Des nouvelles du front
Par Joseph Facal
Publié dans josephfacal.org, le Journal de Montréal et de Québec
Le 3 février 2010
Je suis de retour en Espagne. Partout en Europe, la température continue à monter dans le débat sur l’identité nationale. Ça part évidemment dans toutes les directions. En Espagne, vient de débuter le premier procès de gens accusés d’avoir organisé un tribunal islamique clandestin ayant décrété la condamnation à mort d’une jeune femme. En Italie, des députés avancent la malencontreuse idée d’ajouter la croix chrétienne dans le drapeau italien.
En France, il est acquis qu’un projet de loi encadrant le port de la burqa sera présenté. La burqa, c’est le vêtement qui recouvre intégralement le corps et la tête des femmes, à la différence du niqab qui laisse une fente pour les yeux.
Un récent sondage révélait que 65 % des Français souhaitent l’interdiction de la burqa. Ils voudraient cependant qu’elle soit interdite partout, ce qui n’est pas ce que prévoit le texte qui sera débattu. On l’interdira dans les institutions publiques, les transports en commun et à la sortie des écoles.
Le président Sarkozy ne s’est pas réfugié derrière les «experts» : la burqa, a-t-il dit, «n’est pas la bienvenue» en France. Toutes les religions doivent se pratiquer avec une «humble discrétion». L’héritage chrétien, a-t-il ajouté, a laissé des traces si profondes en France que le confronter directement exposerait les autres religions à un rejet massif.
Revenant sur les réactions outrées au référendum dans lequel les Suisses votèrent pour l’interdiction de nouveaux minarets, il demanda tout simplement : «qu’auraient choisi les Français si on leur avait posé la même question ?»
Combien de femmes portent cet habit ? On estime leur nombre à environ 2000 dans toute la France. Près d’un Français sur deux admet ne croiser une femme ainsi vêtue que «rarement», voire «jamais». Mais ils en font une question de principe : celui de ne pas accepter un symbole qui n’est pas religieux, mais politique, et qui incarne l’asservissement de la femme et le rejet de l’Occident. Quand un principe est en cause, qu’il y en ait 20, 200 ou 2000 ne change rien.
Cette semaine, sort aussi en librairie le témoignage-choc de l’artiste Bérengère Lefranc. Française de souche, elle a porté la burqa pendant un mois. Pour voir. Son expérience sociologique a immédiatement tourné au cauchemar, mais elle a tenu le coup.
Un «enfer», un «calvaire», dit-elle. On la pointait du doigt, on la regardait comme un bête, on lui a même craché dessus. Elle se sentait comme «un homard plongé dans l’eau bouillante». Elle ne pouvait donner la main à son conjoint. Quand elle a soulevé son voile pour aspirer furtivement sa cigarette, les intégristes lui lançaient des regards haineux. En un mois, elle a perdu 6 kilos. Faites-en ce que vous voulez, je fais juste vous raconter.
Sur toutes ces questions, les Européens ont face à nous un gros avantage et un gros handicap. Le handicap est qu’ils ont laissé faire pendant très longtemps : ils se retrouvent donc aujourd’hui avec une immense patate chaude entre les mains. Leur avantage est qu’ils refusent désormais nettement ce chantage moral qui veut faire croire qu’il serait mal d’asseoir les règles collectives sur les valeurs de la majorité.
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