Le Canada a dépassé l’Arabie saoudite comme plus grand fournisseur de pétrole brut aux États-Unis. Récemment, une clause a été ajoutée dans une loi américaine en vue d’empêcher le Département de la défense d’utiliser le pétrole brut de l’Alberta considéré comme trop sale. Selon des analystes, la clause a été ajoutée après des manœuvres politiques par l’Arabie saoudite. Il y a place pour des théories de la conspiration! – Arab News
Quelle que soit l’histoire derrière cet amendement législatif de dernière minute qui favorise les Saoudiens au détriment des Canadiens pour la fourniture de pétrole à notre voisin américain – et indépendamment du mérite intrinsèque de cet amendement – nous ne pouvons nous empêcher de penser que le pétrole extrait des sables bitumineux de l’Alberta est «idéologiquement» plus propre que le pétrole saoudien. De plus, les profits de l’industrie pétrolière canadienne ne risquent pas d’être recyclés dans l’industrie de la propagande haineuse.
Pétrole: Un débat terne devient intéressant
Traduction de: Oil Scene: A Drab Debate Becomes Interesting, par Syed Rashid Husain, Arab News, le 4 avril 2008
Être le premier n’est pas facile. L’Arabie saoudite, le plus grand producteur mondial de pétrole brut, s’est trouvée entraînée dans un débat sur la question de savoir si les sables bitumineux du Canada sont assez propres pour être utilisés.
Dans une lutte intéressante, une clause pratiquement inaperçue a été ajoutée presque au dernier moment dans une loi américaine sur l’énergie qui empêche le gouvernement, en particulier le Département de la Défense, d’utiliser le pétrole brut de l’Alberta parce qu’il est considéré comme non conventionnel et trop sale.
Une disposition du US Carbon Neutral Government Act intégrée dans le Energy Independence and Security Act of 2007 empêche effectivement le gouvernement américain d’acheter des carburants dont les émissions ont un cycle de vie plus long que celui des carburants produits à partir de sources conventionnelles de pétrole.
Les États-Unis ont défini les sables bitumineux de l’Alberta comme «non conventionnels» parce que le bitume extrait du sol nécessite une mise à niveau et un raffinage par opposition au brut traditionnel pompé des puits de pétrole.
Le représentant démocrate de Californie Henry Waxman, président du House Committee on Oversight and Government Reform, et le républicain Tom Davis ont ajouté la clause.
Dans une lettre datée du 17 mars au Comité sénatorial de l’énergie et des ressources naturelles, Waxman a écrit que la clause était en réponse à des propositions de l’Armée de l’air pour développer des combustibles à base de charbon qui produisent près du double des gaz à effet de serre (GES) produits par des carburants classiques comparables.
«Cette disposition est également applicable aux combustibles dérivés des sables bitumineux, qui produisent un niveau nettement plus élevé d’émissions de GES que ceux produits par des carburants comparables provenant de sources conventionnelles de pétrole».
Le Département américain de la Défense est le plus gros acheteur de pétrole conventionnel dans le monde – près de 300000 barils par jour (à l’exclusion des importations d’outre-mer).
Cela a mobilisé le gouvernement canadien. L’ambassadeur du Canada à Washington, Michael Wilson, a exhorté la Maison Blanche, le Département d’État et le Département de la Défense à reconsidérer cette clause, et à reclasser le brut des sables bitumineux du Canada comme «conventionnel». Dans une lettre à l’administration américaine, Wilson a mis en garde contre les «conséquences involontaires» qui pourraient découler de l’application de la loi.
Les raffineries américaines qui importent du brut canadien seront prises entre deux feux: elles auront à sacrifier l’importation du brut de l’Alberta pour se conformer à la législation américaine.
Dans sa lettre, l’ambassadeur du Canada à Washington a encouragé le Secrétaire américain à la défense, Robert Gates, et d’autres membres du cabinet du Président George W. Bush d’exclure le pétrole dérivé des sables bitumineux de l’application de la nouvelle législation.
«Le Canada ne voudrait pas voir une interprétation large de la législation, qui inclurait du carburant disponible commercialement provenant en partie des sables bitumineux du Canada», a écrit Wilson dans une lettre datée du 22 février 2008 qui a également été envoyée à la Secrétaire d’État Condoleezza Rice et au secrétaire à l’Énergie Samuel Bodman.
Dans la lettre, obtenue par Greenwire – un magazine américain en ligne sur la politique de l’environnement – Wilson a noté que le Canada a dépassé l’Arabie saoudite comme plus grand fournisseur de pétrole brut aux États-Unis, à 2,3 millions de barils par jour. Il a suggéré qu’il serait difficile de trouver du carburant sur le marché américain qui serait extrait à 100 pour cent par des moyens conventionnels.
Il a averti que la législation «pourrait rendre tout le carburant disponible sur le marché américain inadmissible à l’achat par le gouvernement des États-Unis. À ce titre, il y aurait bien d’autres conséquences non intentionnelles. Le gouvernement des États-Unis serait considéré comme préférant le brut offshore en provenance d’autres pays au carburant produit en partie par des sources américaines et canadiennes».
«En outre, le gouvernement américain serait en conflit avec d’autres objectifs d’encourager une plus grande utilisation des biocarburants et la production des sables bitumineux du Canada».
Wilson a également souligné que les gouvernements du Canada et de l’Alberta s’attaquaient aux émissions de GES provenant des industries liées au réchauffement de la planète.
«À l’heure actuelle, la production des sables bitumineux a un degré un peu plus élevé d’émissions de GES en moyenne par rapport au brut léger conventionnel», a-t-il écrit. «La bonne nouvelle est que les technologies continuent de s’améliorer. Les émissions de GES/baril des sables pétrolifères ont déjà chuté de 32 pour cent par rapport à 1990».
La quantité réelle d’émissions de GES provenant du raffinage du pétrole et de la production de combustibles fossiles a augmenté d’au moins 40 pour cent depuis 1990, selon l’inventaire qu’a fait le gouvernement canadien de la pollution par l’industrie.
Toutefois, comme l’opposition canadienne à la clause devenait apparente, une porte-parole du US House Committee on Oversight and Government Reform a dit qu’il n’est pas prévu de redéfinir « non conventionnel » pour inclure le brut des sables bitumineux. Comme c’est maintenant une «question juridique» elle a dit que le gouvernement mettrait la clause en application.
Certains analystes font toutefois valoir que la clause a été ajoutée après certaines manœuvre politiques par l’Arabie saoudite qui est «de plus en plus» menacée par la part croissante du marché de la production de pétrole occupée par le Canada.
L’analyste des ressources stratégiques Paul Michael Wihbey, rappelant le sommet de novembre de l’OPEP, a dit que c’est à ce moment que, pour la première fois, le ministre saoudien du pétrole Ali Al-Naimi «a frappé dur sur les sables bitumineux». Wihbey affirme que le ministre a alors déclaré : «Le Canada est l’un des producteurs de pétrole les plus coûteux au monde et requiert un haut niveau de prix pour rester viable». Al-Naimi a suggéré que le pétrole saoudite était une meilleure valeur pour les investisseurs, faisant valoir qu’il en coûte de $ 40 à $ 60 le baril pour produire le pétrole brut des réserves massives de sables bitumineux.
Wihbey souligne que l’Arabie saoudite et le Canada sont des concurrents directs pour le client le plus important: les États-Unis. David Kirsch, chef des marchés pétroliers PFC Energy, affirme que «dans le mi-continent américain, la pénétration du brut des sables bitumineux albertains est profonde, ils sont de plus en plus en concurrence avec le brut en provenance du Moyen-Orient. Jusqu’à récemment, nous avons vu une domination saoudite, mais maintenant c’est en train de devenir une affaire canadienne». Et c’est la raison pour laquelle les Saoudiens commencent à jouer dur, a revendiqué Wihbey.
«Ils jouent dur … puis tout d’un coup cette loi apparaît, littéralement un mois après que ces déclarations aient été faites en novembre», a souligné Wihbey.
C’est ainsi que Riyad est entraînée, de nulle part, dans un débat par ailleurs terne transformé en débat très intéressant. Tirons-en du plaisir. Après tout, il n’y a pas qu’ici que les gens croient aux théories de la conspiration. D’autres aussi y croient. C’est une réalisation plutôt consolante après tout.