Ismael Habib a comparu le 8 mars dernier au palais de justice de Gatineau, où la sécurité a été renforcée pour l’occasion. Photo Patrick Woodbury, archives Le Droit
Auteure : Gabrielle Duchaine (avec la collaboration de William Leclerc)
Référence : La Presse, 30 août 2016
Titre original : La mère d’un suspect québécois de terrorisme accusée d’entrave à la justice / WebArchive – Archive.Today
La mère d’un suspect québécois de terrorisme a été arrêtée et accusée la semaine dernière d’avoir tenté de convaincre un témoin clé de l’enquête sur son fils de changer sa version des faits.
Pauline Maltais est la mère d’Ismael Habib, Montréalais aux sympathies djihadistes accusé l’hiver dernier d’avoir tenté de quitter le Canada pour participer aux activités d’un groupe terroriste après avoir été dénoncé par sa conjointe.
L’homme de 28 ans a été arrêté en février à Gatineau, où il venait à peine d’emménager, et accusé de harcèlement criminel, de menaces de mort et d’emploi de documents contrefaits dans une affaire de violence conjugale. Sa présumée victime avait alors raconté aux policiers que Habib avait menacé de faire exploser sa voiture si elle le dénonçait. Selon la preuve présentée au palais de justice de Gatineau, comme l’a rapporté le journal Le Droit, elle avait aussi déclaré qu’il regardait des vidéos d’exécutions du groupe armé État islamique et qu’il était de plus en plus radical.
Quelques jours plus tard, Ismael Habib, fils d’un père réfugié afghan et d’une mère québécoise, faisait l’objet de nouvelles accusations, cette fois à Montréal, en lien avec des infractions terroristes. Les faits exacts qui lui sont reprochés dans ce dossier sont protégés par une ordonnance de non-publication. Habib est derrière les barreaux en attendant son procès.
Sa mère s’en mêle
C’est un mois après le dépôt des accusations de terrorisme que sa mère, une résidante de la Rive-Sud de Montréal âgée de 52 ans, aurait tenté de prendre les choses en main.
Selon des documents judiciaires obtenus par La Presse, Pauline Maltais a pris contact avec l’ex-conjointe de son fils en avril, soit quelques mois après son arrestation, et a enjoint à celle-ci de retirer sa plainte. Mme Maltais aurait fait appel à l’instinct maternel de la présumée victime de son fils pour la convaincre d’obtempérer. Elle aurait eu espoir de voir les accusations de terrorisme tomber en même temps que celles de violence conjugale.
La présumée victime a alerté les autorités, qui ont pris l’affaire très au sérieux. Pauline Maltais a été arrêtée en avril par la police de Gatineau, puis relâchée sous promesse de comparaître, ce qu’elle a fait la semaine dernière pour répondre à une accusation d’avoir volontairement tenté d’entraver, de détourner ou de contrecarrer le cours de la justice.
Il n’a pas été possible de joindre Mme Maltais ou son avocat, hier.
Autres pressions
Ce n’est pas la première fois que la présumée victime dans cette affaire fait l’objet de pressions. En mars, elle a reçu une photo montrant ce que les autorités croient être la mère des enfants de Habib, une Montréalaise qui serait actuellement en Syrie, le visage complètement voilé et tenant une arme, avec une petite fille au visage couvert sur ses genoux.
Lors de l’enquête sur remise en liberté de Habib à Gatineau, un enquêteur avait présenté la photo reçue par courriel par la conjointe et accompagnée du message suivant : « Tu penses que tu vas gagner contre ça ? »
Retour sur l’affaire Habib
Février 2016 : Ismael Habib est arrêté par la police de Gatineau dans une affaire de violence conjugale. Il est accusé de harcèlement criminel, de menaces de mort, d’emploi d’un document contrefait et de possession d’une pièce d’identité appartenant à un tiers. Sa présumée victime fait des déclarations inquiétantes sur les idées radicales de Habib.
8 mars : Habib comparaît au palais de justice de Gatineau, où la sécurité a été renforcée pour l’occasion.
10 mars : Habib fait l’objet d’une nouvelle accusation, cette fois à Montréal, soit d’avoir fait une déclaration fausse ou trompeuse en vue d’obtenir un passeport. La GRC souhaite aussi lui imposer des conditions pour le garder sous surveillance en vertu de l’article 810.011, parce qu’elle craint qu’il ne commette un acte terroriste. La Couronne fédérale s’oppose à sa remise en liberté.
11 mars : De retour devant un juge, Habib est accusé en vertu de l’article 83.181 du Code criminel du Canada d’avoir tenté de quitter le pays pour participer aux activités d’un groupe terroriste.
11 avril : Pauline Maltais, mère de Habib, prend contact avec sa présumée victime pour tenter de la convaincre de retirer sa plainte.
5 mai : Un juge décide de garder Habib derrière les barreaux jusqu’à son procès.
19 août : Pauline Maltais se présente devant un juge pour répondre à une accusation d’entrave à la justice.
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