«L’imam Soharwardy et le Edmonton Council of Muslims ont réussi à mettre une agence gouvernementale au service de la poursuite de leur fatwa radicale contre moi. Leurs plaintes ont été rejetées après 900 jours d’enquête par 15 bureaucrates, au coût de un demi million $ pour les contribuables. Mes frais légaux s’élèvent à 100 000$. Il est cependant inexact de dire qu’ils ont perdu. Le processus auquel j’ai été soumis est un châtiment en soi et un avertissement à tout journaliste qui oserait défier l’islam radical. De plus, la commission des droits est maintenant le rédacteur en chef de la province.».
Ezra Levant n’est toutefois pas au bout de ses peines. Une autre plainte vient d’être déposée contre lui devant la commission des droits de la personne, pour son blog. De plus, l’imam Soharwardy a déposé une plainte au barreau albertain contre lui.
Voyez dans notre section video la déclaration liminaire faite par Ezra Levant lors de la première journée d’enquête de la commission albertaine.
L’Association canadienne des journalistes a récemment réclamé l’abolition des pouvoirs de censure des commissions des droits de la personne au Canada.
Traduction de: Ezra Levant: How I beat the fatwa, and lost my freedom, National Post, le 6 août 2008
Comment j’ai vaincu la fatwa, et perdu ma liberté
Quelque 900 jours après que je sois devenu la seule personne dans le monde occidental à être accusée du «délit» d’avoir republié les caricatures danoises de Mahomet, le gouvernement m’a finalement déclaré non coupable de «discrimination» illicite. Les contribuables ont déboursé plus de 500 000 $ pour une enquête qui a mobilisé 15 bureaucrates à la Commission des droits de la personne de l’Alberta. Mes frais légaux ainsi que ceux du défunt magazine Western Standard s’élèvent à 100 000$.
L’affaire aurait été renvoyée depuis longtemps si j’avais été inculpé devant une cour criminelle au lieu d’une commission des droits de la personne. C’est qu’au criminel, les accusés ont droit à un procès expéditif, mais pas les éditeurs qui sont inculpés devant une commission des droits.
Si j’avais été poursuivi devant un tribunal civil, le juge ordonnerait maintenant à la partie perdante de payer mes frais juridiques. Au lieu de cela, le Edmonton Council of Muslim Communities n’aura pas un sou à me payer. Ni Syed Soharwardy, l’imam de Calgary qui a retiré sa plainte identique contre moi ce printemps.
Les deux ont réussi à mettre une agence gouvernementale laïque au service de la poursuite de leur fatwa islamique radicale contre moi. C’est la première cause de blasphème au Canada en plus de 80 ans. Leurs plaintes ont été rejetées, mais il est inexact de dire qu’ils ont perdu. Ils ont obtenu que le gouvernement me fasse la vie dure pendant près de trois ans, sans frais pour eux. Le processus auquel j’ai été soumis est en soi un châtiment, et un avertissement à tout journaliste qui oserait défier l’islam radical.
Le rapport de 11 pages du gouvernement sur mes activités est d’une arrogance à couper le souffle. Dans ce rapport, Pardeep Gundara, un bureaucrate de bas niveau, assume le rôle de rédacteur en chef pour toute la province d’Alberta. Il a parcouru l’article de notre magazine et donné sa propre opinion sur les caricatures, pour ensuite se prononcer sur la décision de notre magazine de les publier. L’aspirant journaliste du gouvernement a fait une faute d’orthographe, il a mal rapporté les faits et démontré son incapacité à respecter les délais. Nous ne l’aurions jamais embauché à notre magazine. Mais on rit de nous, il serait apparemment notre patron et celui de tous les journalistes en Alberta.
Dans son rapport, Gundara présente comme un «fait» son opinion personnelle sur les caricatures de Mahomet. Il dit qu’elles sont « stéréotypées, négatives et offensantes ». C’est un point de vue. D’autres ont un avis différent. Qui se soucie de l’opinion personnelle de Gundara? Ai-je besoin de sa permission, ou celle d’autres personnes que ma conscience, avant de publier des choses à l’avenir? Est-ce qu’il trouve la présente chronique correcte?
Gundara a pardonné mes péchés ainsi que ceux du Western Standard parce que, selon lui, le caractère offensant des caricatures était «neutralisé dans le contexte de l’article qui les accompagnait» et que nous avons publié des lettres pour et contre les caricatures dans notre numéro ultérieur. Il nous a également acquitté parce que «les caricatures n’ont pas été tout simplement publiées au milieu du magazine sans but ni article s’y rapportant».
Permettez-moi de traduire : mieux vaut être «raisonnable» dans la façon dont vous utilisez vos libertés sinon vous ne serez pas autorisés à les préserver. Vous feriez mieux de ne pas publier de caricature politique «tout simplement au milieu» d’un magazine. Si vous êtes « négatif », vous avez intérêt à avoir un «but» qui sera approuvé par un bureaucrate lorsqu’il se décidera finalement trois ans plus tard.
Je ne trouve pas cela acceptable. Je ne suis pas intéressé par les vues de Gundara sur les caricatures. Je ne suis pas intéressé à apprendre ses critères personnels sur ce que je peux ou ne peux pas exprimer. On est au Canada, pas en Arabie saoudite.
Le renvoi de la plainte n’est pas une victoire pour la liberté de la presse. La presse albertaine n’est pas libre, elle est désormais soumise à l’approbation du gouvernement. Les Canadiens ont cependant le droit à une presse libre en dépit du gouvernement. Nous avons le droit d’enfreindre chacune des règles insignifiantes et subjectives de Gundara.
Exactement deux mois avant mon acquittement, un autre Albertain a été condamné par la Commission sur une accusation identique: «discrimination» dans un journal. Il y a cinq ans, le révérend Stephen Boissoin a écrit une chronique controversée sur les droits des homosexuels. Sa chronique rencontrait toutes les règles maison de Gundara: elle s’insérait dans un débat plus large, elle a été suivie de nombreuses lettres critiques au rédacteur en chef, elle avait un «but», etc. Mais le révérend Boissoin a été condamné à une amende de 7000 $ et s’est vu interdire à vie de donner des sermons ou même d’envoyer des emails privés qui seraient «dénigrants». Pour couronner le tout, il a été condamné par la Commission à renoncer publiquement à sa foi.
La raison pour laquelle j’ai été acquitté et Boissoin condamné est évidente. J’ai été une épine politique dans le pied de la Commission. Le révérend Boissoin? Il se taisait, alors on l’a écrasé. Mais nous ne sommes pas plus libres l’un que l’autre, nos opinions à tous les deux ont été vérifiées par le gouvernement.
Je suis bien sûr heureux d’en avoir fini avec cette poursuite malveillante, bien que mes adversaires puissent encore faire appel de mon acquittement.
Il y a deux ans, la Commission m’a dit que si je payais quelques milliers de dollars à mes accusateurs et leur donnais une page de notre magazine, je serais libéré. La plupart des victimes de la Commission acceptent de telles offres, et c’est certainement moins cher qu’un combat de 900 jours. Au plan moral, obtenir l’approbation des censeurs de la Commission n’est toutefois pas mieux que leurs efforts en vue d’une capitulation. Si je dois payer un imam radical ou apaiser un bureaucrate intrusif, ça demeure une atteinte à nos libertés canadiennes.
La photo ci-dessus : Ezra Levant, éditeur du défunt Western Standard, tenant une copie du magazine contenant les caricatures de Mahomet qui ont été à l’origine d’une bataille juridique de 900 jours (REUTERS/Patrick Price)
Voir aussi:
Commission des droits de l’Alberta contre Ezra Levant – caricatures de Mahomet
Caricatures de Mahomet – Soharwardy retire sa plainte contre Ezra Levant
Canada – Une nouvelle plainte aux droits de la personne contre Ezra Levant, cette fois pour son blog
Ezra Levant : “La banalité du mal”
Réprimer la liberté d’expression au niveau mondial, par L. Savage, Maclean’s