Le 21 avril dernier, Mohammed El-Attar, un ressortissant canadien d’origine égyptienne, a été condamné par un tribunal égyptien à 15 ans de travaux forcés. Son crime : espionnage au compte d’Israël.
Le juge a souligné que l’accusé était un homosexuel converti au christianisme. Deux accusations qui en Égypte dépassent le simple quolibet moral.
En Égypte, l’homosexualité est taboue. Les homosexuels y sont sévèrement persécutés par la police, subissent la torture et sont emprisonnés pour « débauche habituelle » ou pour « comportement obscène »[a].
Selon la tradition islamique, un musulman ne peut quitter l’islam pour se convertir à une autre religion. Les pays qui imposent la charia vont jusqu’à punir ce crime par la peine de mort. La justice égyptienne invoque plutôt des lois contre le blasphème pour justifier la persécution des apostats. [b]
El-Attar a nié les deux allégations. Peut-on le blâmer? L’ostracisme social et la persécution n’auraient en rien aidé sa cause.
Mais ce n’est pas pour ses choix moraux qu’El-Attar a été condamné. Ce serait d’avoir espionné au profit d’Israël qui a causé sa perte. Israël est devenu le bouc émissaire favori des régimes dictatoriaux du Moyen-Orient. Même s’il y a un traité de paix entre Israël et l’Égypte depuis 1979, l’Égypte persiste à soupçonner Israël d’hostilité à son égard. Ces cas d’espionnage réels ou fictifs excitent la paranoïa collective et sont exploités pour détourner l’attention du peuple de l’inefficacité de la dictature en place. El-Attar a toujours nié ces allégations d’espionnage. On l’accusait d’espionner au Canada des ressortissants arabes. Les médias ne font cas d’aucun Canadien qui aurait témoigné contre El-Attar à ce procès. Israël affirme pour sa part avoir appris l’existence de ce « réseau » d’espionnage comme tout le monde, par les médias.
L’accusation indique qu’El-Attar a confessé son crime. El-Attar rétorque avoir confessé son « crime » sous la torture. Nous sommes tentés de le croire vu les circonstances entourant le procès. Les organismes de défense des droits humains condamnent régulièrement l’Égypte de pratiquer la torture (voir Amnistie Internationale.
Pourquoi El-Attar est-il en prison aujourd’hui?
Le cas de Maher Arar a soulevé l’indignation des mouvements des droits de la personne, des partis politiques de gauche et des représentants de la communauté musulmane canadienne. Le cas El-Attar n’a laissé qu’un léger sillage au travers des gros titres médiatiques. Bien sûr, ici ce n’est pas le gouvernement canadien qui a erré, mais qu’importe : un citoyen canadien, un réfugié que nous avons accueilli pour le protéger de la persécution, est maintenant emprisonné, pire, soumis à des travaux forcés, sans avoir eu droit à un procès juste et équitable. Peut-être y a-t-il des citoyens canadiens musulmans qui sont plus égaux que d’autres, pour reprendre la célèbre expression d’Orwell.
Tarek Fatah a dénoncé le laxisme de ces soi-disant groupes de défense des droits des musulmans. En particulier, il montre du doigt le couple Arar « Le plus triste dans cette affaire est le fait qu’Arar et sa femme ont tous deux échoué le premier test de leur auto proclamation d’activistes des droits de humains. » [[ Just like Maher Arar. Except ?
, National Post, 28 février, 2007]] Fatah affirme aussi avoir écrit au Canadian Council on American-Islamic Relations (CAIR-CAN) pour demander pourquoi ce groupe très actif au sein de la communauté musulmane n’avait pas dénoncé le cas El-Attar? CAIR-CAN a soutenu n’avoir jamais reçu la missive de Tarek Fatah et avoir toujours dénoncé la torture. Jamais dans ce bref communiqué, le porte-parole de CAIR-CAN n’a mentionné le nom d’El-Attar et encore moins répondu à la question de Fatah à savoir pourquoi ils avaient gardé le silence sur ce cas. Cette non-réponse démontre clairement la position des militants de l’islam radical : seulement certaines causes méritent d’être défendues, celles qui discréditent l’Occident et renvoient aux musulmans une image de victime. À ce jour, le nom d’El-Attar ne figure toujours pas sur le site Internet de CAIR-CAN.
El-Attar va-t-il moisir en prison pendant 15 ans simplement parce qu’il n’était pas le Canadien musulman qu’il fallait pour nous faire sentir coupables, nous Occidentaux?
Cette histoire n’est pas sans rappeler le cas d’Azzam Azzam, cet Israélien druze accusé d’espionnage. Azzam Azzam passera huit ans derrière les barreaux avant que le gouvernement israélien parvienne à le faire libérer. [c] Espérons que notre gouvernement tirera El-Attar de la prison aussi rapidement qu’il l’a fait pour Maher Arar.
Visitez notre section Agir si vous voulez défendre Mohamed El-Attar.
Sources :
Radio-Canada,
BBC,
CBC,
National Post.
- [Egypt: Crackdown on Homosexual Conduct Exposes Torture Crisis->http://hrw.org/english/docs/2004/03/01/egypt7735.htm], Human Right News, 1er Mars 2004
- Marshall, Paul, “[Apostates from Islam: The Case of the Afghan Convert is Not Unique->http://www.freedomhouse.org/template.cfm?page=72&release=352]”, Weekly Standard, 2 avril 2006
- voir [wikipedia-> http://en.wikipedia.org/wiki/Azzam_Azzam]