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Le compromis suisse
Auteur : Stéphan Dussault
Référence : Journal de Montréal, 22 octobre 2012, p.11
Titre original : Le compromis suisse
Quand l’abattage rituel est interdit, on s’adapte. C’est ce qu’ont fait les musulmans suisses
CLARENS, Suisse | L’abattage rituel est interdit en Suisse depuis plus de 100 ans. On considère pourtant halale de la viande qui serait jugée non halale au Québec, a pu observer le Journal lors de ses recherches en Europe. Petite histoire d’un compromis musulman.
Quand on lui parle de viande halale, Michel Gex esquisse un sourire en coin. Il est content de son coup. L’abattoir ultramoderne pour lequel il travaille, situé à Clarens, à quelques kilomètres de Lausanne, produit depuis deux ans de la viande halale, même si l’abattage rituel est interdit en Suisse depuis 1893.
Se remettre sur ses pattes
«Les musulmans suisses importaient beaucoup de viande de France. On voulait reprendre des parts de marché sans changer la loi, qui oblige à étourdir l’animal avant de l’égorger», explique le responsable de l’administration de l’abattoir.
Il y a deux ans, il a donc invité l’imam de la mosquée de Lausanne à visiter son abattoir.
«L’imam nous a dit: si l’agneau que vous venez d’étourdir avec une décharge électrique se remet sur ses pattes dans les minutes suivantes, je vais considérer que sa viande est halale.»
Étourdir sans tuer
Et l’agneau s’est remis sur ses pattes. Depuis, environ 100 agneaux par semaine sont certifiés halal à l’abattoir de Clarens. Avec 300 000 bouches musulmanes à nourrir en Suisse, ce n’est qu’un début.
Tout ce que demande l’imam suisse, c’est que l’animal soit tué dans les secondes suivant la décharge électrique et qu’il soit égorgé par une personne connue de la mosquée de Lausanne. Demandes qui conviennent parfaitement à Michel Gex, qui se moque un peu de qui tient le couteau tant que le travail est bien fait.
L’imam suisse qui a permis cette dérogation, c’est Mouwafac El Rifaï, que nous avons rencontré à la mosquée de Lausanne.
Musulmans divisés
«Le fait de l’étourdir par une décharge électrique est une souffrance supplémentaire, mais on fait avec, car l’animal était vivant lors de son égorgement. Nous ne considérons pas comme halal un animal étourdi à l’aide d’un pistolet à tige percutante justement parce que nous n’avons pas la certitude qu’il est vivant au moment de la saignée.»
Une heure plus tard, nous rencontrons un autre imam suisse, Mostafa Brahami. Il n’est pas d’accord avec l’interprétation de son confrère. Selon lui, toute forme d’étourdissement est douteuse. «Le problème n’est pas la méthode, c’est la certification. Qui va s’assurer que les choses sont bien faites? En Suisse, aucun organisme ne passe à l’abattoir.»
Ce jour-là, c’est le Journal qui pouvait certifier de l’authenticité du sacrificateur à l’abattoir de Clarens.
«Mais je vous reconnais! Je vous ai servi des côtelettes d’agneau hier dans mon restaurant halal de Lausanne, juste à côté de ma boucherie», lance le sacrificateur Abdellah Bousloh à l’auteur de ces lignes.
Oui, le monde est petit, même en Suisse.