Dans un article publié par Le Droit (Ottawa), Salah Basalamah a déploré que les 477 terroristes palestiniens échangés contre un soldat israélien détenu en otage aient été présentés sous un jour défavorable. Michelle Whiteman de l’organisation HonestReportingCanada lui a répondu dans le même journal quelques jours plus tard. Des scans des deux articles originaux sont disponibles sur le site de HonestReportingCanada.
Israël et Palestine: la perception et ses relais
Salah Basalamah
Le Droit (Ottawa) – 21 octobre 2011
À la suite d’un sondage sur les perceptions canadiennes sur les différentes minorités ethniques et religieuses, Jack Jedwab, de l’Association d’études canadiennes, écrit que “ce sont les musulmans que les Canadiens perçoivent le plus négativement, suivis par les athées et les autochtones”.
La conclusion de l’étude est que “ce sont les relations entre les musulmans et les non-musulmans, et les relations entre les autochtones et les non-autochtones qui se démarquent comme étant nos principales préoccupations du xxie siècle”.
L’organisme Canadiens pour la justice et la paix au Moyen Orient a relayé l’information et souligné dans un communiqué de presse qu'”en 2009 et 2010, le gouvernement a financé pour un montant de 450000 $ une étude sur l’antisémitisme”, ajoutant qu'”on ne connaît pas exactement les raisons pour lesquelles le gouvernement a priorisé (sic) l’antisémitisme qui ne constitue pas un problème au Canada, et omis de commander des études similaires sur d’autres formes de discrimination”.
Au même moment, les conservateurs sont en émoi suite au tweet de Linda Sobeh Ali, la représentante de l’autorité palestinienne à Ottawa, qui aurait diffusé la vidéo de la récitation d’un poème intitulé Je suis Palestinien. La traduction anglaise parle d’une guerre menée “contre l’âme du sionisme” que les vigiles de Stephen Harper ont interprété comme une “offense antisémite” puisqu’étant, selon leur reformulation, un appel à “la destruction des Juifs”.
En fin de compte, le résultat demeure le même: on bannit la diplomate du Canada, que ce soit en ignorant le véritable mot du poème ou en équivalant judaïsme et sionisme, des concepts qui ne sont pas interchangeables. Au royaume des principes politisés, on paie l’erreur que l’on veut seulement croire avoir été commise.
Tout cela a eu lieu le jour même où se déroulait l’échange de 477 prisonniers palestiniens contre le soldat israélien Gilad Shalit. À l’occasion, Radio-Canada diffuse un reportage depuis Jérusalem “du côté des Israéliens” où “des mères de famille émues jusqu’aux larmes” commentent: “C’est un enfant qui faisait son service militaire comme tous ses camarades…”
Et la correspondante de poursuivre: “Plusieurs Israéliens estiment qu’ils ont payé un prix élevé pour récupérer vivant le soldat Shalit. “Il y a trop de Palestiniens qui ont du sang sur les mains.”
D’un côté, un “enfant” qui joue au soldat, de l’autre, des “Palestiniens qui ont du sang sur les mains”… L’innocence et son contraire. Difficile de faire plus manichéen.
Deux semaines après l’autoisolement d’Israël, des États-Unis et du Canada face au reste du monde ou presque sur la question de la création de l’État palestinien, le récit de l’histoire est encore et toujours agencé selon la même rhétorique: les plus faibles ont toujours tort. Même si le protocole d’Ottawa sur l’antisémitisme ne considère pas que la critique d’Israël soit condamnable, on fait tout pour qu’on ne s’en approche d’aucune façon, voire qu’on fasse le contraire en représentant les Palestiniens sous le jour le moins favorable et le plus aliénant qui soit pour les Canadiens.
On perçoit ce que l’on veut bien nous faire voir grâce aux constructions que la simple orientation de l’éclairage est capable de produire pour nos yeux et nos oreilles bien impressionnables.
Salah Basalamah, professeur agrégé, Université d’Ottawa
Israël et Palestine : un portrait injuste?
Michelle Whiteman
Le Droit (Ottawa) – 1 novembre 2011
Salah Basalamah déplore que la récente libération de 477 meurtriers et de terroristes des prisons israéliennes en échange de l’otage Gilad Shalit ait été présentée de façon défavorable pour les Palestiniens (“Israël et Palestine: la perception et ses relais”, LeDroit, 21 octobre). Un portrait injuste qui reflète “d’un côté, ‘un enfant’ qui joue au soldat, de l’autre, les ‘Palestiniens qui ont du sang sur les mains’… L’innocence et son contraire. Difficile de faire plus manichéen.”
En les qualifiant seulement de “prisonniers”, M. Basalamah cherche à faire une équivalence morale entre la libération de 477 terroristes palestiniens et celle d’un soldat israélien enlevé en Israël et maintenu en captivité pendant cinq ans. Il suggère qu’il n’y a aucune différence entre un otage et des centaines de terroristes qui préconisent le meurtre et le génocide. Des centaines d’entre eux devaient servir des sentences à perpétuité pour des meurtres des plus odieux contre de simples civils, tels que le responsable de l’attentat de la pizzeria de Jérusalem en 2001 qui a tué 15 âmes. Ou le meurtrier de 21 jeunes Israéliens dans une discothèque à Tel Aviv. Ou encore le kamikaze qui a exterminé 29 juifs célébrant la Pâque dans un hôtel de Netanya. Tous ont été libérés.
Bien au-delà de l’abîme moral qui sépare les terroristes de Shalit, le monde a été témoin du phénomène troublant, à Gaza et en Cisjordanie, d’une jubilation extraordinaire qui attendait “les héros” avec des ballons, des rubans et des parades, et qui avait déclaré la journée “fête nationale”. Qualifiant les terroristes de “combattants pour la liberté et de guerriers saints”, Abbas, soi-disant modéré, a déclaré que l’Autorité palestinienne paierait à chaque meurtrier une récompense, comme les pensions qui sont encore payées régulièrement par Abbas aux Palestiniens condamnés dans les prisons israéliennes pour des actes terroristes. Au lieu de se lamenter sur la description défavorable des terroristes, Basalamah devrait se demander pourquoi la société palestinienne célèbre la terreur.
Au contraire, il s’érige contre la réprobation du gouvernement Harper envers l’émissaire palestinienne au Canada, Sobeh Ali, qui avait tweeté un poème qui, au pire, appelait à la destruction totale des Juifs et, au mieux, appelle à la destruction d’Israël en utilisant une formulation plus élégante: “la destruction du sionisme par la guerre” (ce qui n’est rien moins que la négation, par une guerre, du droit d’Israël d’exister et qui résulterait forcément à la destruction d’Israël et à la dispersion ou à l’annihilation des juifs). Comme nous l’avons vu à travers les mots et les actions de Mahmoud Abbas, le terrorisme a été légitimé à Gaza et en Cisjordanie.
Vu sous cet angle, le tweet de Sobeh Ali est un corollaire naturel au climat politique et social de la société palestinienne, qui juge cette pratique tout à fait acceptable.
Et pourtant, nous ne sommes ni à Gaza ni en Cisjordanie, mais au Canada. Les Canadiens sont capables et prêts à faire la différence entre des terroristes et des civils, ainsi qu’entre des innocents et des coupables. La couverture médiatique, qui a exprimé sa révulsion vis-à-vis de l’échange de Shalit contre des terroristes et que M. Basalamah critique, faisait tout simplement la différence.
Michelle Whiteman,
Directrice pour le Québec,
Honest Reporting Canada