«La liberté de conscience et la séparation des pouvoirs religieux et politiques seront au centre du dialogue islamo-chrétien à Rome cet automne. Nous devons développer une grammaire du dialogue avec l’islam. L’idéologie du djihad doit être combattue avec un ensemble de mesures, religieuses, intellectuelles, politiques, économiques, militaires. Sinon, cette idéologie avilissante pourrait emporter notre civilisation». – George Weigel
Nous avons déjà publié une entrevue avec le théologien américain George Weigel sur notre site. Lisez La foi, la raison, et le combat idéologique contre le djihad – George Weigel, théologien. Son message est d’une telle pertinence que nous vous présentons maintenant une entrevue qu’il a donnée sur EWTN Catholic News le 15 février 2008.

Weigel fait ressortir l’importance d’une grammaire commune pour le monde, sans laquelle aucun dialogue n’est possible. Le Pape suggère que la loi morale naturelle que chaque être humain rationnel peut connaître par l’exercice de son esprit – peu importe sa foi – pourrait être cette grammaire. Et cela sera au centre du dialogue entre le Saint-Siège et les dirigeants islamiques à l’avenir.
Si nous ne comprenons pas ces gens pour ce qu’ils disent, nous ne pourrons pas comprendre qu’il s’agit essentiellement d’un débat d’idées – des idées radicalement différentes sur la société humaine et sur l’avenir de l’homme – et nous ne serons pas en mesure de mener avec succès cette guerre idéologique. L’islam ne reconnaît pas le pluralisme au sens où nous l’entendons, qui est la pleine égalité civile des différents groupes religieux et entre les hommes et les femmes. Le Coran définit un modèle de société et de politique dans lequel les non musulmans doivent se soumettre à la victoire définitive de l’islam.
Pour la rédaction de Point de BASCULE, ce n’est pas tant le terrorisme qui inquiète que l’infiltration dans notre société de l’idéologie qui la fonde et qui véhicule une vision avilissante de l’humanité aux antipodes de la nôtre. Notre objectif est d’expliquer cette menace idéologique à nos lecteurs, et de leur donner des outils pour la contrer. Cette idéologie est une menace pour tous, croyants, athées ou agnostiques.
War against jihadism. EWTN Catholic News Clip on islam
Traduction française de l’entrevue accordée par George Weigel sur le canal EWTN Catholic News le 15 février 2008.
Geoge Weigel est l’auteur du livre récemment paru Faith, Reason and the War againt Jidhadism: A Call to Action, disponible sur amazon.ca (ici).
QUESTION: Cette semaine, les manchettes sont pleines d’histoires scandaleuses de crimes d’honneur et de zones en Europe où des chrétiens sont intimidés par leurs voisins musulmans. Il existe ici un dénominateur commun. Ces actions sont-elles le fruit de l’islam ou de croyances islamiques perverties?
L’islam est souvent abordé dans une perspective politique ou historique, mais rarement à partir d’un point de vue théologique. Ce soir, George Weigel, auteur du nouveau livre Faith, Reason and the War against Jihadism, examine l’islam sous l’angle religieux. Il se joint à nous depuis Washington DC.
QUESTION: N’avons-nous pas pendant trop longtemps ignoré la théologie chez nous, et regardé l’islam sous l’angle de la foi. Est-ce l’ingrédient manquant dans notre engagement avec l’islam?
WEIGEL: Tout à fait, il me semble. Il y a également cette bizarre réticence à parler des racines religieuses du djihadisme, et pourtant qu’est-ce que le djihadisme?
Le djihadisme est l’idéologie d’inspiration religieuse qui enseigne qu’il est du devoir moral de chaque musulman d’utiliser tous les moyens nécessaires pour obliger le monde à se soumettre à l’islam.
Il est certainement vrai que la majorité des musulmans dans le monde n’acceptent pas cette définition des exigences de leur foi. C’est vrai. Mais ce fait est dénué de pertinence.
C’est sans pertinence parce que les djihadistes, eux, acceptent cette exigence de leur foi

, et ils sont non seulement notre ennemi, mais aussi celui de leurs frères musulmans. (ndlr: caricature du français Stephen Bergol)
QUESTION: Parlons un instant de nos perspectives dans ce pays. La montée de Richard Dawkins et de Christopher Hitchens avec leur ferveur anti-Dieu a-t-elle contribué à marginaliser la voix des théologiens sur ces questions, et aussi l’apport d’un point de vue religieux sur des questions qui semblent être les questions centrales de notre époque?
WEIGEL: Il se pourrait bien que ce dernier sursaut d’athéisme militant ait rendu encore plus difficile pour la culture d’élite laïque en Amérique de confronter le fait que la conviction religieuse est une force majeure dans l’histoire du monde et dans la politique mondiale d’aujourd’hui. Cela semble impossible à de nombreuses personnes. Comment cela pourrait-il se passer en termes religieux? Et pourtant, si nous ne comprenons pas ces gens pour ce qu’ils disent, et qui ils disent qu’ils sont, nous ne pourrons pas comprendre qu’il s’agit essentiellement d’un débat d’idées – des idées radicalement différentes sur la société humaine et sur l’avenir de l’homme – et nous ne serons pas en mesure de mener avec succès cette guerre idéologique.
QUESTION: Parlons un instant de ce que croient les musulmans. Nombreux sont ceux en Occident qui ont cette notion – ils vous entendent dire les choses que vous dites, et ils ont lu des livres comme le vôtre – et ils disent: «Attendez une minute George Weigel. Les musulmans croient en un Dieu, ils honorent Marie, la mère de Jésus. Jésus est là dans le Coran. Qu’est-ce qu’ils manquent?»
WEIGEL: Pour commencer, Jésus et Marie dans le Coran ne sont pas des figures qui seraient reconnaissables pour les chrétiens. Le déroulement de l’histoire a été considérablement modifié dans le Coran.
Les causes réelles du problème actuel, cependant, remontent au fait que Mahomet était son propre Constantin (ndlr: empereur romain, monarque absolu de droit divin).
Dès le début, les autorités religieuses et politiques étaient étroitement soudées ensemble dans le monde islamique. Alors que l’Église chrétienne a eu environ trois siècles pour développer un sentiment d’elle-même, et au-delà, un sentiment d’elle-même contre l’autorité politique. Dès le début, l’autorité politique et l’autorité spirituelle opéraient ensemble dans une société islamique proprement construite.
Cela a créé d’énormes tensions dans le monde islamique qui tente de faire face à la modernité politique. En particulier, autour de deux idées:
1. La liberté religieuse, qui inclut le droit de changer de religion. C’est un droit humain fondamental qui peut être connu par la raison.
2. L’autorité religieuse et l’autorité politique doivent être séparées dans une société proprement gouvernée.
Ce sont les deux questions que le Pape Benoît XVI insiste comme devant être au centre du dialogue islamo-catholique à ce moment particulièrement mouvementé de l’histoire.

QUESTION: Parlons du Coran lui-même. Dans votre livre, vous décortiquez la façon dont les musulmans comprennent le Coran – il ne s’agit pas de supplanter Mahomet à la place de Jésus-Christ et d’assumer que c’est ainsi que les musulmans comprennent leur foi. Ce n’est pas vrai. Dites-nous comment le Coran est interprété et compris dans l’islam et pourquoi cela constitue une barrière à son évolution culturelle et politique.
WEIGEL: Pour les musulmans, le Coran est un texte dicté par dieu, mot pour mot et syllabe pour syllabe à Mahomet son dernier prophète. Un texte dicté laisse peu de place pour ce que nous pourrions appeler l’exégèse ou l’interprétation. Il y a place pour l’argumentation juridique – comment applique-t-on telle ou telle loi – mais pas pour le type de bras de fer avec le texte que nous connaissons dans le judaïsme et le christianisme. Dans la Bible hébraïque, Abraham négocie avec Dieu le sort de Sodome et Gomorrhe. David a une discussion avec Dieu quant à savoir s’il va construire un temple. Moïse ne cesse de discuter avec Dieu. Les prophètes discutent avec Dieu sur une base régulière. Jésus est en conflit avec les autorités religieuses de son temps.
Tout cela est rendu possible par le fait que le texte a été inspiré et non dicté. Il y a eu intervention humaine. Nous avons donc des approches très différentes à l’égard du texte sacré que nous considérons être le message de Dieu pour nos vies.
QUESTION: Le pluralisme est-il même possible, compte tenu de tout ce que vous dites sur le Coran et sur l’approche de Mahomet quant à la foi? Comme vous l’avez dit, il était Constantin. Il a soudé la religion avec l’État – c’est une seule et même chose. Le pluralisme est-il possible avec cette mentalité?
WEIGEL: Je crois qu’il y a des exemples dans le monde contemporain de sociétés islamiques qui tentent de trouver une façon de vivre le pluralisme avec succès. L’Indonésie – l’un des plus grands pays musulmans du monde – est un exemple intéressant. La pauvre Bosnie, si souvent un poste de pilotage de conflits dans les années 1990, est un autre exemple. Pourtant, la tendance a été historiquement que les sociétés islamiques ont des difficultés à vivre ce que nous comprenons comme le pluralisme, qui est la pleine égalité civile des différents groupes religieux, et certainement la pleine égalité civile entre les hommes et les femmes.
Dans l’Espagne médiévale, il y a eu une riche culture tripartite composée de musulmans, chrétiens et juifs. On nous présente souvent cette période comme un exemple de pluralisme. Mais ce n’est pas le pluralisme comme nous l’entendons. Parce que c’était une situation dans laquelle la culture dominante – la culture islamique – gardait les chrétiens et les juifs dans une position de subordination tout en leur permettant une certaine liberté d’expression.
Donc l’idée de l’égalité civile entre groupes religieux, l’idée de l’égalité civile entre les hommes et les femmes, est venue difficilement à l’islam et fait partie de ce problème primordial de la difficile rencontre de l’islam avec la modernité.
QUESTION: Je veux partager un extrait du livre du Pape Jean-Paul II que vous citez dans votre livre. Cette citation à propos de l’islam est souvent vue comme douce:
«Quiconque lit le Coran, en connaissant déjà bien l’Ancien et le Nouveau Testament, percevra clairement le processus de réduction dont la Révélation divine y est l’objet. Le Dieu du Coran est un Dieu qui reste étranger au monde. L’islam n’est pas une religion de rédemption». – Jean-Paul II, Entrez dans l’Espérance.
George, quel impact cette notion de Dieu a-t-elle sur les activités quotidiennes des musulmans?
WEIGEL: Dans ce même passage de Entrez dans l’espérance, Jean-Paul II exprime une véritable admiration pour la piété des musulmans. Il parle avec admiration de la façon dont ils s’arrêtent aux heures prescrites cinq fois par jour, tombent à genou, se tournent vers la Mecque et prient. Le Pape dit: les chrétiens feraient-ils de même dans leurs cathédrales vides d’Europe?
Il a un profond respect pour la piété des musulmans. La différence, fondamentalement, se résume à ceci:
Le Coran a quelque 99 noms pour Dieu. Certains d’entre eux sont d’ailleurs très beaux. Celui qui fait défaut, c’est le père. Le Dieu du Coran est Majesté et jamais Emmanuel, il n’est pas le «Dieu-avec-nous», il n’est pas le Père. L’idée d’un dialogue avec Dieu frappe certains musulmans comme étant, sinon absurde, du moins prétentieuse.
C’est pourquoi non seulement la théologie mais encore l’anthropologie de l’islam sont très éloignées de celles du christianisme. C’est aussi une compréhension différente de la personne humaine dans sa relation au divin. Et cela a conduit à des idées différentes de ce qu’est la société bonne. La compréhension chrétienne de Dieu comme Père, la conception chrétienne du Fils de Dieu comme Logos – comme la raison de Dieu qui imprime la rationalité de Dieu sur le monde – a conduit les chrétiens, sur une longue période de développement, à l’idée que la raison morale peut déterminer comment nous devons vivre ensemble dans un monde rempli de différence.
Le Coran définit un modèle de société et de politique dans lequel la différence doit se soumettre à la victoire définitive de l’islam. C’est une vision très différente de la manière dont la société devrait fonctionner.
Maintenant, un dernier point:
Si les musulmans souhaitent faire accepter cette vision-là du monde par l’art de la persuasion, ça va. Le problème vient quand les dihadistes décident que cette vision doit être imposée et que tous les moyens nécessaires doivent être utilisés pour contraindre le monde à se soumettre à l’islam. Nous obtenons ainsi le 11/9 puis les attentats de Madrid, les attentats de Londres, la pagaille en Algérie, au Waziristan, au Pakistan, etc.
QUESTION: Dans votre livre vous parlez de l’inertie dans l’Islam, d’une absence de vitalité intellectuelle. Pourquoi dites-vous cela et quelle en est la cause profonde?
WEIGEL: C’est un véritable casse-tête dans l’histoire de la pensée. Comme on le sait ou devrait le savoir à partir de l’étude de la philosophie, il y a eu des moments au début du haut moyen-âge où les philosophes musulmans ont pris l’initiative de recouvrer les pensées d’Aristote en particulier, et de les ramener dans la sphère intellectuelle du monde de l’époque.
Thomas d’Aquin a beaucoup appris sur Aristote par des philosophes musulmans. Pourtant, à un certain moment, peut-être autour du 14e ou 15e siècle, il semble y avoir un arrêt de cet esprit de recherche au sein du monde islamique. Était-ce parce que les autorités religieuses islamiques sont devenues nerveuses au sujet de la philosophie spéculative, et ce qu’elle pourrait faire, par exemple, à la question de savoir si vous devez interpréter le Coran plutôt que simplement le réciter – nous ne le savons pas vraiment.
Mais une conviction religieuse, une communauté religieuse qui, pendant plusieurs centaines d’années, a connu de grandes réalisations intellectuelles, non seulement dans la philosophie mais dans le domaine des mathématiques et d’autres sciences, a ainsi subi une sorte de fermeture intellectuelle qui continue d’affliger le monde islamique d’aujourd’hui.
Voici l’exemple le plus révélateur: Plus de livres ont été traduits en espagnol dans n’importe quelle période de 20 ans que de livres traduits en arabe au cours des dernières 900 années. C’est tiré d’un rapport arabe sur le développement humain réalisé par des chercheurs arabes sous les auspices de l’ONU. Il y a une sorte de blocage intellectuel, et c’est ce qui rend la rencontre avec la modernité si difficile pour le monde islamique, et ces difficultés ont maintenant débordé et ont des impacts sur le reste d’entre nous.
QUESTION: Parlons de la tentative du Pape Benoît XVI d’engager l’islam. Elle a commencé à Ratisbonne. Il parle de cela depuis longtemps – mais Ratisbonne a certainement été un moment marquant de ce dialogue. Il a reçu l’attention du monde islamique. De là, il les a invités au dialogue, et ils ont répondu. Il y aura une rencontre en février ou mars.
Quelle forme cela devrait-il prendre? Parlez-nous des subtilités de ce processus. Le Pape Benoît XVI a donné une liste des points de dialogue qu’il souhaite aborder. En retour, ces 138 dirigeants islamiques ont envoyé une lettre avec leur propre liste de points de discussion. Les deux listes ne correspondent en aucune façon. Pouvez-vous nous en parler un peu?
WEIGEL: Permettez-moi de revenir en arrière. La conférence de Ratisbonne – qui, je crois, était la plus importante déclaration papale sur un problème d’envergure mondiale depuis plus d’une douzaine d’années – affirme deux points cruciaux.

1. Le monde est menacé par la foi détachée de la raison, qui permet d’imaginer que Dieu vous commande de poser des gestes irrationnels comme piloter un avion dans le World Trade Centre
2. Il existe également dans le monde occidental un problème de perte de la foi dans la raison, de sorte que nous ne croyons pas qu’il est possible de défendre la civilité, la tolérance, la liberté religieuse comme un droit humain, etc
C’était le message de Ratisbonne, qui a amené une réponse d’un groupe de quelque 100 responsables musulmans. Peu de temps après, en décembre 2006, le Pape s’est adressé à la curie romaine lors de sa réunion annuelle de Noël, et il a dit que le dialogue avec l’Islam devait se concentrer sur deux questions:
1. La liberté religieuse comprise comme un droit humain qui peut être connu par la raison, et
2. La séparation des pouvoirs religieux et politiques dans un État proprement gouverné.
C’est resté sur la table jusqu’à octobre dernier, lorsque 138 leaders musulmans – dont certains sont de véritables autorités religieuses et universitaires et d’autres des fonctionnaires gouvernementaux – ont écrit un document intitulé: «Une parole commune entre vous et nous». Cette lettre a été adressée au Pape et d’autres dirigeants chrétiens pour dire «Voici ce que nous voulons discuter, nous voulons parler des deux grands commandements, celui de l’amour de Dieu et celui de l’amour du prochain».
En novembre, le Cardinal Bertoni, Secrétaire d’État du Saint-Siège, a écrit à l’un des signataires de la lettre des 138, un prince jordanien : «Nous serions ravis de vous avoir ici, envoyez un groupe représentatif des 138 à Rome en mars, mais ce que nous voulons discuter, c’est la liberté religieuse et la séparation des pouvoirs religieux et politiques dans un état équitablement gouverné. Nous tenons également à parler de l’enseignement aux jeunes du respect des autres convictions religieuses, et nous voulons parler du fondement moral de la dignité humaine».
Le Prince a alors répondu: «Bien, nous allons vous voir à Rome en mars, et en passant nous voulons parler des deux grands commandements. Ces questions sont intrinsèques, alors que vous, vous parlez de questions extrinsèques.» C’est là où nous en sommes aujourd’hui.
Je crois que le Saint-Siège a été assez stratégique à ce sujet. Il a mis en évidence les points où la friction, et, pire que la friction, la confrontation et le conflit se déroulent dans le monde, soit les deux questions cruciales de la liberté religieuse et de la séparation des autorités religieuses et politiques dans l’État.
Quelles que soient les politesses en mars, le Pape et ses collègues vont tenter de ramener le dialogue sur ces deux questions. Telles sont les choses qui doivent retenir l’attention pour le moment. Telles sont les questions qui créent ce que Sam Huntington appelle «les frontières sanglantes de l’Islam avec le reste du monde».
QUESTION: Vous parlez de la raison – et Benoît XVI y revient souvent – nous devons concilier la foi et la raison, les deux vont ensemble. Est-il possible de dialoguer sur ce point, George, alors qu’en Islam la raison a été abolie en quelque sorte parce que dans la conception islamique, si l’on a la foi on n’a qu’à se soumettre à la volonté de Dieu et au Coran ?
WEIGEL: Je ne présenterais pas les choses de manière si tranchante. Il y a manifestement une tradition bien développée et assez complexe du raisonnement juridique dans le monde islamique. Je pense que le problème est de mettre la question sur le plan moral de la raison, et de savoir s’il est possible pour les croyants d’utiliser la loi morale naturelle qui peut être connue par la raison – ces principes du comportement juste que nous pouvons connaître par un exercice de la raison sans l’aide de la révélation, qu’elle soit juive, chrétienne ou islamique.
Cette loi morale naturelle pourrait être ce que Jean-Paul II a appelé à l’ONU en 1995, une grammaire commune pour le monde qui ne détourne la conversation en aucune manière. Si vous n’avez pas de grammaire, vous n’avez pas de conversation car il n’y a pas de discours intelligible. Une grammaire est nécessaire. Le Pape suggère que la loi morale naturelle que chaque être humain rationnel peut connaître par l’exercice de son esprit pourrait être cette grammaire. Et cela va être une très grande partie de ce dialogue entre le Saint-Siège et les dirigeants islamiques à l’avenir.
QUESTION: Jetons un œil à quelques e-mails que je viens de recevoir de téléspectateurs:
George,
Étant donné votre évaluation pessimiste de l’islam et le fait que le concept islamique de Dieu diffère sensiblement de celui des chrétiens et des juifs, le Pape a-t-il raison de dialoguer avec des fanatiques? Que pouvons-nous accomplir en dialoguant avec des religieux islamofascistes? H. Flood, Aventura Florida
WEIGEL: Je n’aime pas penser à ces choses en termes d’optimisme ou de pessimisme. J’aime y penser en termes de réalisme. Nous devons reconnaître que l’islam, à de nombreux moments de l’histoire, a servi de fondement à de grandes réalisations culturelles. L’islam est présentement dans un état profondément affligé. Il y a une guerre civile au sein du monde islamique sur ces questions de pluralisme, de tolérance et de civilité, et la guerre civile a débordé du monde islamique et implique maintenant le reste du monde.
En faisant intervenir l’église catholique dans ce conflit, le Pape dit à ses interlocuteurs musulmans: Écoutez, il est possible pour une tradition religieuse de développer une compréhension de sa relation aux formes modernes de gouvernance sans perdre son âme. L’Église catholique l’a fait au cours des 200 années très difficiles entre la révolution française et le deuxième Concile du Vatican. Il y a peut-être quelque chose dans notre expérience qui pourrait vous être utile. Cela pourrait être intéressant pour les musulmans réformateurs. C’est aussi une façon de les armer dans leur conflit avec les djihadistes, parce que de toute évidence les djihadistes ne sont pas intéressés par ce genre de conversation.
QUESTION: Chaque fois que des musulmans, mêmes modérés, se dressent dans l’islam, ils ont à craindre de voir leurs têtes coupées, ce qui est évidemment un facteur de dissuasion pour se lever et dire quoi que ce soit. Quel impact pensez-vous que cela aura? La peur dans la communauté islamique est-elle palpable?
WEIGEL: C’est très palpable, et ça touche même des collègues islamiques avec lesquels j’ai dialogué ici aux États-Unis. Il y a quelques années, je discutais de la tradition de la guerre juste avec un intellectuel musulman que je connais depuis 20 ans et qui enseigne dans un prestigieux collège du Nord Est. Il a dit que son plus gros problème était ses élèves qui ont reçu leur formation religieuse dans des madrassas wahhabi radicales aux États-Unis, et qui ne le considèrent pas suffisamment musulman. C’est donc un problème qui a un caractère mondial, mais si nous voulons gagner la compétition pour l’avenir de l’homme contre le djihadisme, nous devons engager le combat à tous les niveaux.
Il existe une évidente dimension militaire à cela, il y aussi des dimensions économiques et culturelles. Il s’agit fondamentalement d’une guerre d’idées.
Nous devons présenter une idée plus noble de la liberté humaine et de la société humaine, des bienfaits de la société humaine, qui nous demandera de faire de grands sacrifices. Voilà la réponse à l’appel avili des djihadistes au sacrifice pour leur vision franchement malicieuse de l’avenir de l’homme et de la société humaine.
QUESTON: Pensez-vous qu’il y a des leaders dans le monde à part le Pape qui soient capables de concevoir ou de réclamer ce débat?
WEIGEL: Je pense qu’il y a une division du travail. Nous ne devrions pas trop attendre des responsables politiques. Ce que le Pape a fait à Ratisbonne, ni un président, ni un premier ministre, ni un président de parti, ni le Secrétaire général de l’ONU n’aurait pu le faire. Seul le pape peut faire ce genre de choses.
Les gouvernements ont des responsabilités différentes dont je discute assez longuement dans mon livre, en termes de politique étrangère, de politique militaire, de défense, de renseignement, d’économie, de diplomatie publique, etc. Mais certaines des lourdes responsabilités dans le développement d’un véritable dialogue interreligieux – pas Kumbaya (ndlr: terme hippy qui signifie la paix) mais une véritable conversation qui commence à partir de la compréhension de la différence – reposent non pas sur les épaules des gouvernements mais sur celles des chefs religieux.
QUESTION: Nous allons maintenant à ce e-mail:
M. Weigel,
Dans votre livre (que j’ai acheté après Noël), vous déclarez que la politique de Bush en Irak est ancrée dans une «évaluation réaliste» de la situation là-bas. Même si je suis d’accord avec une grande partie de vos écrits, ceci me frappe comme étant faux.
L’administration savait certainement que les factions Sunnites/chiites se déchaîneraient après le renversement de Saddam.
Vu tout ce qui s’est passé, et l’engrenage de la violence, pensez-vous toujours que cela était une «évaluation réaliste» de la situation? – Janice, Myrtle Beach
WEIGEL: Heureusement, l’engrenage de la violence n’est plus tel qu’il a été en 2006. La flambée (poussée militaire en Irak) semble avoir produit les effets souhaités, nous semblons avoir appris à mieux faire ce genre de guerre de contre-insurrection.
Ce que je veux dire par une «évaluation réaliste» de la situation est qu’il était nécessaire de faire tomber la fièvre au Moyen-Orient. Il était nécessaire de démontrer qu’un dictateur sans pitié ne peut pas continuer à narguer la communauté internationale, l’ONU, les États-Unis. Il était important, voire impératif de prendre le risque de fournir un mode alternatif d’auto-gouvernance dans le monde arabo-islamique.
Cela a été une transition très difficile pour laquelle de nombreux jeunes Américains courageux ont payé un prix très élevé. Mais si vous avec lu l’article de l’intellectuel Fouad Ajami de l’Université John Hopkins paru la semaine dernière dans le Wall Street Journal – ce brillant essai démontre comment cet effort des États-Unis a lentement commencé à changer l’impasse politique au Moyen-Orient dans un sens positif.
Nous pourrions ne pas voir les effets de cette situation avant 40 ou 50 ans. Comme l’intuition de Harry Truman à la fin des années 40 qui n’a pas été justifiée avant 1989.
L’approche de Bush au Moyen-Orient pourrait ne pas être justifiée avant que je regarde la télévision EWTN au purgatoire, soit dans quelque 40 ans!
QUESTION : Dans votre livre, vous dites que nous devons mériter la victoire, en citant une phrase de Winston Churchill.

Que voulez-vous dire par cela ? Et vous parlez aussi que nous finançons nos ennemis. Parlez un peu de ça. Il s’agit là d’un point crucial, il me semble.
WEIGEL: Il y a deux dimensions à cette question. Un pays dont les exportations principales à l’étranger comprennent des films pornographiques ou extrêmement violents n’est pas dans une position très forte pour proclamer les vertus de la société libre et vertueuse.
Le gâchis culturel des États-Unis fait partie de notre problème à tenter de gagner le monde à notre cause, et nous devons comprendre cela. Nous devons montrer le visage plus noble de la liberté. Quant à l’aspect économique, une partie de la raison pour laquelle nous sommes en difficulté aujourd’hui est que plus d’un milliard de dollars de ressources de l’Occident ont été transférées au monde arabo-islamique, et en particulier à l’Arabie Saoudite, depuis la Seconde guerre mondiale.
Des milliards de dollars d’argent saoudien ont été investis dans le financement de la propagande wahhabi, des institutions wahhabi, des madrassas wahhabi, des aumôneries wahhabi dans les prisons nord-américaines. Ce n’est pas bon.

Nous devons briser notre dépendance à l’égard du pétrole arabe comme carburant de transport. Il n’existe pas une seule solution miracle. Je discute dans mon livre d’un portefeuille d’approches alternatives d’énergies de remplacement qui pourraient être mises en place au cours des 10 à 20 prochaines années, mais nous devons commencer le processus de tarir le financement du djihadisme en nous plaçant nous-mêmes dans une position différente vis-à-vis nos besoins énergétiques.
QUESTION: Nous avons une question par téléphone. Voici Mark de Georgie:
Ne pensez-vous pas que l’islam va mûrir avec le temps? Parce que l’islam est beaucoup plus jeune que le christianisme, c’est la plus jeune de toutes les grandes religions. Le christianisme a mûri, l’ensemble de l’humanité a mûri progressivement. N’avez-vous pas espoir que le monde islamique fera de même?
WEIGEL: Comme je l’ai dit il y a un instant, j’espère que le modèle de développement catholique sur la question de la séparation entre l’Eglise et l’Etat au cours des 200 dernières années pourrait fournir quelque analogie permettant aux réformistes musulmans de puiser dans leur propre tradition islamique afin de trouver des fondements garantissant la civilité, la tolérance et le pluralisme. C’est un problème plus sévère dans le monde islamique parce que le problème du pluralisme a été là depuis le début parce que Mahomet a été son propre Constantin. C’est donc une question beaucoup plus difficile à aborder, mais comme le Pape l’a souligné, l’effort en vue d’engager cette conversation en vaut certainement la peine.
QUESTION : George Weigel, merci d’avoir été avec nous
Voir aussi:
La foi, la raison, et le combat idéologique contre le djihad – George Weigel, théologien
La réforme de l’islam, Loch Ness du désert dont tout le monde parle et que personne n’a jamais vu
Syndrome de Stockholm : l’islam, gigantesque prise d’otages ? par Radu Stoenescu
Le Québec est un havre de paix : protégeons-le de l’obscurantisme islamique
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