud (La Presse – 1 décembre 2016) : Libération conditionnelle refusée: «Un crime d’honneur», selon sa fille / WebArchive – Archive.Today
Vingt ans après avoir été laissée pour morte par son père, à force d’entendre ce dernier témoigner devant les commissaires aux libérations conditionnelles, Nora (prénom fictif) est convaincue que son père, Mahmoud El-Tomi, a commis un crime d’honneur en tuant sa mère et trois de ses sœurs et en [la] blessant […], le soir du 20 janvier 1996 à Longueuil.
[Interview de Nora El Tomi :] «Plus je vieillis, plus j’entends parler de crimes d’honneur. Je considère que c’est un crime d’honneur, ce que mon père a fait. Il ne le dit pas dans ces mots-là, mais il se pose en victime et il dit que ma mère lui a souvent manqué de respect. Pour moi, c’est cela, un crime d’honneur.»«Les gens qui veulent faire ça devront comprendre qu’ici au Canada, ce n’est pas pardonnable et qu’ils vont subir les conséquences de leur geste.»
«Mon père a eu cinq filles et aucun garçon. C’était très insultant pour lui. Mes deux grandes soeurs s’arrangeaient, étaient belles et commençaient à fréquenter des garçons. Et ça l’a toujours dérangé. Je me souviens de ça».
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Les médias rapportent que la Commission des libérations conditionnelles vient de rejeter la demande de Mahmoud El Tomi d’être remis en liberté sous condition. C’est au moins sa troisième tentative en cinq ans.
La Presse / Archive.Today (28 novembre 2016) : Le 20 janvier 1996, l’homme, qui a aujourd’hui 72 ans, a tué sa femme Aïda, 47 ans, et trois de ses filles – Houidad, 14 ans, Hend, 6 ans, et Leila, 2 ans – à coups de couteau et de marteau à Longueuil. Une autre de ses filles, Nora (nom fictif), âgée de 9 ans, a été grièvement blessée à la tête mais a miraculeusement survécu. Elle est restée trois mois dans le coma, a été hospitalisée durant 10 mois et a conservé une légère paralysie comme séquelle de l’attaque. Quant à l’aînée de ses filles, âgée de 18 ans, elle avait échappé au carnage car elle n’était pas à la maison au moment du drame.
[…] Après avoir tué sa conjointe, le père de famille s’était rendu dans sa résidence pour s’en prendre à ses enfants. […] Il a été reconnu coupable de quatre meurtres et de deux tentatives de meurtre et a été condamné à la prison à perpétuité.
Le mari musulman avait été avocat en Égypte avant d’immigrer au Canada avec son épouse Aïda (une catholique originaire du Liban) quinze ans avant le quadruple meurtre. Leurs cinq filles étaient musulmanes.
Dans les jours qui suivirent la boucherie, les journaux avaient évoqué le contrôle incessant du père sur sa famille. Des amies de l’épouse avaient rapporté aux médias que le groupe islamique soufi Bourhani (tariqa El Borhaniya) fréquenté par le père à Montréal l’incitait à exercer un contrôle strict sur sa famille. Selon une femme (identifiée par La Presse) qui avait fréquenté ce groupe soufi jusqu’au mois précédant les meurtres, «le groupe […] s’ingérait dans la vie privée de ses membres [et] préconisait notamment […] la soumission de la femme à son mari».
L’ainée des enfants, qui avait 18 ans au moment de la tuerie en 1996 et qui a survécu, rapporta que c’est à l’âge de quatre ans que son père avait battu sa mère devant elle pour la première fois. Il la battait sans cesse. La propre enfance de l’ainée et celles de ses sœurs ont également été marquées par les coups du père. «Il nous interdisait tout, tout le temps, épiait nos conversations, nous suivait quand nous sortions voir nos amis. Il acceptait de plus en plus difficilement notre liberté et nous reprochait d’être trop près de maman.»
Éric Trottier (La Presse – 15 mars 1996) : Sabrin El Tomi : Dieu se chargera de mon père
À l’époque, une des amies d’Aïda El Tomi avait confié à La Presse que «Ce n’est pas la première fois que Mahmoud est violent. J’ai recueilli plusieurs fois Aïda quand il l’avait battue. Elle s’est même retrouvée à deux reprises dans une maison d’hébergement pour femmes violentées. Elle avait terriblement peur de lui.»
Le témoignage de Gloria Escobar, la meilleure amie d’Aïda El Tomi, à La Presse allait dans le même sens : «Il disait qu’en Égypte, c’est l’homme qui porte la culotte et qu’il a le droit de battre sa femme, s’il le désire. Son obsession était devenue telle qu’il se chicanait avec elle parce que le chèque d’aide sociale qu’ils recevaient était au nom d’Aïda. C’est un détail qu’il trouvait inacceptable.»
Éric Trottier (La Presse – 22 janvier 1996) : Mahmoud El-Tomi avait battu sa conjointe dans le passé. Il sera accusé de quadruple meurtre aujourd’hui.
Le leader du groupe soufi Bourhani de Montréal avait nié les témoignages recueillis par La Presse et avait même affirmé que le tueur ne fréquentait plus son centre depuis un an.
Marc Thibodeau (La Presse – 25 janvier 1996) : La confrérie Bourhani nie avoir influencé El Tomi / WebArchive («Le groupe Islamique nie même que le présumé tueur l’ait fréquenté depuis un an.»
Longtemps spécialisé dans les questions religieuses à La Presse, le journaliste François Berger avait donné la parole à des musulmans et des non-musulmans qui avaient présenté le courant soufi de l’islam comme un rempart contre la violence :
La Presse : Le geste meurtrier de El Tomi n’est pas lié au soufisme. […] L’appartenance de Mahmoud El Tomi à un groupe mystique islamique ne peut expliquer le geste meurtrier. […] [L]e soufisme [est] une forme mystique et ancienne de l’islam basée sur la méditation, la prière et les chants en groupe, ainsi que sur un enseignement spirituel se voulant pacifiste.
Pourtant, il existe de nombreux exemples de leaders soufis qui ne se sont pas limités à la méditation à laquelle la croyance populaire les associe et qui ont appuyé le jihad violent.
Depuis ses débuts, Point de Bascule est resté ouvert à l’idée que des courants de l’islam puissent être paisibles et n’aient pas d’ambition hégémonique sur leurs propres adhérents et sur les autres qui n’en font pas partie. En même temps, nous n’avons jamais été naïfs au point de ne pas prendre en considération les nombreux faits que l’actualité nous apporte. En mars 2016, Robert Spencer de JihadWatch a fourni plusieurs exemples de soufis qui ont appuyé le jihad violent dans un extrait d’article que nous traduisons :
Robert Spencer / JihadWatch : Contrairement à la croyance populaire, les soufis ne rejettent pas le jihad violent. Leur maître à penser Al-Ghazali [1058-1111] l’a enseignée. Les soufis ont été à l’avant-garde du jihad en Tchétchénie. Fortement influencé par le soufisme, Hassan Al-Banna a fondé les Frères Musulmans, qui, à leur tour, ont donné naissance au Hamas et à Al-Qaïda. [Le site Ikhwanweb des Frères Musulmans mentionne que, c’est dès l’âge de douze ans qu’Al-Banna s’est impliqué dans un ordre soufi. Il avait reçu son initiation complète formelle un an plus tard.] En 2009, des soufis d’Irak ont rencontré le leader du Hamas Khaled Meshal et se sont vantés du jihad qu’ils menaient en Irak.
Au Canada, le leader soufi Muhammad Tahir-ul-Qadri a été présenté comme une sommité qui sert de rempart contre le programme islamiste. Pourtant, en 2006, il n’a pas hésité à cautionner une offensive de relations publiques largement soutenue par l’infrastructure des Frères Musulmans en Europe. Tahir-ul-Qadri a également été impliqué dans la conception d’une loi anti-blasphème au Pakistan qui sert à persécuter les minorités religieuses et les agnostiques.
Tarek Fatah (Toronto Sun – 18 janvier 2013) : Tahir-ul-Qadri déclare une chose en anglais et une autre en ourdou / Archive.Today [Article en anglais]
Faits saillants entourant les meurtres d’Aïda El Tomi et de ses filles
20 JANVIER 1996 – Aïda El Tomi, 46 ans, a été retrouvée, sans vie et poignardée, dans la camionnette de son mari stationnée derrière le HLM qu’elle habitait avec lui et leurs filles à Longueuil. Après avoir tué son épouse, El Tomi était allé dans la maison pour asséner des dizaines de coups de couteau et de marteau à ses quatre filles.
André Cédilot (La Presse – 25 janvier 1996) : Où au juste Aïda El Tomi a-t-elle été assassinée ? / WebArchive
Caroline Touzin (La Presse+ – 21 décembre 2013) : Mahmoud El-Tomi reste derrière les barreaux (Passage sur le meurtre de ses filles)
21 JANVIER 1996
Éric Trottier (La Presse – 21 janvier 1996) : Une famille anéantie. Deux filles échappent au massacre
22 JANVIER 1996
Éric Trottier (La Presse – 22 janvier 1996) : Mahmoud El-Tomi avait battu sa conjointe dans le passé. Il sera accusé de quadruple meurtre aujourd’hui.
23 JANVIER 1996
Martha Gagnon (La Presse – 23 janvier 1996) : El-Tomi appartenait à un groupe mystique islamique («Le soufisme prône, entre autres, la soumission totale de la femme au mari»)
24 JANVIER 1996
François Berger (La Presse – 24 janvier 1996) : Le geste meurtrier de El Tomi n’est pas lié au soufisme («Certains groupes soufis peuvent cependant dégénérer en sectes, admet un leader spirituel»)
25 JANVIER 1996
André Cédilot (La Presse – 25 janvier 1996) : Où au juste Aïda El Tomi a-t-elle été assassinée ? / WebArchive
Marc Thibodeau (La Presse – 25 janvier 1996) : La confrérie Bourhani nie avoir influencé El Tomi / WebArchive («Le groupe Islamique nie même que le présumé tueur l’ait fréquenté depuis un an.»
27 JANVIER 1996
Éric Clément (La Presse – 27 janvier 1996) : La communauté soufie reste bouleversée par le drame de Longueuil
28 JANVIER 1996 – Funérailles d’Aïda El Tomi et de ses filles
Éric Trottier (La Presse – 28 janvier 1996) : De jeunes voyous sèment la pagaille aux funérailles de la famille El Tomi
Armand Trottier (La Presse – 28 janvier 1996) : Catholiques et musulmans réunis
Canadian Press / The Daily News [Halifax] (28 janvier 1996) : Slain Quebec family buried
5 DÉCEMBRE 1996 – Le Conseil de presse du Québec a rejeté la portion de la plainte du Bureau de Consultation Jeunesse Longueuil, représenté par M. Alerte Avril, selon laquelle le journaliste Éric Trottier de La Presse avait publié des informations erronées dans sa couverture des funérailles d’Aïda El Tomi et de ses filles. Par contre, le Conseil de presse a considéré qu’Éric Trottier avait fait montre de sensationnalisme en comparant les jeunes agressifs qui refusaient de se faire photographier lors des funérailles «à des voyous et à des motards».
Conseil de presse (5 décembre 1996) : DÉCISION Alerte Avril (Bureau de Consultation Jeunesse Longueuil) c. Eric Trottier et La Presse / WebArchive – Archive.Today
La Presse (20 décembre 1996) : Plainte contre La Presse
20 OCTOBRE 2011 – Une des filles El Tomi qui a survécu à la tentative d’assassinat par son père s’est opposée à sa libération conditionnelle
Michaël Nguyen (Journal de Montréal – 23 octobre 2011) : Une survivante brise le silence / Archive.Today
20 DÉCEMBRE 2013 – Dix-sept ans après avoir assassiné sa femme et trois de ses filles, Mahmoud El-Tomi, 69 ans, a échoué à recouvrer sa liberté.
Caroline Touzin (La Presse+ – 21 décembre 2013) : Mahmoud El-Tomi reste derrière les barreaux
29 NOVEMBRE 2016 – Libération conditionnelle refusée à Mahmoud El Tomi
Daniel Renaud (La Presse – 29 novembre 2016) : Libération refusée pour un homme qui a massacré sa famille il y a 20 ans / WebArchive – Archive.Today
Lectures complémentaires
Point de Bascule : FICHE Crimes d’honneur
Point de Bascule : FICHE Femmes
Point de Bascule (8 octobre 2012) : La Muslim Association of Calgary explique les conditions qui permettent aux musulmans de battre leurs épouses
Mohammad Fadel (Chicago Journal of International Law – Hiver 2007) : Battre son épouse est un exercice de ‘discipline légitime’ quand le mari est bien connu pour sa piété (Note de bas de page 26 : «[Traduction de Point de Bascule] Quand les époux sont en désaccord pour déterminer si le mari a exercé une discipline légitime ou commis un abus, on présume que l’épouse dit la vérité à moins que le mari soit bien connu pour sa piété.»
Point de Bascule (10 décembre 2014) : Hugo Dumas de La Presse : Après le visionnement du documentaire Dans l’ombre des Shafia, j’étais en beau fusil contre la DPJ et la police qui ont été incapables de protéger les enfants Shafia de leur père tyrannique