Nombreux sont ceux qui dénoncent les atteintes aux libertés individuelles et académiques qui se manifestent à l’université depuis l’élection d’Ennahda
La version intégrale de cet article a d’abord été publiée le 13 novembre 2011 par Le Podcast Journal et archivée sur le blogue de Sami Aldeeb. L’article énumère des manifestations d’intégrisme décelables dans le milieu universitaire tunisien depuis la récente victoire électorale des Frères Musulmans d’Ennahda.
Ces manifestations d’intégrisme s’ajoutent à celles observées dans d’autres secteurs de la société. Souad Abderrahim qu’on présente comme la porte-parole moderne d’Ennahda (elle ne porte pas le voile) a déclaré il y a quelques jours que «les mères célibataires ne devraient pas aspirer à un cadre légal qui protège leurs droits» car elles «étaient une infamie».
Slate Afrique : Ces petites phrases d’Ennahdha qui dérangent
L’article sur les manifestations d’intégrisme dans le milieu universitaire a été publié le jour même où Hammadi Jebali, leader d’Ennahda et probable futur premier ministre tunisien, présenta la Tunisie à une foule de supporteurs comme «un sixième Califat, inchallah». Le califat évoque un gouvernement islamique mondial régi par la charia, modelé sur le régime instauré par l’islam dans ses premières années après sa formidable expansion militaire.
http://fr.wikipedia.org/wiki/Expansion_de_l’islam
Le Podcast Journal : Tunisie : Ennahda inquiétude et mobilisation des universitaires
Malgré les propos rassurants de son leader qui prétend “rejeter tous les extrémismes”, la victoire en Tunisie des islamistes d’Ennahda – 91 élus sur 217 dans la nouvelle Assemblée constituante – suscite l’inquiétude des milieux universitaires. Une réunion du Forum Universitaire Tunisien (FUT), organisée mercredi 1er novembre à la Cité des Sciences de Tunis, avec pour thème “Le respect de la dignité et de la liberté des universitaires” a fourni l’occasion de multiples témoignages d’agressions et de violences :
– Une enseignante de l’Université de la Manouba, dans la banlieue nord-ouest de Tunis, agressée verbalement pour s’être présentée à la Faculté en jupe;
– Plusieurs autres enseignantes menacées et invitées à “rester chez elles pour laisser leurs postes à des hommes”;
– Craintes de représailles d’un professeur de médecine qui refuse des internes en niqab;
– Orientation subreptice vers des pratiques médicales séparées entre hommes et femmes;
– Interdiction programmée des études de spécialisation en gynécologie pour les hommes;
– Sentiment d’insécurité d’étudiantes en amphithéâtre devant des individus décrétant leur “tenue indécente” et décidés à “nettoyer les foyers universitaires”;
– Séparation, à l’Université de Gabès dans le sud-est de la Tunisie, de la cantine en deux espaces selon les sexes.
Tels étaient les témoignages susceptibles d’être recueillis, mercredi 1er novembre à Tunis, autour d’une centaine de professeurs réunis à l’appel du Forum Universitaire Tunisien (FUT).
Selon Anissa Ben Hassine, chargée du Département de la coopération internationale à l’ENA tunisien, les universitaires sont “divisés” face à ces agissements. “Les uns se plient à ces nouveaux diktats par peur de subir des violences qui mettraient en péril leurs biens, leur vie ou celle de leurs propres enfants”. “D’autres, explique cette enseignante, approuvent un modèle de société où les enseignements seraient davantage en conformité avec notre identité arabo-musulmane”. Au point d’admettre “la stricte séparation des étudiants et des étudiantes”. A l’opposé, “nombreux sont ceux qui dénoncent ces atteintes aux libertés individuelles et académiques que l’université devrait, en fait, promouvoir”. Ce sont d’ailleurs ces derniers qui se sont majoritairement exprimés lors de cette Assemblée générale du FUT.
Refus de voir la Tunisie devenir l’Iran de 1979 ou l’Algérie de 1991
(Les) violences se sont exacerbées, selon nombre de professeurs et maîtres de conférences, depuis les dernières élections de l’Assemblée constituante. La victoire du parti islamiste Ennahda a, en effet, été interprétée comme “la porte ouverte à la création d’un nouveau modèle social moralisateur” après des années de corruption sous l’ère Ben Ali.
Décidés à “condamner tous les actes de violence à l’université” et à se mobiliser en faveur des “principes d’un meilleur vivre ensemble basé sur un respect mutuel des libertés de chacun” et “afin que la Tunisie de 2011 ne devienne pas l’Iran de 1979 ni l’Algérie de 1991″, des enseignants refusent désormais de dispenser leurs cours en s’appuyant sur la déclaration du Ministre de l’Éducation, porte-parole du gouvernement provisoire : “le port du niqab est interdit dans les établissements éducatifs”. A l’image du Conseil scientifique de la Faculté de Lettres de Sousse, sur la côte orientale, où une Assemblée générale en avait pourtant décidé l’interdiction: des étudiantes portant le niqab ont pu, malgré tout, passer des examens dans des établissements universitaires tunisiens “sans la moindre réaction de la part des chefs d’établissement et de l’autorité de tutelle” s’offusquent les membres de ce Conseil.
Toutes ces manifestations d’intégrisme semblent malheureusement donner raison à ceux qui, comme la vice-présidente de l’Assemblée Nationale du Québec Fatima Houda-Pepin, avait mis en garde contre la poussée des islamistes en Tunisie après que Ben Ali ait été chassé du pouvoir.
Références supplémentaires
Point de Bascule : En marge des remarques de Fatima Houda-Pepin sur la menace islamiste en Libye et en Tunisie
Point de Bascule : Le leader d’Ennahda et futur premier ministre tunisien, Hammadi Jebali, évoque un sixième califat
Point de Bascule : Les Frères Musulmans envisagent de créer une police des moeurs en Égypte
Point de Bascule : Quel candidat d’Ennahda représentera les Amériques et le reste de l’Europe à l’Assemblée constituante tunisienne?
Point de Bascule : Égypte – Les Frères musulmans sur Facebook pour promouvoir le retour du califat