Une loi pour encadrer l’interculturalisme et le distinguer du multiculturalisme anglosaxon. Le crucifix à l’Assemblée nationale va rester. Les signes religieux ostentatoires interdits aux agents de l’État exerçant certaines fonctions. Et des Commissions pour la Promotion de la Vertu en perspective!.
Le volumineux rapport de la commission Bouchard-Taylor a été déposé aujourd’hui. Nous avons affiché les 37 recommandations qu’il contient et joint le texte intégral que vous pouvez télécharger. Cliquez ici: Le rapport Bouchard-Taylor est déposé, sous le titre “Fonder l’avenir – Le temps de la réconciliation”
Nous devons étudier le rapport plus en profondeur avant de le commenter. Pour l’instant, nous nous penchons sur quelques éléments.
Interculturalisme versus multiculturalisme
Le rapport contient la recommandation suivante:
«Pour mieux établir l’interculturalisme comme modèle devant présider aux rapports interculturels au Québec, l’État [devrait en faire] une loi, un énoncé de principe ou une déclaration en veillant à ce que cet exercice comporte des consultations publiques et un vote de l’Assemblée nationale».
En entrevue à Radio-Canada, le premier ministre Jean Charest a confirmé que le Québec poursuivra la promotion de son modèle d’interculturalisme de préférence au modèle fédéral du multiculturalisme. (en passant, nous avons été choqués par l’attitude inexplicablement baveuse et hautaine de Bernard Derome qui interviewait le Premier ministre qui, lui, est resté calme et digne tout au long de l’entrevue).
En quelques mots, les deux modèles visent à trouver un équilibre entre diversité et intégration. L’interculturalisme met davantage l’accent sur l’intégration, alors que le multiculturalisme met l’emphase sur la diversité. Sur le terrain toutefois, les deux modèles se ressemblent à s’y méprendre et produisent les mêmes tensions.
Le premier ministre a confirmé l’intention de son gouvernement de circonscrire les paramètres du modèle québécois d’interculturalisme au moyen d’une loi. Pour M. Charest, ce modèle doit tenir compte de notre spécificité comme minorité à l’échelle continentale. Les francophones représentent 3% de la population d’Amérique du Nord et ont une préoccupation permanente et légitime quant à leur survie culturelle et linguistique. Les Québécois d’origine canadienne française, quant à eux, sont profondément attachés à leur identité, à leurs traditions et à leur mémoire.
Reste à voir ce qu’une loi peut faire! Pour les québécois, le multiculturalisme restera toujours, même sous des habits d’interculturalisme, la grande arnaque conçue par Pierre Elliott Trudeau dans le but de reléguer le statut unique de la culture des québécois de souche à celui d’une pièce parmi tant d’autres dans la mosaïque canadienne. La vision trudeauesque imprègne le rapport Bouchard-Taylor.
Primauté de l’égalité des femmes sur la liberté de religion lorsqu’il y a conflit
Le premier ministre a indiqué que son gouvernement allait adopter avant la fin du mois de juin le projet de loi 63 qui modifie la Charte des droits et libertés du Québec en vue d’y inclure une règle interprétative dont l’effet sera d’accorder priorité au droit à l’égalité des femmes et des hommes sur le droit à la liberté de religion lorsque ces droits entrent en conflit. Bravo!
Ce projet de loi a été dénoncé par les lobbies islamistes qui y ont vu rien de moins qu’une attaque frontale du Québec contre ses minorités par la promotion d’une forme ethnocentrique de féminisme! Et le Barreau du Québec, dans un stupéfiant mémoire empreint d’idéologie plutôt que d’arguments rationnels, a abondé dans le même sens.
Le crucifix à l’Assemblée nationale
C’est en raison de l’attachement des Québécois de souche à leur identité et à leur mémoire, a expliqué le premier ministre, que l’Assemblée nationale a envoyé un message fort en adoptant à l’unanimité une motion affirmant que le crucifix allait garder sa place actuelle au-dessus du siège du président de l’Assemblée, malgré la recommandation du rapport Bouchard-Taylor de le déplacer pour préserver la neutralité de l’État.
Le premier ministre a insisté pour dire que le crucifix avait une très forte valeur symbolique, et qu’il fallait le voir dans une perspective historique.
«C’est notre histoire, nos 350 ans d’histoire marqués par les institutions catholiques et on ne peut écrire l’histoire à l’envers», a-t-il dit. «L’Église a joué un rôle important dans l’histoire du Québec et le crucifix est le symbole de cette histoire».
Nous souscrivons à cette approche. La société québécoise est une démocratie à maturité qui est largement déchristianisée dans ses pratiques. La présence du crucifix à l’Assemblée nationale ne crée aucune confusion quant à la source des lois adoptées par les élus ni quant au principe de séparation de l’église et de l’État.
La laïcité et les signes religieux ostentatoires
Les coprésidents de la commission proposent au gouvernement de produire un Livre blanc sur la laïcité, dont le but serait de définir ce qu’est cette laïcité, de rappeler les choix faits en cette matière, de défendre une conception ouverte de la laïcité choisie et mise en oeuvre par le Québec et de clarifier et soumettre au débat public les questions au sujet desquelles des consensus restent à construire.
Le débat ne fait donc que commencer! Les québécois sont profondément divisés sur cette question. La laïcité ouverte n’est certainement pas celle que privilégient la majorité des québécois.
Concrètement, la commission propose d’interdire le port de signes religieux aux titulaires de fonctions qui doivent incarner la neutralité de l’État: magistrats, procureurs de la Couronne, policiers, gardiens de prison, président et vice-président de l’Assemblée nationale du Québec. Elle suggère par contre de laisser les enseignants, les fonctionnaires, les professionnels de la santé et tous les autres agents de l’État porter les signes religieux qu’ils veulent. Les étudiants devraient aussi être laissés libres de porter des signes religieux, comme le hijab, la kippa ou le turban.
Plusieurs citoyens réclameront qu’on étende l’interdiction du port de signes religieux ostentatoires aux enseignants, au personnel des hôpitaux et à tous les agents de l’État qui sont en contact direct avec le public. D’autres voudront que le port de signes religieux soit permis à tous les agents de l’État, y compris les juges, les policiers, etc.
Nous croyons que le port du foulard islamique par les enseignantes devrait être interdit. Il s’agit d’un symbole fort qui équivaut à faire pression sur des enfants. Le respect de la liberté de conscience des enfants devrait l’emporter sur le droit de l’enseignante de manifester sa religion. Des musulmanes seront exclues de la profession d’enseignante, mais ce serait là une conséquence de leur choix de porter le foulard. Qu’elles l’assument!
Quant aux étudiantes, nous souhaiterions un débat sur le port du voile imposé aux petites filles, sous l’angle de leur droit à l’égalité. Comme le dit Maryam Namazie, fondatrice du Conseil des ex-musulmans de Grande-Bretagne, des «fillettes ne sont pas autorisées à danser, à nager, à sentir le soleil sur leur peau ou le vent dans leurs cheveux. C’est inacceptable, et pourtant c’est accepté lorsque c’est fait au nom de la religion».
Encadrer les accommodements
Les commissaires recommandent de définir des balises pour encadrer ce qu’ils appellent des «pratiques d’harmonisation» entre citoyens, notamment dans les écoles et les établissements du réseau de la santé.
Là aussi, faute de pouvoir se débarrasser des accommodements religieux, précisons au moins les contours de cette notion. Les principes devant guider les décisions devraient être connus et appliqués de manière uniforme par les décideurs de préférence à une gestion au cas par cas. Actuellement, des accommodements déraisonnables sont accordés par crainte de poursuites ou de plaintes à la commission des droits, ce qui fausse les rapports de force en faveur des demandeurs d’accommodements et donne des résultats qui peuvent être abjects.
Citons à titre d’exemple les cas survenus dans l’Ouest canadien où des aveugles accompagnés de chiens ont dû accommoder des chauffeurs de taxi qui, invoquant la charia, refusaient d’embarquer leur chien. Lisez CAIR-CAN capitule face aux aveugles – L’Occident doit s’unir contre la charia et l’islamisation. Nul doute que des balises proposées à la suite d’un débat public énonceraient clairement qu’on ne peut compromettre les droits d’une personne handicapée au nom de croyances religieuses.
Les accommodements religieux devraient avoir une portée limitée. Au nom de quel principe la société devrait-elle garantir aux adeptes de toutes les religions qu’ils ne seront jamais confrontés au moindre conflit de conscience? Certaines religions imposent de nombreuses contraintes à leurs adeptes. Ils doivent en assumer les conséquences, ou réformer leur religion, plutôt qu’exiger de la société qu’elle adapte l’ensemble de ses institutions et services collectifs pour accommoder leurs croyances.
Lutte contre le racisme
Nos commissaires proposent un arsenal complet de mesures de lutte contre le supposé racisme rampant des Québécois de souche. Ces mesures seront inutiles, coûteuses et contre-productives. Elles entretiendront une industrie parasitaire de groupes au zèle McCarthyste qui traqueront le racisme dans l’air que nous respirons et se transformeront vite en Commission de Prévention du Vice et de Promotion de la Vertu. C’est dans leur nature.
Comme l’écrivait dans un commentaire le québécois d’adoption Helios d’Alexandrie (ici):
Un coup d’oeil sur les recommandations suffit pour nous apprendre que les québécois de souche ont toutes les obligations et les immigrants tous les droits, même l’intégration, impensable sans les efforts individuels de l’immigrant, devient une responsabilité exclusive de la société québécoise. Sans le dire explicitement Bouchard et Taylor préconisent la discrimination positive envers les immigrants, non pas ceux qui cherchent à s’intégrer (ils n’en ont pas besoin), mais ceux qui par fanatisme politico-religieux rejettent avec mépris les valeurs québécoises.
Bouchard et Taylor veulent que l’état se transforme en directeur de conscience prêchant le catéchisme de la rectitude politique aux seuls québécois de souche. Si leurs recommandations sont appliquées, le Québec se dotera d’une police de la pensée et d’une foule d’organismes où les pontifes de la religion multiculturelle et les gauchistes totalitaires pourront à volonté discipliner les québécois en pensée, en parole, en action et même en cas d’omission.
L’état québécois pourra ainsi s’hypertrophier (comme s’il n’était pas assez tentaculaire) en faisant payer les contribuables pour mieux les opprimer.